• 20/02/2023
  • Par binternet
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Laurent Prud'homme, DG du groupe L'Equipe : "En 2023, nos revenus numériques dépasseront nos revenus papier"<

Nommé il y a un an à la tête du groupe L’Equipe, Laurent Prud’homme dresse un bilan positif d’une entreprise qui a profité de la crise sanitaire du Covid-19 pour se réformer profondément. Le directeur général du groupe se félicite de résultats portés par la télévision, avec la chaîne L’Equipe et le numérique. Sans abandonner pour autant le papier.

Quelles conséquences a eues la pandémie sur la santé du groupe L’Equipe?Il a particulièrement bien résisté. Je dirais encore mieux : cette pandémie a été une opportunité puisqu’elle nous a obligés à nous repenser, à nous transformer. La question qui m’anime, c’est comment on arrive à rebondir? Car l’enjeu de demain c’est la transition numérique, c’est notre priorité absolue. Et nous y sommes.

Vous avez affiché une perte de 20 millions d’euros pour 2020. Quel est le bilan pour 2021? Et vos prévisions?La situation s’est nettement améliorée, même si je ne peux pas encore donner les chiffres pour 2021. Mais nous devrions connaître une bonne année, avec des perspectives d’un retour à l’équilibre plus rapide que prévu. Pourquoi? Parce que le groupe s’est radicalement transformé depuis deux ans, a accéléré sa transformation et a développé ses revenus numériques, qui représentent aujourd’hui 33% du chiffre d’affaires. En 2023, nos revenus numériques dépasseront nos revenus papier.

Vous avez engagé un plan social comptant une cinquantaine de personnes : où en est-il?Il est achevé, cette page se tourne. Il est important maintenant de redonner de la confiance, du sens et de la valeur aux collaborateurs de cette maison. Et de fixer un cap.

L’acquisition de droits télé de compétitions sportives pour la Chaîne L’Equipe ainsi que le développement du streaming sur vos plateformes sont-ils l’avenir du groupe?Pas seulement. Le papier, lorsqu’on innove, lorsqu’on événementialise, est aussi un vecteur de croissance et il doit participer à la transformation numérique. Tout autant que la chaîne ou notre plateforme numérique. La chaîne L’Equipe a bénéficié de cette crise avec des Français très nombreux devant la télévision. Nous avons su faire preuve d’opportunisme en récupérant des droits auprès de détenteurs qui ne parvenaient plus à diffuser leurs compétitions sur des chaînes payantes du câble ou du satellite. Le dégonflement de cette bulle, avec des prix hier parfois exorbitants sur les droits sportifs, nous permet aujourd’hui d’enrichir notre offre de contenus avec par exemple les 24 Heures du Mans, la Diamond League d’athlétisme, le ski alpin, la Copa America de football ou encore le Super Bowl. Tout est en train de changer avec des fédérations sportives détentrices de droits qui créent et commercialisent leurs propres contenus. Rendez-vous compte que, au moment du départ des 24 Heures du Mans, la chaîne L’Equipe est la première chaîne de France! Nous faisons avec le Super Bowl la même audience qu’enregistrait TF1 quand elle le diffusait. Si bien que L’Equipe est la plus grosse progression de la TNT l’an passé avec CNews.

Laurent Prud'homme, DG du groupe L'Equipe :

Avec quelles fédérations nouez-vous des partenariats?Nous avons par exemple signé avec la Fédération française d’athlétisme, qui a créé sa propre plateforme, Athlé TV. Nous diffusons ainsi, gratuitement et en direct, tous les grands meetings, ainsi que les championnats de France qu’elle met en ligne. C’est du gagnant-gagnant : davantage de visibilité pour elle et du contenu pour L’Equipe. La convergence entre la télévision gratuite et les plateformes, c’est l’avenir. Nous venons aussi de signer avec les fédérations internationales de ski pour les épreuves françaises de Coupe du monde de ski alpin.

Le numérique, la télévision et les plateformes comme relais de croissance : est-ce la mort du papier à terme?C’est tout le contraire : la place du papier est centrale. Le journal, c’est la haute couture du groupe, la vitrine de notre excellence journalistique. Sur la marque L’Equipe, les chiffres d’audience de son offre numérique montre sa puissance : avec deux nouveaux univers lancés en mai – L’Equipe Explore et L’Equipe Live –, nous affichons une moyenne de 2,8 millions de visiteurs uniques quotidiens. Et jusqu’à 4,4 le week-end dernier : c’est colossal. Nous avons terminé l’année 2021 avec 340.000 abonnés numériques, soit une progression de 14% par rapport à l’année précédente. Le papier, la télé et le numérique font partie d’un même écosystème. Par exemple, quand nous diffusons le biathlon, une discipline qui compte quelques milliers de licenciés en France, nous enregistrons une audience de 1,5 million de téléspectateurs. Pourquoi? Parce que le journal et notre plateforme auront en amont raconté, décrypté l’événement. Et nous enrichissons sans cesse notre offre : ainsi L’Equipe Live va diffuser dès lundi les tournois de tennis de Montpellier, Marseille, Metz et Lyon.

Vous dites avoir "événementialisé" la ligne éditoriale du quotidien : c’est-à-dire?L’arrêt des compétitions sportives lors du premier confinement nous a obligés à accélérer ce pas de côté : considérer le sport non pas comme un univers uniquement de compétitions, mais dans toutes ses dimensions, politique, économique, sociétale. Notamment par les affaires qui le touchent, qu’il s’agisse de dopage, de violences sexuelles ou de scandales financiers.

Au risque de vous mettre à dos des grandes fédérations avec lesquelles L’Equipe entretient des liens historiques?Ça s’appelle l’indépendance. Et un grand nombre de nouveaux abonnés nous rejoignent pour ces enquêtes et longs formats.

Le foot reste-t-il votre matière première?Bien sûr, ça n’a pas bougé. Cela reste le sport majeur.

Avec un PSG en locomotive?Egalement. L’arrivée de Messi dans ce club a été la plus grosse vente en kiosques de L’Equipe en 2021.

Pourquoi, pour la Ligue 2, Amazon vient-il vers L’Equipe quand il aurait pu négocier avec d’autres chaînes?Parce que le groupe Amaury, propriétaire de L’Equipe, est une entreprise indépendante, familiale, qui n’est pas adossée à un groupe industriel. La chaîne L’Equipe est la seule de la TNT détenue par un groupe de presse. Cette liberté, cette indépendance et notre réactivité renforcent la désirabilité.

Ce partenariat avec Amazon a-t-il d’autres raisons?Oui. Nous avons créé une société – 21 Productions – qui fait de nous le producteur délégué d’Amazon sur la Ligue 1 et la Ligue 2. Tous les journalistes et consultants qui commentent les matches sont des collaborateurs de cette filiale. Et nous produisons leur émission du dimanche soir. En toute humilité, je pense qu’Amazon est venu chercher l’expertise et le savoir-faire de notre groupe. Plus globalement, les Gafa sont aussi des partenaires. Ainsi, nous allons nouer en avril un accord de partenariat, de comarketing, avec Google pour le recrutement de nos abonnés numériques. Nous devrions également en signer un avec Facebook. Même si nous sommes très vigilants, comme l’ensemble de la presse française, sur la question de la rémunération de nos contenus.