Voilà des mois qu’ils travaillent dessus… Ils ont dû imaginer, dessiner, et pendant deux jours, ils ont 15 heures pour la créer. Les 12 candidats de l’épreuve « créateur de mode » des WorldSkills France sont enfermés depuis ce vendredi 14 mai 2021 dans les salles du lycée de Tocqueville de Cherbourg, pour confectionner une robe de cocktail.
La principale difficulté : un tissu imposé.
Un tissu magnifique, mais léger et difficile à coudre.
En janvier, les élèves ont appris qu’il y aurait cette contrainte, ainsi que deux options sur les manches et le volant.
En temps normal, il est le référent de la branche couture au lycée Tocqueville. Mais embarqué dans l’aventure des WorldSkills en 2018, il est devenu l’expert. C’est lui qui a imaginé l’épreuve.
Et il a réservé quelques surprises. Par exemple, les candidats ont découvert une boîte mystère avec des dentelles, rubans et autres fantaisies qu’ils doivent incorporer à leur création. « J’ai déjà une idée de comment incruster un des éléments », assure Anaïs Bréhon, la candidate normande.
Reste à gérer le timing serré. « J’ai fait des erreurs et pris du retard. Il faut que je me rattrape aujourd’hui », raconte-t-elle. L’épreuve est de taille pour elle, comme pour les 12 candidats, tous âgés de moins de 22 ans.
Au lycée Tocqueville de Cherbourg, on forme les couturières de demain. Ainsi, la représentante de la région Normandie, Anaïs Bréhon, est issue des bancs de ce lycée. Après un bac pro vêtements à Vire, cette jeune habitante de Flers a voulu faire son BTS vêtements à Cherbourg. « Mes copines me l’avaient recommandé. Et ça fait du bien de changer de professeurs », explique cette demoiselle de 21 ans.Comme elle, ils sont entre 10 et 15 à entrer chaque année dans la filière couture à Tocqueville. « Nous avons un CAP métiers de la mode, option vêtement flou, puis il y a le bac pro et le BTS métiers de la mode, option vêtement », détaille M. Gabion, professeur au lycée. Un couturier de renom pourrait ainsi sortir des bancs de l’école cherbourgeoise.« Il faut souvent continuer avec une licence », précise le professeur. Et si la filière est loin d’être unique en France, une autre formation, plus confidentielle, est aussi proposée à Cherbourg : le DTMS option habillage. Cette formation d’un an enseigne la réparation, le nettoyage et l’enfilage de costumes. Un savoir méconnu, mais recherché, tant sur les défilés que sur les films, les spectacles…« Nous formons les petites mains qui habillent et déshabillent, dans l’ombre, les artistes en costumes d’époque ou en tenues de cabaret. En pleine lumière ou à la frontale, il faut savoir le faire dans n’importe quelles conditions et dans un minimum de temps, détaille Elineuza Dubois, l’assistante technique de la formation. Nous enseignons aussi l’entretien et la réparation de costumes avec leurs spécificités. »Et le savoir-faire de Tocqueville est reconnu. « Nous avons des élèves qui travaillent désormais au Moulin Rouge ou au Lido », se réjouit M. Gabion. Ici, déshabiller devient un art.
Dans la salle, le silence règne, comme pour un examen. La concentration est maximale, car le titre de champion de France est en jeu. « Quand on le met sur son CV, forcément, ça ouvre des portes, et cela impressionne », affirme Gaël Hunault.
Ce dernier a remporté les WorldSkills France en 2018 à Caen. Originaire de Saint-Lô, il est aujourd’hui devenu juré et coach de la candidate des Hauts-de-France, Cloé. Cette année, le duo vise non seulement le titre national, mais aussi le titre mondial. « Je partage mon expérience avec elle, j’essaie de lui donner des conseils pour grappiller des points ici ou là. Pour le moment, elle est dans les temps… », se réjouit ce jeune homme de 23 ans, qui a déjà lancé son entreprise de vêtements haute couture pour femmes.
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Cette année, l’aventure a une saveur particulière. En raison de l’épidémie, l’épreuve se déroule en deux phases. Cette première, de création, se dispute à Cherbourg. « C’est la plus stressante pour moi », avoue la candidate normande.
La seconde, de moulage, patron et dessin, aura lieu en même temps que la deuxième étape des 60 épreuves des WorldSkills France, à Lyon en janvier 2022. « Ceux qui récolteront le maximum de points sur cette épreuve cherbourgeoise ne seront peut-être pas ceux qui brilleront à Lyon. Il n’y aura pas de gagnant ce soir, mais simplement des candidats qui auront pris une petite avance de points », explique M. Gabion. Les autres pourront se rattraper sur l’épreuve lyonnaise.
À Cherbourg, de splendides robesvont ainsi être créées en 15 heures par des petites mains appliquées, sous les yeux des membres du jury. Des petites mains qui habilleront peut-être les stars de demain et qui sont parmi les plus habiles de France.
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