• 09/02/2023
  • Par binternet
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Sous pression, Decathlon renonce à commercialiser son «hijab de running» en France<

Confronté à une «vague d'insultes et de menaces sans précédent», l'enseigne Decathlon a finalement renoncé ce mardi à commercialiser son «hidjab de running» en France. «Nous prenons effectivement décision en toute responsabilité en ce mardi soir de ne pas commercialiser à l'heure qu'il est ce produit en France», a ainsi déclaré le responsable de la communication externe de Décathlon United, Xavier Rivoire, sur RTL vers 18h. Dans la matinée, l'équipementier déclarait avoir reçu «plus de 500 appels et mails» en un jour, et rapportait des menaces et insultes envers ses employés dans ses magasins.

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Le groupe Decathlon voulait emboîter le pas à d'autres enseignes, dont H&M, Uniqlo et son grand concurrent, l'équipementier sportif Nike, en s'engouffrant dans la «mode islamique». Confrontée à une baisse de son chiffre d'affaires en France, la marque avait mis en ligne sur son site français un hidjab destiné aux femmes qui souhaitent pratiquer la course à pied tout en gardant leurs cheveux et leur nuque cachés. Ce vêtement en polyester permet à celles qui décident de le porter de gagner «en confort lors de [leur] séance», indique le site de Decathlon, qui précise qu'il est disponible en trois tailles et ne bouge pas durant la course. Il a été «testé plusieurs fois par vingt femmes qui portent habituellement le hidjab» et ces dernières l'ont «validé pour son confort et sa responsabilité».

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Interrogée ce mardi matin sur RTL, la ministre de la Santé Agnès Buzyn avait vivement regretté la mise en vente, jusqu'alors annoncée comme telle, de cet accessoire, et déclaré qu'elle aurait «préféré qu'une marque française ne promeuve pas le voile». «Il est évidemment permis, et on sait bien que la laïcité en France permet le port du voile. C'est notre société. Mais personnellement, je n'ai pas envie qu'on favorise la différenciation entre les hommes et les femmes», a-t-elle poursuivi. La ministre n'est d'ailleurs pas la seule à s'être exprimée sur ce sujet, de nombreuses réactions ont été entendues ce mardi, à droite comme à gauche.

Le produit ne sera «pour l'heure» pas commercialisé en France

Alors que le hidjab de Kalenji est déjà en vente sur le site marocain de Decathlon, le produit n'était pas encore disponible sur son équivalent français. Contacté lundi matin par Le Figaro, Xavier Rivoire expliquait que le hidjab de la marque propre de Decathlon, Kalenji, n'était pas censé être proposé à la vente en France pour le moment. Mais finalement, dans l'après-midi, «plusieurs échanges ont eu lieu au sein de decathlon» et l'enseigne a finalement décidé «de mettre à disposition cet accessoire de running dans les magasins qui le demanderont» en France et dans d'autres pays. Decathlon annonçait alors que le produit serait commercialisé dans l'Hexagone avant la fin du mois de mars. Finalement, la polémique a conduit la marque à renoncer.

Sous pression, Decathlon renonce à commercialiser son «hijab de running» en France

Hier, la responsable de Kalenji, Angélique Thibault, défendait encore le produit, soulignant qu'il avait été créé en réponse à une demande exprimée par les coureuses marocaines. «Ce couvre-tête (hidjab Kalenji) a été co-créé avec nos équipes de Decathlon Maroc qui souhaitaient rendre accessible cette pratique à toutes les sportives et futures sportives de leur pays. Nous mettons donc à disposition de tous les pays, toutes les villes, tous les magasins qui le souhaitent ce produit, il en revient néanmoins à la responsabilité de celui qui a la délégation de pouvoir de le valider à la commercialisation», précisait-elle. La marque observait alors les réactions suscitées par son produit avec «calme, recul et sérénité» et le groupe assumait sa volonté de rendre «la pratique du sport accessible à toutes les femmes». Le groupe affirmait ainsi se placer dans une posture de «tolérance absolue et une inclusion totale», soulignant que ce hidjab de running n'était pas «un produit lié à n'importe quelle mode, mais un produit dédié à un usage sportif».

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Ce couvre-tête permettra que «chaque femme soit libre de courir dans chaque ville et chaque pays, indépendamment de son niveau sportif, de son état de forme, de sa morphologie, de son budget» et de «sa religion» ou de sa culture, argumentait-elle encore.

hidjabs : Decathlon doit-il en vendre ? - Regarder sur Figaro Live

«Prolonger l'apartheid sexuel imposé aux femmes dans l'espace public»

Decathlon n'est pas le premier équipementier à avoir voulu se lancer sur le marché juteux des vêtements destinés aux femmes musulmanes. De grandes marques ont déjà mis en vente des vêtements destinés à une frange de la population, religieuse ou non, adepte du hidjab. Il faut dire que les perspectives économiques du marché de la mode musulmane - ou «mode modeste», selon l'appellation des experts - sont alléchantes: selon la dernière édition du Global Islamic Economy report, publié par Thomson Reuters, «les dépenses des musulmans consacrées aux vêtements ont atteint 270 milliards de dollars en 2017», et devraient continuer d'augmenter dans les années à venir, atteignant «361 milliards de dollars en 2023». De quoi susciter nombre de convoitises et pousser les marques à s'engouffrer dans ce marché croissant.

Néanmoins, les entreprises qui décident de proposer des produits adaptés à certaines pratiques religieuses déclenchent régulièrement des polémiques, tant la question de la laïcité est présente en France. Ce fut notamment le cas lorsque le fast-food Quick avait décidé de mettre en place un burger halal, ou lorsque Gap avait dévoilé aux États-Unis une publicité mettant en scène une fillette voilée. Cette fois encore, la révélation de ce nouveau produit a entraîné de fortes réactions. La porte-parole des Républicains Lydia Guirous a ainsi dénoncé sur Twitter la soumission de Decathlon à «l'islamisme qui ne tolère les femmes que la tête couverte»: l'auteur d'Allah est grand, la République aussi y voit un symbole du reniement «des valeurs de notre civilisation sur l'autel du marché et du marketing communautaire». Députée et présidente du groupe Socialistes et apparentés, Valérie Rabault a également exprimé son étonnement sur le réseau social.

De même, plusieurs collectifs ont fait part de leur rejet de ce produit. La Ligue du droit international des femmes et le Comité laïcité république ont publié un communiqué commun dénonçant la promotion de «l'apartheid sexuel» par Decathlon: «le monde du sport se rend complice» de «l'enfermement» des femmes en Iran, en Algérie et en Arabie Saoudite en «faisant la promotion d'un modèle islamiste féminin» destiné à «prolonger l'apartheid sexuel imposé aux femmes dans l'espace public», critique le texte. Revenant sur plusieurs épisodes où les institutions internationales du sport comme la FIFA et le CIO ont accepté les vêtements islamiques, le texte s'alarme des choix des marques, qui préfèrent capter un public cible plutôt que de prendre en compte des considérations morales: «Tant pis pour les millions de femmes qui se battent partout dans le monde pour la liberté de leur corps et de leur esprit», conclut-il. Des propos partagés sur Twitter par la féministe et ancienne ministre des Familles, de l'enfance et des droits des femmes Laurence Rossignol.


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