• 03/03/2023
  • Par binternet
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Les centrales d’achats dans le viseur de l’Autorité de la concurrence<

Le patron de Nestlé France, Richard Girardot, a jeté un gros pavé dans la mare en donnant des interviews chocs sur les relations commerciales, dénonçant « une situation de concurrence anormale », fustigeant la distribution sur les demandes de baisses de prix et l’inégalité de traitement de la distribution par rapport aux industriels par l’Autorité de la concurrence, qui leur inflige de très lourdes amendes (farine, lessives, yaourts...).

«Comment se fait-il que des directeurs commerciaux, qui se battent entre eux depuis dix, vingt ou trente ans, soient amenés à se retrouver dans des sous-sols de restaurant pour échanger des données confidentielles et se mettre d’accord sur les prix ? demande Richard Girardot, dans LeFigaro. La réponse, c’est que les industriels n’y arrivent plus, qu’ils sont en train de se faire laminer. » Hasard du calendrier ? Le même jour, à la demande d’Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, et de la Commission des affaires économiques du Sénat, l’Autorité de la concurrence devait rendre un avis sur le rapprochement des achats de SystèmeU et Auchan, Casino et Intermarché, Carrefour et Cora… En fait, il est publié le lendemain. Il s’agissait de savoir si les rapprochements posent des problèmes de concurrence, et, si les fournisseurs sont limités dans leur accès au consommateur.

Grille d’analyse

L’Autorité de la concurrence répond de manière nuancée. Ilne s’agit que d’un avis, résultant d’auditions, et non d’une enquête en bonne et due forme, comme lors de pratiques anticoncurrentielles, ou d’une concentration. D’ailleurs, la création d’une centrale d’achats commune – comme dans le cas de Casino et d’Intermarché – ou de conventions de partenariat – comme c’est le cas pour Auchan et Système U, et Carrefour et Cora – « n’entrent pas dans le champ du contrôle des concentrations », précise-t-elle.

Avant de se livrer à un rappel très argumenté du droit de la concurrence. « L’Autorité de la concurrence n’avait pas à se prononcer sur des pratiques existantes, mais devait livrer une grille d’analyse pour permettre aux opérateurs de s’adapter, explique l’avocat Nicolas Genty (EY Avocats). Elle évoque d’ailleurs les effets anticoncurrentiels qui pourraient exister et s’y penche longuement, mais vise aussi les effets proconcurrentiels qui pourraient racheter les effets anticoncurrentiels. »

Les centrales d’achats dans le viseur de l’Autorité de la concurrence

Parmi les pratiques anticoncurrentielles potentielles, les échanges d’informations pourraient constituer une entente. « Les négociations annuelles entre enseignes et fournisseurs portent sur le prix d’achat des produits, les remises et rémunérations au titre de la coopération commerciale, sur l’assortiment, le lancement des nouveautés ou les opérations promotionnelles. Or, plusieurs de ces informations pourraient présenter un caractère sensible si elles venaient à être échangées entre concurrents. » Plus complexe, la « symétrie des conditions d’achat », à la fois sur les prix et la logistique, qui pourrait aboutir à une « collusion sur le marché de la vente au détail », ou encore la possibilité qu’une enseigne renonce à racheter des magasins concurrents. L’Autorité s’appuie sur une déclaration de Thierry Cotillard – le futur patron d’Intermarché ! – à… LSA. « J’imagine que ce ne sont pas nos adhérents que Casino ira chasser en premier pour développer son parc. C’est une sorte de gentleman agreement. » Sans doute n’imaginait-il pas se retrouver dans un avis de l’Autorité de la concurrence ! Enfin, l’Autorité pointe les risques d’éviction et l’abus de dépendance économique…

Vraie prise de conscience

Las, elle admet aussi qu’elle n’est jamais parvenue à établir un abus de dépendance économique. Il faut changer la législation, ou renforcer le droit des pratiques restrictives de concurrence, qui n’est pas de son ressort, mais de celui… d’Emmanuel Macron et de la DGCCRF. Ce sont les principales recommandations auxquelles s’ajoute l’obligation de lui notifier les rapprochements de centrales d’achats d’une certaine taille. Des dispositions qui figurent déjà dans la loi Macron !

Les fournisseurs applaudissent toutefois l’avis rendu. « Richard Girardot a été très courageux. Il a dit ce que pensent les milliers de patrons de l’industrie alimentaire, y compris les PME, qui n’ont pas été épargnés lors des dernières négociations, indique Jean-Philippe Girard, président de l’Ania. Et l’avis de l’Autorité démontre une vraie prise conscience, que ce système est à bout de souffle, que la guerre des prix est mortifère pour notre industrie. » Côté distributeurs, Jacques Creyssel indiquait, quelques jours avant la publication de l’avis, que la notification du rapprochement des centrales était « une bonne mesure ». Et un distributeur glisse « en off » : « L’avis revient à nous dire : vous ­pouvez continuer à faire du covoiturage, il faut juste bien ­veiller à respecter le code de la route. » Inutile d’agiter le ­chiffon rouge alors que la loi Macron arrive devant les sénateurs. Et qu’après un avis, l’Autorité peut aussi s’autosaisir pour pratiques anticoncurrentielles et prononcer des sanctions si tel est le cas. Le code de la route, et le respect du gendarme…