En Italie, pour le secteur de la mode masculine, Milan ne détient pas tous les pouvoirs. La capitale lombarde doit composer avec le Pitti Uomo (le salon professionnel de mode masculine de Florence), l'autre rendez-vous italien de la mode homme, situé juste avant la Fashion Week milanaise dans le calendrier. A noter que la manifestation florentine séduit de plus en plus de griffes étrangères d'envergure ou de jeunes pousses en devenir : deux ingrédients qui font justement défaut à la semaine de la mode homme milanaise.
Ainsi, pour cette quatre-vingt-quinzième édition du Pitti Uomo, le belge Glenn Martens, vainqueur du concours de l'Andam en 2017, quitte la Fashion Week parisienne pour défiler dans la cité toscane, dans le cloître de la basilique Santa Maria Novella, avec le label streetwear Y/Project qu'il pilote depuis 2013. Invité d'honneur du Pitti, il marche ainsi dans les pas de Virgil Abloh, Raf Simons, ou Jonathan Anderson, qui se sont prêtés en leur temps à cet exercice. C'est également dans la cité des Medicis qu'Aldo Maria Camillo a décidé de présenter le sobre et chic premier opus de sa marque éponyme.
A contrario, depuis plusieurs saisons la Fashion Week masculine de Milan est affaiblie par l'absence de certains grands noms, ayant fait le choix de mutualiser leurs collections masculines et féminines pendant la Fashion Week femme (comme Gucci et Salvatore Ferragamo depuis 2017, Giorgio Armani pour cette saison ou Bottega Veneta, qui dévoilera les premières collections homme et femme de son nouveau designer, l'anglais Daniel Lee, en février).
Dans une moindre mesure, cette saison accuse aussi deux nouvelles pertes : la griffe italienne Moschino, pilotée par l'américain Jeremy Scott, partie défiler à Rome le 8 janvier, et la marque Jil Sander, qui avait opté pour le format de la présentation la saison passée, inscrite cette fois-ci au calendrier des défilés parisiens.
Dans ce climat morose, la Fashion Week homme milanaise, organisée par la Camera della Moda, parie sur son italianité et ses marques blockbusters. Dans cet esprit, les marques au rayonnement international proposent une partition plus classique, en misant respectivement sur les martingales stylistiques qui ont fait leur succès et sur la tradition sartoriale de la péninsule, qui a fait la réputation de la mode masculine italienne à l'étranger.
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— DIY or Die Trying Mon Aug 26 13:03:23 +0000 2013
Le défilé Dolce & Gabbana en est un parfait exemple. Premier signe d'un retour à une élégance plus traditionnelle : les influenceurs et enfants de célébrités ont disparu des podiums et laissé leur place à des mannequins dont c'est le métier. Deuxième indice : la reconstitution d'un atelier tailleur d'antan sert de décor. Enfin sur le catwalk s'enchainent costumes de banquiers, des tuxedos, des costumes de brocart, dans un esprit très Dolce & Gabbana.
Autre exemple de cette élégance italienne modernisée : la maison italienne Missoni (qui a opté pour le format de présentation sur rendez-vous), avant tout connu pour ses mailles à zig zag, intègre à son lexique des pièces et des matières empruntées au registre sartorial. Ainsi on retrouve aussi bien une veste de costume travaillée comme une maille chevronnée multicolore que des tricots pourvus de cols en velours côtelé.
Tradition du costume aussi chez Miuccia Prada, qui l'exprime avec la rigueur conceptuelle et le raffinement qui caractérisent son travail. Ici ses hommes, qui évoluent sur un podium expérimental réalisé à partir d'isolant phonique en mousse noire, présentent essentiellement des costumes d'inspiration seventies remasterisés à l'infini.
Autre cas de figure chez Fendi, où Silvia Fendi s'amuse des codes de l'élégance, en poussant à son paroxysme la notion de luxe ludique chère à la maison. Pour ce faire, elle invite Karl Lagerfeld, celui qui a fait entrer cette notion de luxe ludique chez Fendi en 1965 en tant que directeur artistique du prêt-à-porter féminin de la marque, à co-signer cette collection. Entre imprimés à son effigie et silhouettes fittées en costumes sombres, le designer allemand sert d'inspiration et constitue le point de départ de cette réflexion créative autour de la notion d'élégance.
Chez Ermenegildo Zegna, Alessandro Sartori traite la question de l'élégance en puisant dans les racines de la marque. Ici les étoffes luxueuses qui ont fait la réputation de la maison viennent servir un vestiaire urbain, qui fait la part belle au confort et à la fonctionnalité. Chez Giorgio Armani, la question de l'élégance italienne est innée. C'est d'ailleurs - avec sa constance - l'une des composantes de son succès depuis plus de 40 ans. Pour son défilé Emporio Armani, il garde ce cap et joue de son héritage entre costumes décontractés et sportswear chic.
Cette saison aura aussi été marquée par la « nouvelle ère » Versace. C'est le premier défilé de la maison milanaise - exception faite du show pre-fall organisé à New-York le 2 décembre - depuis son rachat officiel (2,1 milliards de dollars) par le groupe américain Michael Kors, rebaptisé depuis Capri Holdings Limited. Ici Donatella Versace est toujours la patronne. Elle le fait savoir en pariant sur une excentricité toute Versace. Ainsi, si ses hommes s'affichent également en costumes sombres, c'est avec une chemise à l'imprimé bondage ou un pull rose fluo qui interroge la notion de genre.
En parallèle, la Fashion Week milanaise est aussi l'occasion de redécouvrir des marques italiennes plus traditionnelles, comme la griffe tailleur napolitaine Kiton, vieille de plus de cinquante ans, qui joue la carte de l'excellence sur tous les tableaux. Au cours de sa présentation, la marque réaffirme l'idée d'un tailoring de luxe qui s'exprime notamment via le travail de la vigogne - la matière de prédilection de la marque et de sa riche clientèle - entre innovations (la vigogne traitée en jacquard) et partition plus formelle(les costumes).
Ici, même l'offre sportswear, proposée pour la troisième saison par les jumeaux de Matteis, avec leur ligne KNT, s'inscrit dans un registre très luxe (à l'instar des pantalons de survêtement et hoodies en cachemire ultraléger).
En parallèle, cette Fashion Week placée sous le signe de l'élégance, concorde avec l'annonce des bons résultats financiers présentés par Brunello Cucinelli, emblème du luxe italien discret pour homme et femme. Le roi du cachemire, qui présentait également ses collections homme cette semaine, a enregistré un chiffre d'affaires de 553 millions d'euros, en hausse de 8,1%, pour l'année 2018. Prouvant ainsi que le savoir-faire et l'élégance à l'italienne étaient bel et bien des arguments de vente.