Voici nos trois conseils d'expositions mode à voir à partir du 19 mai, à la Fondation Azzedine Alaïa, chez le joaillier Van Clef & Arpels et au Studio Willy Rizzo.
La Fondation Azzedine Alaïa célèbre deux talents qui ont écrit une page de l’histoire de la photographie et de la mode avec l'exposition Azzedine Alaïa, Peter Lindbergh, dont l'ouverture initialement prévue le 26 avril a été repoussée. Le photographe et le couturier se sont retrouvés dans l’affection pour le noir qu’ils cultivent en tirages argentiques ou en aplats vestimentaires. Bien que de géographies opposées, ils ont des horizons proches : originaire de Duisbourg en Allemagne, Peter Lindbergh a été formé à l’École d’Arts Appliqués de Krefeld. L’École d’Azzedine Alaïa est celle des Beaux-Arts au département des sculptures à Tunis où le couturier a grandi. Les façades blanchies à la chaux qui renvoient les ombres profondes de passants ont accompagné la Tunisie d’Alaïa. Les architectures que Duisbourg, ville industrielle et commerciale possède, servent de cadre à Peter Lindbergh autant que les plages néerlandaises qu’il fréquente. Les deux hommes partagent le goût pour les grands horizons qu’ils soient de méditerranée ou du Nord. Alors que Peter Lindbergh se fait une réputation en Allemagne notamment grâce au magazine Stern, puis installe son studio à Paris en 1978, Azzedine Alaïa est un couturier pétri de discrétion dont les techniques sophistiquées s’échangent secrètement entre clientes de haute couture. Tous deux rejettent les artifices, qui divertissent des vrais sujets, et la simplicité est leur terrain de jeu.
Les vêtements d’Alaïa, selon les vœux du couturier lui-même, doivent être les socles des sourires et des regards de celles, icônes et top modèles qui les portent. Pour Lindbergh - qui a construit sa notoriété sur l’image de ces grandes mannequins - seule l’authenticité d’un trait compte. "Peu de mots suffisent pour qui sait comprendre", semble s’avouer le couturier et le photographe sur les images instantanées qui les réunissent.
Exposition Azzedine Alaïa, Peter Lindbergh jusqu'au 19 septembre 2021. Fondation Azzedine Alaïa. 18, rue de la Verrerie.
L’exposition Parenthèse humoristique, quand le bijou a de l’esprit montre comment l’humour traverse l’histoire de la maison Van Cleef & Arpels, un sujet peu abordé dans la joaillerie. Pour les illustrateurs, les dessinateurs et les artisans joailliers, cela consiste bien souvent à ranimer l’insouciance et à exprimer la confiance en des lendemains meilleurs. "Si notre nom vous intimide, c’est que vous ne connaissez pas notre boutique", proclame une réclame de Van Cleef & Arpels en 1972. Cette boutique, alors située au 22 place Vendôme, est un écrin dédié aux "bijoux jeunes" et faciles à porter. Grâce à cette collection, la maison espère se libérer de sa propre légende "celle des célébrités et des têtes couronnées qui forment sa plus fidèle clientèle". Dès sa fondation au début du XXe siècle, la maison a fait de la joie de vivre l’une des composantes de sa signature ; dans les années 1920, elle propose des créations amusantes : des breloques en or jaune et en émail qui figurent un Arlequin s’échappant de sa boîte, un canard au chapeau comme sorti d’un dessin d’animation ou un thermomètre mesurant le niveau de la passion. D'autres créations humoristiques visent à soutenir le courage des hommes et des femmes durant les heures plus sombres : clip Marin à l’accordéon, clip Infirmière et Soldat dessinés sur des pancartes de 1940. À partir des années 1950, cette ode à la joie se manifeste dans une collection bestiaire : clips représentant des lions ébouriffés au mufle serti de diamants, canards en goguette ou poney joueur. Ce monde "où vous découvrirez des bijoux pleins de gaieté et de fantaisie…" rencontre un vif succès qui traverse l’Atlantique. Adressant un clin d’œil aux cartoons américains, un chat malicieux au ventre d’onyx et une souris au corps de chrysoprase forment le couple vedette d’une publicité célébrant la Paris Jewel Boutique de Van Cleef & Arpels aux États-Unis. Le traitement humoristique ne se limite pas au règne animal : clip Pirate en or et émail à la structure articulée, clips Cowboy, briquet en or jaune avec son paquet d’allumettes véritables complété d’un grattoir. Pour promouvoir cet objet, la réclame précise avec malice : "Fonctionne même en cas de panne d’essence."
Les archives, qui sont composées de publicités, de dessins originaux et de pancartes-produits, illustrent l’emploi régulier de la plaisanterie, du jeu de mots et du slogan comme outil de communication. Dans une publicité de 1972, Jacques Arpels fait cette affirmation teintée d’ironie à l’égard de ses concurrents : "Quand tout le monde reprend une idée, c’est qu’elle est bonne." Sur une réclame de 1916, se détache le croquis d’un couple devant une vitrine accompagné de la légende suivante : "Dis donc, mon chéri… : achète-moi un bijou en bois… ça te portera bonheur"..Une affiche de 1975 proclame : "Certaines folies sont aussi des placements d’une grande sagesse."
Exposition Parenthèse humoristique, quand le bijou a de l’esprit jusqu'au 31 août 2021. Boutique Van Cleef & Arpels. Galerie du Patrimoine. 20, place Vendôme.
Willy Rizzo a commencé sa carrière à l'âge d'or du photojournalisme. Il est devenu célèbre pour ses portraits emblématiques de célébrités. Avec la confiance des stars, le photographe s'est distingué par des mises en scène inédites qui ont signé un style. Photographe de presse, il fut l'un des témoins du XXe siècle. En capturant dans son objectif des instants de mode, il a fixé les évolutions stylistiques à travers le temps et témoigné.
La galerie, qui porte son nom, lui consacre une nouvelle exposition, Outdoor Portraits, qui rend hommage à la fraîcheur des portraits d’extérieur de l’artiste. Pour la première fois le Studio Willy Rizzo offre une visite virtuelle à 360° de l’exposition. Au centre de cette présentation, une vingtaine de tirages argentiques ont été choisis mêlant l’art du portrait en extérieur et de sa mise en scène. Pour chacun de ses portraits, Willy Rizzo reconstitue un studio à l’extérieur pour y accueillir une lumière naturelle "et ensuite, à la volonté du ciel, de la chance. Il faut que la bonne étoile soit de ton côté". Un décor qui vient renforcer l’authenticité apportée à la photographie. Dans ces tirages le photographe perçoit bien plus que l'environnement en arrivant à en faire quelque chose d’important, à créer une dynamique et un regard comme avec Monroe, Penn, Dietrich, Nicholson, Bardot, Picasso… Sa présence chaleureuse et sa bonne humeur communicative, son esprit font tomber les masques et ses images sont toujours le résultat d’une rencontre amicale et d’une intimité partagée avec ses sujets. "Ce n’est pas facile d’être photographié, il faut une grande concentration, de la patience. Pour le photographe c’est la même chose. Quand on est au niveau de chercher plus que la photo, cela demande un effort immense. Après cet effort passé, il en reste quelque chose."
Exposition Outdoor Portraits de Willy Rizzo jusqu'au 31 mai 2021. Studio Willy Rizzo. 12, rue de Verneuil.