Billet d'humeurSamantha, où es-tu ?
Par Alexandre Marain
Ceux qui me connaissent bien (même ceux qui me connaissent peu) savent que je suis un grand fan de Sex and the City. À l’aube de mes dix-sept ans, je suis allé jusqu’à m’offrir, sur un site sombre, l’iconique collier que porte Carrie avec mon propre prénom. Autant vous dire que pour quinze euros, il n’a pas duré longtemps… Tellement fan que, chaque été, je visionne une énième fois l’intégrale de la série. Certains diront qu’elle a mal vieilli, d’autres qu’il s’agit du show le plus révolutionnaire des années 1990. Je me situe dans cette deuxième catégorie.
Dans le sens où, à une époque où le sexe était encore un sujet tabou, Carrie Bradshaw et ses acolytes Miranda Hobbes, Charlotte York mais aussi et surtout l’incomparable Samantha Jones, sont arrivées comme autant de Messies féministes offrant un nouveau regard sur les relations amoureuses et sur la condition professionnelle des femmes. À chaque épisode, aidés d'un humour décomplexé, les quatre personnages relatent (sans langue de bois) leurs expériences avec les hommes, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. S'il y a une leçon à retenir : les femmes aussi ont une vie sexuelle et peuvent le faire savoir. Plans à trois, orgasme, vibromasseurs… Rien n’est occulté, tout est affiché.
Afficher plus"And Just Like That" : la bande-annonce est arrivée !C'est désormais officiel : la chroniqueuse la plus célèbre de New York revient sur nos écrans ! Warner Bros. a commandé une suite aux aventures de Carrie Bradshaw. Un retour inespéré mais très attendu intitulé “And Just Like That…”, à découvrir dès le 10 décembre sur Salto.
Par Alexandre Marain et Floriane Reynaud
Même en tant qu’homme, et gay qui plus est, cette série m’a instruit au fil des années, autant sur le sexe et sur l’amitié, que sur les relations amoureuses : merci Sex and the City, de m'avoir appris ce qu’était l’éjaculation féminine, les micropénis et qu’il était pratiquement impossible de changer un homme (la chose la plus importante à garder en tête).
À croire que le créateur de la série Darren Star, à qui l’on doit aussi Beverly Hills 90210, Melrose Place et Emily in Paris, connaît la recette magique pour élaborer une série à succès. Après six saisons et deux films en 2008 et 2010, Sex and the City avait rendu son dernier souffle. Quelle ne fut ma surprise lorsque j’ai constaté, en janvier dernier, qu’un reboot de la série était en route… Sur sur son compte Instagram, Sarah Jessica Parker herself annonçait la nouvelle avec une vidéo des buildings new-yorkais accompagnée de l’expression fétiche de Carrie Bradshaw : “I couldn’t help but wonder... where are they now?”. Bien sûr, comme tout fan qui se respecte, j’ai sauté au plafond. Mais c’était sans compter sur les conditions : ma joie a vite laissé place à une incompréhension totale.
Intitulée And Just Like That…, cette nouvelle série de 10 épisodes nous fait retrouver le groupe d’amies quelques années après le deuxième film (qui aurait du mettre un point final à leurs aventures à mon sens). Après avoir suivi l’évolution de Carrie, Charlotte et Miranda à travers la trentaine et la quarantaine maintenant, nous les retrouvons à l’aube de la cinquantaine. Elles sont plus matures, mais leurs pérégrinations de femmes modernes restent les mêmes.
Jusqu’ici, tout va bien. Le problème, c’est que le personnage -on ne va pas se le cacher- le plus aimé, j’ai nommé Samantha Jones (Kim Cattrall), la New-Yorkaise libérée qui n’a pas la langue dans sa poche, ne sera pas de la partie. Excusez-moi !? C’est comme si les Spice Girls étaient de retour sans Geri Halliwell… Ah quoi que ça a déjà été fait, et on se souvient (ou pas justement) du flop retentissant que cette décision a entraînée. Pas de Samantha, pas de sexe ? Qui va donc détoner avec un humour décomplexé et des répliques cinglantes désormais ? Sûrement pas Charlotte York… La raison du refus de participer de l’actrice reste valable. Kim Cattrall et Sarah Jessica Parker ne se sont jamais appréciées et ne peuvent donc plus travailler ensemble. Et franchement, à 64 ans, on peut comprendre que Kim ait autre chose à faire que parler sexe et ménopause.
Ce qui fait la notoriété de la série, c’est aussi l’amour inconditionnel qu'entretient Carrie Bradshaw avec la mode. Pendant 20 ans, elle a fasciné et inspiré des milliers de fans à travers le monde avec ses looks si singuliers. Son motto de l’époque ? Jouer le mix and match entre modèles vintage et pièces de créateurs. La New-Yorkaise a aussi fait revivre des tendances tombées dans l’oubli. Quelques exemples : au début de la série, elle relance la mode des Wayfarer signées Ray-Ban, la banane Gucci phare des 90’s, ou encore, dans la saison 1, la fashionista arbore une paire d’escarpins transparents, soit le style de stilletos que l'on retrouve dans le dressing de Kim Kardashian. Et tout cela, on le doit à une personne : Patricia Field.
Afficher plus5 leçons de vie que l'on a apprises avec "Sex and the City"Par Alexandre Marain
Reconnaissable par sa chevelure rouge, elle a réussi à marquer toute une génération : c’est elle qui a imaginé le look de la scène d’ouverture de Sex and the City, durant laquelle Carrie arbore un tutu rose, inattendue, fantaisiste, féminin, et cool, qui deviendra en un claquement de doigt la pièce la plus emblématique du personnage. Pour l'anecdote, la styliste l’avait dégoté dans une friperie pour la modique somme de… cinq dollars. Au fil des saisons, les choix de Patricia ont donné vie à une série de looks qui ont réussi à coller à la personnalité de chaque personnage : Carrie Bradshaw, journaliste qui dissèque les relations homme-femme, Charlotte York, une galeriste un peu naïve en quête d'amour, Miranda Hobbes, avocate indépendante et cynique, et Samantha Jones, attachée de presse croqueuse d’hommes. Patricia est une icône, tout simplement.
Nouveau coup de massue pour les fans : tout comme Kim Cattrall, la célèbre styliste ne se chargera pas des costumes de And Just Like That…, trop occupée à réaliser ceux d’Emily in Paris. C’est donc à Molly Rogers que revient la lourde tâche de cultiver le style des héroïnes. Malheureusement, ce n'est jusqu'à présent pas concluant. Il suffit de jeter un œil aux photos qui ont fuité sur les réseaux sociaux pour se rendre compte du changement radical du style de Carrie en 2021. Certes, certaines pièces culte qu’elle portait dans la série vont faire leur retour, à l’image de la ceinture cloutée aperçu dans le premier film, et les fameux escarpins bleus Manolo Blahnik. En revanche, il semblerait que Carrie n’a pas vraiment évolué depuis 2010… Le mix and match, c’est cool, mais lorsqu’il est fait avec goût. Jupe vichy sous les seins, robe informe bariolée digne de Franky dans Grace et Franky, chapeau tyrolien assorti à une triste combinaison… Si les pièces vintage demeurent, on peut légitimement se demander si Carrie se rappelle où se trouvent les belles boutiques de la Vème avenue ?
En 2020, l’interprète de Miranda Hobbes, Cynthia Nixon, lesbienne dans la vraie vie, pointait du doigt le manque de diversité dans la série dans l’émission Today : “C'est quelque chose dont j'étais consciente à l'époque et que j'ai dit, et je pense que nous sommes nombreux à l'avoir fait remarquer. Certainement sur le plan racial, mais aussi parce que la communauté de New York que le show montrait était incroyablement riche”. Ni une, ni deux, And Just Like That… dévoile un casting certes, beaucoup plus inclusif, mais qui peut toutefois sembler hypocrite. Mieux vaut tard que jamais, après tout.
En janvier 2021, Sarah Jessica Parker se confiait à Vanity Fair au sujet du reboot et soulevait quelques questions : “Pour Carrie, qui n'a pas de famille au-delà de ses amitiés, où en est-elle professionnellement ? Comment tous ces changements politiques ont-ils affecté son travail ? Est-ce qu'elle écrit toujours une chronique ? A-t-elle écrit d'autres livres ? Ou a-t-elle un podcast ? Que représente la mode pour elle maintenant ? Comment les amitiés ont-elles changé ou non, et son cercle social s'est-il agrandi ?”. Ok, ces questionnement sont valables, surtout en 2021. Mais n’est-ce pas un peu calculé ? Je m’explique. Je serais enthousiasmé par le reboot s’il mettait l’accent sur les problèmes auxquels sont confrontées les femmes dans la cinquantaine/soixantaine, avec honnêteté mais non dénué d’humour : divorce, ménopause, éducation des enfants -Brady, le fils de Miranda, et Lily, la fille de Charlotte, sont désormais adolescents… Mais cela a peu de chances d’arriver.
Depuis les début de Sex and the City, les téléspectateurs, et moi le premier, ont été habitués à voir Carrie s'offrir des chaussures à 400 dollars chaque semaine, avec sa simple paie de chroniqueuse. Aucun problème de mon côté, mais ne serait-il pas trop tard de lier des problèmes économiques et sociaux dans une série qui a toujours excellé dans le faussement réel ? À mon sens, si. À ce stade, on se doute que l'idée d'un reboot n'a pas été décidée pour évoluer les mentalités ou faire plaisir aux fans, mais seulement parce que la recette marche. Et ça sent le réchauffé.
Où allons-nous donc retrouver Carrie en 2022 ? Divorcée de Mr. Big, si l’on en croit les spéculations ? En train de sexter avec un jeune étalon sur Tinder ? Attablée dans un joli restaurant à Manhattan, “célibataire… et fabuleuse”, tout en sirotant son dixième Cosmopolitain ? Eh bien, je ne le saurai peut-être jamais, mais je m’en porte aussi bien.
“And Just Like That…”, à voir prochainement sur HBO Max
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