Bien sûr, je pourrais commencer cet article par « la taille ne compte pas », mais en matière de montres, cette affirmation mérite un peu plus d’attention. Parce que la taille reste un des éléments qui conditionnent souvent le choix d’une montre. En fait, les dimensions d’une montre (diamètre et épaisseur) sont dictées par plusieurs facteurs : la fonctionnalité, la construction, le genre et finalement la mode.
Le premier critère est le plus évident. La fonction crée la taille, le boîtier doit accueillir un mouvement qui détermine donc en partie le diamètre de la pièce. Mais d’autres exigences techniques ou ergonomiques peuvent imposer certains choix. C’est par exemple un besoin de lisibilité, comme sur les Panerai des années 1940. On peut aussi citer d’autres impératifs techniques liés à la nécessité de protéger la montre. Il y a l’intégration d’une protection en fer doux pour lutter contre le magnétisme (IWC), ou la recherche d’une plus grande étanchéité. Finalement, une montre sportive aura souvent des dimensions plus imposantes qu’une pièce habillée.
Les composants utilisés jouent un rôle important : il y a le boîtier, la couronne, le verre, le fond, le cadran, le rehaut ou les cornes. Il ne faut donc pas considérer uniquement le diamètre avant de choisir une montre. Une grande boîte dotée d’un petit cadran et d’un large rehaut peut « rétrécir » la taille perçue (regardez par exemple la réédition de la Doxa Sub 300, qui mesure 42,5 mm mais est équipée d’un petit cadran).
Un boîtier plus contenu, doté d’un cadran très ouvert et d’un rehaut fin aura l’effet inverse.Les cornes jouent un rôle non négligeable : certaines sont plus courtes et rétrécissent la longueur de la montre, d’autres plus longues et élancées. Ceci influencera la façon dont la montre « tombera » sur le poignet.
Le genre conserve une importance relative : il y a des montres pour femmes et d’autres pour hommes. Pendant longtemps, une petite montre était associée à un poignet féminin, une grande semblait plus masculine. Cependant, l’époque et la mode ont grandement bouleversé cet a priori. D’abord il y a eu les Panerai de 44 mm portées par des femmes. Ensuite,le retour en grâce des montres vintage, dont la taille moyenne est largement inférieure aux critères actuels (entre 33 et 38 mm maximum). Il n’est donc plus surprenant de voir un homme porter une Longines en or de 35 mm et l’échanger avec son amie ! Le facteur différenciant n’est désormais plus le genre, mais plus simplement la taille du poignet.
Certaines marques se sont d’ailleurs fait piéger par cette relativisation du genre : il y a quelques années, Omega a « marketé » une Planet Ocean de 39 mm comme une pièce à vocation féminine, perdant ainsi une clientèle masculine qui pourtant revenait lentement vers des montres au diamètre plus réduit.
L’élément final reste la mode. Et c’est le plus compliqué à anticiper. Panerai (fin des années 1990) et IWC (début des années 2000) ont joué un rôle important dans le retour des montres à fort « embonpoint » ! Et le pari a payé ! Pourtant, les premières Panerai Pré-Vendôme choquaient parce qu’elles concentraient tout ce qui rendait une montre imposante : un boîtier de 44 mm, un cadran large et simple, une couronne surdimensionnée et une épaisseur digne d’un Animal Burger d’In & Out.
Elles ont rapidement trouvé leur clientèle, provoquant ainsi un tsunami dans toute l’industrie. Il fallait à présent faire plus gros, grand ou épais ! le fameux 44mm est devenu un standard, il est passé à 47 mm. Pratiquement toutes les marques ont alors donné des stéroïdes à leurs collectionset ont tenté avec plus ou moins de réussite les diamètres de 46, 48, voire 50 mm !
La tendance a duré plus d’une décennie. Jusqu’au retour du vintage et des diamètres plus contenus. Maintenant, tout le monde « downsize ». Même la Submersible de Panerai existe désormais en 42 mm.
Quelle sera la prochaine évolution ? Nul ne le sait, mais il est certain que la taille restera un facteur prédominant.
Nous avons déjà évoqué la marque de Schaffhouse plusieurs fois ici. Son histoire et son succès sont grandement liés aux montres de pilote, dont une des caractéristiques est la taille. Si la première IWC à aller dans le ciel date de 1896 (une montre de poche), la « Première Montre pour Pilote » de la marque remonte à 1936. Mais l’origine de la Big Pilot remonte à 1940 et à la fameuse IWC B-Uhr (pour Beobachtungs-Uhr Type A).
Les B-Uhr étaient des montres d’observation destinées aux équipages des bombardiers allemands. Il y en avait deux types : la version A, au cadran simple (heures et minutes) et la B, avec un cercle central qui indiquait les heures et les minutes affichées sur l’extérieur du cadran. La B-Ur type A fut produite dès les débuts de la Seconde Guerre Mondiale, alors que le modèle B n’apparut qu’en 1941. La référence de toutes ces montres d’observation de la Luftwaffe était la même : FL23883. Cinq marques produisirent les B-Uhr : Lange & Söhne, LACO (Lacher & Company), Wempe, Stowa (Walter Storz) et IWC.
IWC a donc produit une de ces fameuses B-Uhr, et son modèle le plus fameux est de type A. Il s’agissait de la réf. 431 / Type 52 TSC. Cet instrument de pilotage était massif (55 mm) et équipé d’une imposante couronne qui permettait l’usage de gants, et d’un bracelet en cuir riveté.
En 2002, IWC décida de relancer sa B-Uhr, changeant à cette occasion son nom : la Référence 5002 - Big Pilot était (re) née. Dès l’origine, IWC qualifia sa montre de « Big », en en faisant une marque de fabrique et un signe de reconnaissance. Bien sûr, l’accueil fut d’abord très frais, une montre de 46 mm étant encore très inhabituelle à cette époque.
Mais la Réf. 5002 réussit tout de même son pari et depuis 16 ans la Big Pilot est devenue un classique et un best-seller de la marque. Elle ouvrit la voie à de nombreuses autres « pilotes » d’IWC, dont les nombreuses évolutions de la « Small » Mark 11, ou le fameux chronographe 3706, qui a droit – cette année - à une magnifique réédition.
Big Pilot Le Petit Prince, réf. 501002 © IWC Schaffhausen
Depuis 2005, IWC contribue largement aux actions de la Fondation Antoine de Saint-Exupéry pour la Jeunesse. Au cours de ces douze dernières années (la première IWC Saint-Exupéry fut lancée en 2006), IWC a proposé de nombreuses montres portant soit le nom du célèbre pilote-écrivain, soit celui de son ouvrage le plus connu, Le Petit Prince (depuis 2013).
La Big Pilot Réf. 501002 est donc la version « Petit Prince » la Big Pilot normale. Les deux montres ont en commun leur taille de 46,2 mm et épaisseur (15,6 mm). Avec son cadran ouvert et relativement simple et sa couronne « oignon » vissée très présente, la Big Pilot est indéniablement une grande montre. Elle s’impose, prend de la place et attire les regards.
Elles sont toutes les deux équipées du calibre automatique 52110 qui offre une impressionnante réserve de marche de 7 jours. Comme pour la plupart de ses consœurs pilotes, le mouvement est protégé par un boîtier interne en fer doux, améliorant la protection contre les champs magnétiques.
La version Petit Prince diffère du modèle classique par son cadran bleu. Ce choix est intéressant puisqu’il adoucit l’aspect général de la montre. Le cadran noir est fort martial, sa version bleue pacifie son look. De plus, sa finition est plus brillante que le cadran noir, offrant ainsi différentes nuances de bleu en fonction de la lumière. De manière générale, ce simple changement de cadran confère à notre Pilot un look légèrement plus habillé. D’ailleurs, à l’occasion de son 150ème anniversaire, IWC a lancé cette année plusieurs éditions limitées, dont quelques Big Pilot.
Si vous souhaitez sortir des sentiers battus et que vous appréciez les cadrans différents, je vous conseille donc grandement les deux modèles « Grande Date », aux cadrans laqués blanc ou bleu. Elles sont toutes les deux exceptionnelles mais aussi fort rares. Seulement 100 pièces seront disponibles dans chaque livrée.
Big Pilot Grande Date © IWC Schaffhausen
L’IWC Big Pilot Le Petit Prince est offerte sur un bracelet à rivets de couleur marron alors que la version « noire » est montée sur un bracelet de couleur identique à son cadran. Ces bracelets sont réalisés par le célèbre chausseur italien Santoni. Particularité propre à IWC, la boucle déployante se ferme dans le sens inverse de celui auquel nous sommes habitués sur une montre. Je me suis toujours demandé pourquoi, mais je n’ai à ce jour pas eu d’explications convaincantes sur la raison de ce choix.
En résumé, la Big Pilot Le Petit Price est un choix intéressant si vous souhaitez à la fois porter un peu d’histoire de l’aviation à votre poignet, et si vous vous sentez l’âme d’un écrivain aventurier au grand cœur !
Bien sûr, je ne vais pas évoquer la taille. Enfin, un peu tout de même.
Ce qui dérange le plus dans cette Big Pilot, c’est l’imposante couronne. Elle est bien sûr parfaitement en accord avec le reste de la pièce, mais peut s’avérer parfois gênante au porté, lorsqu’elle « s’enfonce » dans le haut du poignet.
L’autre aspect qu’IWC pourrait faire évoluer est la présence de la réserve de marche sur le cadran. Cette fonction est surtout utilisée sur une montre à remontage manuel. Or la Big Pilot utilise un mouvement automatique. L’intérêt est donc moindre. En conservant les 7 jours, mais en supprimant l’indicateur, IWC pourrait encore simplifier le cadran de la Big Pilot, ce qui transformerait probablement la pièce et l’allègerait.
La Big Pilot Le Petit Prince n’est pas une montre que l’on porte tous les jours. Mais elle restera une pièce maîtresse dans une collection, tant par son caractère que par ses mensurations !
Big Pilot Le Petit Prince, réf. 501002 © IWC Schaffhausen
L’IWC Big Pilot se remarque. Point. Il faut donc lui donner de l’espace et l’autoriser sur son poignet. D’abord, comme toujours, pensons au bracelet.
Le modèle d’origine est superbe, mais la couleur bleue du cadran aurait mérité un peu plus d’originalité. On peut opter pour un bracelet MILTAT en Denim de Strapcode, ou un cuir plus clair. La présence des rivets est une ode au passé, mais sans eux la Big Pilot s’affine. Vous pouvez donc aussi faire réaliser un bracelet plus simple, plus coloré (jaune, orange) mais qui devra conserver le design original, qui colle parfaitement à la boîte. J’ai essayé plusieurs autres bracelets de 22 mm, et leur découpe n’est pas idéale.
Compte tenu de son poids et de sa taille, j’ai toujours vu la Big Pilot comme une montre plus agréable à porter en automne ou en hiver. Aux premiers frimas, sortez votre pantalon « jogger » Zegna en cachemire gris taupe et enfilez un polo bleu.Ainsi confortablement habillé, surfez online pour trouver un blouson vintage de pilote A-2 d’Aero Leather Clothing & Co ou Werber Sportswear (ces deux marques produisirent de nombreux A-2 au cours de la Seconde Guerre Mondiale).
Avec de la patience et de la chance, vous trouverez l’un de ces mythes, usé mais toujours fringant. Et sur le dos, il y aura peut-être ce dessin si caractéristique d’un pin-up, petite amie d’un pilote de l’époque.
Une fois la commande passée, il faudra attendre. Profitez-en alors pour relire le Petit Prince. S’il te plaît, dessine-moi une jolie montre …
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