• 15/06/2022
  • Par binternet
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Thierry Mugler, couturier du paraître<

Les créatures drapées dans d'incroyables toilettes se bousculaient, en octobre dernier lors de l'inauguration de la rétrospective Thierry Mugler, Couturissime qui lui est consacré jusqu'au 24 avril prochain au Musée des arts décoratifs à Paris. Les bulles de champagne semblaient également lâchées ce soir-là. Et la musique était bonne. On se serait cru à l'aube des eighties, époque du Palace où ce Français était l'un des stylistes les plus influents de la place avec sa mode hautement sculpturale et ultra féminine. Avec ses défilés spectaculaires, il avait inventé l'hyper show de mode, quelques vingt ans plus tard, il se reconvertira à cent pour cent dans la scénographie de cabarets fantasques du côté de Las Vegas. Par la même occasion, il changera de prénom et de plastique… Manfred (Thierry) Mugler est décédé hier à l'âge de 73 ans, alors que les professionnels de la haute couture arrivaient à Paris pour une nouvelle Fashion Week. D'aucuns avaient certainement prévu de visiter cette rétrospective capturant à merveille son style millimétré, sexy et glamour qui a amplement défini l'allure de la femme des années 1980. A moins qu'ils aient déjà parcouru cette exposition du Musée des beaux-arts de Montréal en 2019, reproduite ensuite à Rotterdam et à Munich.

La scène a toujours fasciné Thierry Mugler. Adolescent, ce Strasbourgeois de naissance (1948) s'était même rêvé danseur étoile, intégrant le corps de ballet de l'Opéra du Rhin à l'âge de 14 ans. A 20 ans, il quitte sa ville natale pour Paris : « J'ai basculé dans la mode à cette époque, du jour au lendemain, confiait-il, en 2012, dans le cadre d'un entretien pour l'ouvrage Des vies et des modes retraçant la carrière du consultant Jean-Jacques Picart, qui fût son premier attaché de presse. Enfant, je m'étais attelé à la danse car j'adorais me mettre en scène et me façonner des costumes, des personnages. Et, subitement, en arrivant à Paris, cet univers de la mode s'imposait à mes yeux comme un espace idéal pour monter des spectacles, raconter des histoires. Car la mode n'est rien d'autre qu'une mise en scène. Qu'on le veuille ou non, chacun exprime quelque chose lorsqu'il s'habille le matin. » En 1973, il lance une première griffe intitulée Café de Paris. L'année suivante, elle est rebaptisée à son nom. Carrure épaulée, taille étranglée, jambes gainées, interminables et hautes perchées… sa mode a déjà une allure folle. Les coiffures, le maquillage sont également très sophistiqués. A partir de 1979, il imagine une mode masculine tout aussi expressive. Pour les dix ans de sa maison en plein essor en 1984, il conçoit un défilé au Zenith devant 6 000 personnes. Ce soir-là, le secteur de la mode prend conscience qu'il fait rêver les foules.

Thierry Mugler, couturier du paraître

Bientôt, Thierry Mugler s'associera au groupe Clarins pour lancer des parfums et des cosmétiques. Perfectionniste, il se réserve la réalisation des images, du casting, des spots publicitaires. Renfermé dans un flacon en forme d'étoile, Angel est un succès planétaire dès 1992. Il y en aura d'autres assurant de solides dividendes à la maison. A force d'avoir été adulé, porté et copié, le style Mugler passe et se fait dépasser. En 1997, le fondateur réalise son rêve de s'essayer à la haute couture avant de prendre ses distances avec l'univers de la mode et la marque qui porte son nom. Propriété du groupe Clarins jusqu'en 2020, la maison Thierry Mugler appartient aujourd'hui à L'Oréal. Ses collections sont signées depuis quelques saisons par le designer Casey Cadwallader qui, à l'annonce du décès de Manfred Thierry Mugler, a souligné son univers sublime, singulier, précis et merveilleux.