CinémaAlors que "House of Gucci" de Ridley Scott avec Lady Gaga, Adam Driver, Al Pacino et Camille Cottin sort aujourd'hui, Vogue se penche sur l’histoire sulfureuse de Patrizia Reggiani, la veuve noire italienne qui défraie la chronique.
Par Floriane Reynaud
27 mars 1995, Maurizio Gucci décède après avoir reçu plusieurs balles de revolver dans le dos et la tempe. Le tireur prend la fuite et le portier, blessé aussi, tente de ranimer son patron qui décède dans ses bras. Pendant des semaines, la police enquête alors que l’Italie et le monde entier sont sous le choc de la perte de l’héritier de la maison Gucci. Très vite, après avoir écarté la piste du règlement de comptes mafieuxou de la querelle entre héritiers, l'attention des autorités se porte sur son ex-femme Patrizia Reggiani. Pendant douze ans, l’Italienne avait paradé fièrement au bras du businessman et avait vécu une vie de mondaine, comme elle disait le mériter. Comme souvent, après l'ascension, c'est la chute : le monde de Patrizia Reggiani s’écroule lorsque son prince la quitte. Humiliée, le coeur brisée, elle n’aura de cesse de faire payer à son ex-mari sa terrible décision, jusqu’à commettre l’irréparable.
Aujourd'hui, les projecteurs sont de nouveau tournés vers la dynastie italienne avec la sortie du film de Ridley Scott, “House of Gucci”. Loin de faire l’unanimité auprès de la famille de Guccio Gucci, le projet passionne le public. Résultat, un net regain d'intérêt pour la marque, dont Alessandro Michele assure aujourd'hui la direction artistique. Dans le film, la marque ne figure qu'au rang de contexte. Ici, le réalisateur de Blade Runner, Thelma et Louise et Alien raconte surtout une histoire, celle d'une tragédie amoureuse centrée autour d'une veuve noire impitoyable. Lady Gaga est totalement métamorphosée en héritière italienne avec son accent chantant et son look eighties particulièrement bling bling. Fascinante, déroutante, presque hypnotisante, son histoire n’a pas eu être romancée pour devenir un croustillant mais funeste scénario de cinéma.
Lorsque Maurizio présente à son père, Rodolfo Gucci (fils du fondateur Guccio Gucci), la jeune Patrizia, ce dernier n’est pas enchanté par cette union. Marquée par une enfance pauvre en Italie du nord, elle cherche à tout prix à gravir les échelons sociaux pour devenir membre de l’élite. Certains se rappellent de Patrizia Reggiani comme d’une jeune fille froide, calculatrice, opportuniste, déjà habillée de fourrure alors qu’elle en avait à peine les moyens.
Lorsqu’elle met le grappin sur l’héritier de la maison Gucci, c’est enfin l'occasion pour elle d'accéder à la vie qu’elle pense mériter. Leur mariage est l’un des plus fastueux de l’époque, malgré la violente dispute entre le père (joué par Al Pacino) et le fils (Adam Driver). Toujours vêtus de leurs plus beaux atours, le couple aime se montrer, enchaînant les soirées mondaines. Ensemble, ils fréquentent la jet-set la plus prestigieuse, des Kennedy en passant par le milliardaire Aristote Onassis. Patrizia Reggiani vit la vie dont elle a toujours rêvé, même si sa belle-famille ne l’a jamais complètement acceptée ; mais elle compte bien se faire un nom pour elle-même.
Avec une telle femme à ses côtés Maurizio se sent invincible. Ensemble, ils refont le monde, s’achètent un appartement sur la 5ème Avenue à New York, plusieurs îles privées, un yacht et ont deux filles : Alessandra et Allegra. Leur vie ressemble presque à un conte de fées, mais plutôt que d’être endormie, la belle sirote le meilleur champagne et dépense près de 8000 dollars par mois rien qu’en orchidées. Quel mal pourrait-il arriver ?
Grâce à cette réputation rayonnante et sulfureuse, la maison Gucci devient l’un des protagonistes principaux du mouvement « Made in Italy ». Le public s’intéresse de près à la marque aux deux G et Patrizia Reggiani est à présent connue sous le nom presque aristocratique de Lady Gucci.
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— Mr Oz Mon Jun 12 08:20:03 +0000 2017
Puisque la vie n’est pas exactement un conte de fées, même chez les milliardaires, il fallait bien que la fabuleuse bulle de bonheur explose un jour. C’est tout le propos du film de Ridley Scott. “House of Gucci” raconte la lente ascension du désir de revanche chez Patrizia Reggiani, écartée de la maison de mode lorsque son époux décide de la quitter en 1985 pour une plus jeune. Le milliardaire s’éloigne de son ex-femme mais aussi de ses filles pour refaire sa vie avec Paola Franchi, une décoratrice d’intérieur (jouée par Camille Cottin).
Il faudra encore attendre sept ans pour que Patrizia accepte de signer les papiers de divorce et le rendre officiel. Mrs. Gucci n’est plus, au grand dam de celle qui avait construit toute son identité autour de l’image grandiose et mondaine que ce nom de famille lui apportait. Délaissée, humiliée et évincée des affaires de Gucci après avoir tant donné pendant des années, Patrizia Reggiani nourrit une haine qui ne s’apaisera pas après qu’elle soit diagnostiquée d’une tumeur au cerveau en 1992. L’opération pour lui retirer est un succès mais, le coup de grâce la frappe de plein fouet lorsque Maurizio Gucci décide de vendre ses parts de la marque pour plusieurs millions de dollars. Adieu aussi les promesses d’héritage colossal.
Le matin du 27 mars 1995, Maurizio Gucci est assassiné de plusieurs coups de feu par un homme mystérieux qui disparaît dans la nature. Après deux ans d'enquête, le 31 janvier 1997, la police milanaise arrête tous les suspects : Pina Auriemma, Ivano Savioni, Benedetto Ceraulo, Orazio Cicala. Les deux premiers seraient les intermédiaires entre Patrizia Reggiani et le duo composé de Cicala, le conducteur de la Clio avec qui le meurtrier s'est échappé et Ceraulo l'auteur du meurtre.
Mais le doute sur l’ex-femme planait depuis le début. Patrizia Reggiani n’avait jamais caché sa haine pour l’héritier de la famille Gucci et avait même été très volubile au sujet de sa disparition. Mis sur écoute, les suspects Pina Auriemma et Ivano Savioni avaient confirmé lors d’un appel que l’héritière avait bien payé la somme de 600 millions de lires (300 000 euros environ) pour l’assassinat de Maurizio Gucci. Elle est arrêtée avec la même allure effrontée qu'un méchant de cinéma : un manteau de fourrure sur les épaules et sans la moindre once de regret dans le regard. La princesse de conte de fées s’est transformée en machiavélique sorcière, mais la fascination subsiste.
L’ancienne jet-setteuse est condamnée à 26 ans de prison, même si elle n’a jamais publiquement avoué avoir commandité le meurtre de son ex-mari. « Je le demandais à tout le monde, c’était une obsession, je l’aurais même demandé à mon charcutier !” Avait-elle reconnu face aux jurés, niant le passage à l’acte. Patrizia Reggiani a décliné une première offre de sortie de prison en 2011 lorsqu'elle a appris qu'elle serait obligée de travailler. "Je n'ai jamais travaillé de ma vie et je n'ai pas l'intention de commencer maintenant", a-t-elle déclaré à son avocat, selon The Guardian. Libérée en 2016 après avoir enfin accepté une semi-liberté, elle reste dans son personnage, pour le plus grand bonheur de la presse à scandales qui voit en elle une poule aux œufs d’or.
Dès sa sortie de prison, la veuve noire part faire du shopping dans la célèbre Via Monte Napoleone, au coeur de Milan, avec un perroquet perché sur l’épaule. Malgré cette affaire sinistre, elle donne toujours des interviews et parade avec ses fameux manteaux de fourrure et ses bijoux clinquants à la télévision comme dans les magazines. Fidèle à elle-même, Patrizia Reggiani continue de mentionner Gucci, alors que la maison italienne a toujours préféré se tenir à l’écart du scandale. "Ils ont besoin de moi. Je me sens toujours comme une Gucci, en fait la plus Gucci de tous", expliquait-elle à La Repubblica. Ironiquement, la veuve noire est toujours entretenue par son ex-mari puisqu’elle reçoit depuis 2017 une rente d’un million d’euros par an, issue de la succession de Gucci, suite à un accord signé en 1993.
Au cinéma comme dans la réalité, les mantes religieuses détiennent une place de choix dans l’esprit collectif. Même après de terribles meurtres, les veuves noires sont vues comme des anti-héroïnes perfides mais fascinantes qui savent déjouer les pièges pour ne jamais se faire prendre. On écoute leurs histoires avec entrain, peu inquiété par leurs épouvantables desseins. À la manière de la comédie musicale Chicago, le cinéma profite parfois de la réputation sulfureuse et dangereuse de ces femmes littéralement fatales qui profitent de la naïveté de leurs maris pour décider de leur sort. Sophistiquée, séduisante, presque compréhensible, Patrizia Reggiani en est l’exemple même. Fidèle à son personnage, elle fait ce qu’elle sait faire le mieux : choquer pour exister. Alors que la famille Gucci désapprouve la sortie d’un film sur leurs affaires, Patrizia Reggiani joint sa parole à la leur. Celle qui avait accepté de témoigner dans le reportage Lady Gucci : la storia di Patrizia Reggiani sorti en mars 2021, s’est montrée plus réticente à l’annonce du film de Ridley Scott.
Mais contrairement à la famille qui aimerait mettre le passé derrière elle, la veuve noire est mécontente de ne pas avoir été consultée, notamment par Lady Gaga qui l’interprète sur grand écran. “Je suis plutôt agacée du fait que Lady Gaga me joue dans le nouveau film de Ridley Scott sans avoir eu la considération et la sensibilité de venir me rencontrer”, a-t-elle admis. Elle a poursuivi en expliquant qu'elle n'était pas ravie d'être exclue du projet, contrariée de ne pas « obtenir un centime du film". “Ce n'est pas une question économique", elle ajoute. "C'est une question de bon sens et de respect.” Ses extravagances, son franc-parler, son goût pour le scandale, et l’absence totale de regret… c’est peut-être cela qui rend la black widow de Gucci si captivante.
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