• 09/04/2022
  • Par binternet
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Omar Victor Diop : "Dans mes photos, je veux dévoiler une Afrique moderne, optimiste, inventive"<

«Je crois qu'il faut renouveler l'image vieillotte et un tantinet folklorique de l'Afrique de la savane et de la forêt», confie Omar Victor Diop. À travers ses portraits et ses séries, le formidable photographe sénégalais fait plus que raconter des histoires, il raconte l’Histoire et partage sa vision de l’Afrique. Ses œuvres, comme sa merveilleuse série du Studio des vanités dont les couleurs sont aussi puissantes que les émotions qui y irradient, sont exposées à Bamako ou Los Angeles ou Paris. C'est là, dès le 11 novembre à Paris Photo, que sera présentée une nouvelle série, Allegria, au moment où sort une monographie lui est dédiée aux Editions des 5 continents.

"Je veux dévoiler une Afrique moderne"

Diop aime sillonner les continents et habite toujours à Dakar où il est né en 1980. Il n’est pas l’héritier d’une tradition de griots, comme voudraient les stéréotypes - «Je suis le dernier d’une fratrie de juristes et de financiers. Mes parents appartenaient à la middle class» - et il est arrivé à la photographie après avoir été cadre dans une multinationale. Depuis que son travail a été découvert aux Rencontres africaines de la photographie de Bamako (Mali) en 2011, Omar Victor Diop questionne les standards de l’identité, de la beauté et de l’élégance, et dresse le portrait d'une génération africaine créative et ambitieuse. Il s’inspire de grands photographes africains ainsi que d’artistes qu’il admire, comme Jean-Paul Goude. «Je veux dévoiler une Afrique moderne, optimiste, inventive et concernée par les enjeux de notre époque», dit-il. «Il faut revenir sur cette course à l'exotisme pour montrer les visages et les aspirations multiples de l'Afrique, urbaine et complexe.»

"Diaspora", une série allégorique d’anciens esclaves affranchis

Dans sa série Diaspora, présentée en 2014, Omar Victor Diop mettait en lumière les liens entre l’Afrique et le reste du monde. Ses photographies se concentraient sur la représentation des Africains dans l'histoire de l'art occidental et asiatique du XVe au XIXe siècle, à travers des portraits allégoriques d’anciens esclaves affranchis : «Je voulais montrer l'histoire d'hommes africains talentueux qui ont dépassé leurs frontières, parfois contre leur volonté, et qui ont inspiré le monde par leur intelligence, leurs actes et leur dignité. Pensons à Jean-Baptiste Belley (figure méconnue de la révolution française et premier député noir de l’histoire de France, NDLR), Angelo Soliman (domestique, mathématicien, philosophe ainsi que confident de l’empereur d’Autriche Joseph II, de Mozart et de Haydn, NLDR), Frederick Douglass (écrivain, père du Black Protest Movement, mouvement de libération des Noirs aux États-Unis, NDLR) ou Don Miguel de Castro, émissaire du Congo...»

Des clichés composés comme des tableaux

Diop incarne lui-même ces personnages dans ses photos, qu’il ne qualifie pas d’autoportraits. Son processus artistique est plus subtil : convaincu qu’une identité est toujours en rapport avec la temporalité, ce qui l’intéresse est de placer son identité dans différents espaces temporels. En s’inspirant d’anciens portraits, Diop créé deux dimensions dans ses photos : un arrière-plan où il fait revivre des figures de l’histoire à travers des éléments rappelant leur époque, contexte et vêtements, presque comme dans un tableau. Et un premier plan avec des symboles ultra-contemporains – comme un ballon de foot.

"Studio des vanités", un hommage à l'art du portrait africain

Omar Victor Diop :

Star prisée des collectionneurs, Diop offre une image inédite des révoltes des Noirs, de la diaspora et des luttes pour la liberté et les droits de l'homme. Son esthétique détournée mélange passé et présent. Ses photos puissantes et décoratives, conçues comme des collages artistiques visionnaires, juxtaposent des époques et nous permettent de tisser des liens invisibles entre des moments clés de l’histoire : la marche de Selma pour les droits civiques au sud des États-Unis (1965), les mouvements de résistance moins connus contre l'oppression coloniale dans le sud-est du Nigeria (telle la «guerre des femmes» de 1929) et le plus récent mouvement de protestation du «Million Hoodie March» (marche des millions de sweatshirt à capuches, en français), à New York, déclenché par le meurtre de Trayvon Martin (2012), qui a inspiré les campagnes du Black Lives Matter. «Mes images ont été, au départ, des moyens de perfectionner ma pratique de la photographie, mais aussi des hommages à l'art du portrait africain, notamment avec ma série Studio des vanités (2013), raconte le photographe. Peu à peu, ce que j'ai voulu faire, c'est de réaliser ce à quoi j'aspirais : raconter une histoire, à travers des séries qui seraient des chapitres.»

Représenté par la galerie parisienne Magnin-A, et son fondateur, André Magnin, Omar Diop dévoilera donc une nouvelle série intitulée Allegoria à l’occasion de la foire Paris Photo (1) : «C’est une série sur les enjeux écologiques et la responsabilité de l'homme devant la nature. À travers ces images, je raconte la continuité et la rupture, les idéaux humanistes et révolutionnaires, ainsi que nos vanités. Je parle des responsabilités, des talents et des ambitions d'une jeunesse africaine. En somme, par des couleurs et des présences, ma photographie célèbre le temps et une partie de l'histoire humaine dont on ne parle pas. Mais qui, je l'espère, parle aux spectateurs.»

Des influences africaines et cosmopolites

S’il a connu des influences venant du Sénégal et de toute l'Afrique, à travers des portraitistes célèbres comme Mama Casset – «qui avait photographié mon grand-père», raconte-t-il - ou Seydou Keïta et Malick Sidibé, Omar Victor Diop a reçu aussi des influences cosmopolites dépassant les frontières africaines, comme Annie Leibowitz et les artistes de la pop culture. «Ce qui compte, à la fin, c'est que toutes nos influences soient travaillées et singularisées, pour répondre aux enjeux humains», explique Diop. «Qu'il s'agisse de quêtes de liberté et de reconnaissance, que j'ai proposées dans ma série Liberty (2016), ou de questions écologiques dont l'Afrique, mais aussi toute l'humanité doivent se saisir, je travaille en désirant le plus possible que mon travail résonne à ce qu'il y a de respectueux et de tolérant, d'humain en nous tous.»

En plein dans l’actualité, le travail d’Omar Victor Diop sera au cœur, à partir du mois de septembre, d’une exposition individuelle à Dakar (1), Saraba (signifiant le paradis perdu) et présentera pour la première fois au Sénégal les séries Diaspora et Liberty dans leur intégralité. Le photographe publie également sa première monographie, Omar Victor Diop dans laquelle il présente les séries Diaspora, Liberty et Allegoria dans leur intégralité ainsi qu'un entretien d’Omar Victor Diop. Un coffret Deluxe en édition limitée à 100 exemplaires, sera mis en vente lors de la foire Paris Photo.

(1) Exposition individuelle organisée par la Galerie MAGNIN-A sur la foire Paris Photo dévoilant sa dernière série Allegoria, du 11 au 14 novembre 2021

(2) Exposition individuelle à la Galerie Le Manège, Dakar, Sénégal, du 30 septembre au 14 novembre 2021.

(3) Omar Victor Diop, en librairie à partir du 5 novembre 2021. En coédition entre la Galerie A-Magnin et la maison éditions 5 Continents.

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