(Paris) « Les cartes Pokémon ont bercé mon enfance ». Tanguy, chef de projet marketing de 24 ans, s’est remis à collectionner ces cartes de jeu japonaises à effigie de petits monstres il y a deux mois, participant d’un fort engouement pour ces produits vieux de plus de 20 ans.
Publié le 9 juill. 2021 Emeline BURCKEL Agence France-Presse« J’ai toujours aimé les jeux de hasard et je retrouve cela dans les cartes Pokémon : je sais ce que j’achète, mais je ne sais pas ce que je vais recevoir », affirme le jeune homme.
Car les cartes sont vendues par paquets scellés. L’acheteur ne découvre qu’en ouvrant son booster — un paquet de 10 cartes au prix moyen de 7 euros (10 $) — s’il contient des pièces rares, à plus grande valeur à la revente, ou communes.
Depuis mai, Tanguy a dépensé environ 400 euros (600 $) en paquets neufs de cartes Pokémon et estime la « valeur haute » de sa collection à 1700 euros (2500 $) d’après les ventes de produits similaires sur le site de commerce en ligne eBay. « Certains investissent dans des cryptomonnaies. Moi, j’investis dans du Pokémon », s’amuse-t-il.
Des sommes colossales peuvent être atteintes à la revente, en particulier lorsqu’il s’agit de cartes de première génération sorties en France en 1999, plébiscitées par les collectionneurs. Le 21 février, eBay enregistrait une vente record de plus de 418 000 euros (620 000 $) pour une carte Dracaufeu première génération holographique en parfait état, le Graal dans le monde des dresseurs Pokémon.
Le nombre de recherches de cartes Pokémon sur eBay.fr est en hausse de 244 % depuis le début de l’année 2021 et le site compte aujourd’hui quelque 300 000 annonces avec le mot clef Pokémon.
Plus de 24 000 cartes ont été éditées par la Pokémon Company, une entreprise japonaise détenue à parts égales par le géant japonais du jeu vidéo Nintendo, sa filiale Creatures et la société de développement de jeux vidéo Game Freak.
Les cartes ne ciblent pas seulement enfants et collectionneurs chevronnés. PCA, premier organisme de certification de cartes de collection en France, en estime entre 30 et 40 000 cartes par mois, contre 500 à 1000 cartes en 2020.
L’organisme justifie cette différence par un changement de profil des clients : « à l’époque, on certifiait des cartes ultras rares, mais aujourd’hui on reçoit des cartes plus récentes à plus faible valeur, car si l’état de conservation est bon, les personnes gagnent de l’argent par rapport au prix d’achat », explique à l’AFP François-Xavier Colombani, dirigeant de PCA.
« Le marché se popularise et devient moins adressé à un microcosme de collectionneurs », poursuit-il.
L’authenticité est vérifiée grâce à un numéro d’identification. Une note est ensuite attribuée, qui baisse fortement si la carte est, rayée, écornée ou abîmée.
La marque est omniprésente sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, des dizaines de groupes français très actifs de troc ou de vente de cartes comptent des milliers de membres. Le hashtag « pokemoncards » atteint les 1,8 milliard de vues sur TikTok.
Dans une vidéo YouTube de mai, le rappeur Lorenzo annonçait mettre en vente sur eBay ses 15 plus belles cartes Pokémon : l’artiste a empoché plus de 300 000 euros (445 000 $).
Et dans les magasins de jouets, Pokémon a désormais détrôné Barbie comme marque la plus vendue, selon le cabinet d’études NPD Group. Chez JouéClub, les ventes de cartes Pokémon ont progressé de 85 % sur les cinq premiers mois de l’année, par rapport à 2019.
« Il y a l’intérêt naturel des enfants avec la sortie de nouvelles séries de cartes, mais aussi l’engouement des ados et des adultes à travers la notion de spéculation autour de la valeur des cartes. », confirme Franck Mathais, porte-parole de JouéClub.
À la Grande Récré, on évoque « une année record » avec des stocks, d’ordinaire vendus en trois mois, écoulés en deux semaines. Au point que les achats sont désormais limités à un coffret de cartes par personne.
Ce qui pourrait créer des files d’attente devant les magasins lorsque sortira la prochaine série, Épée et bouclier - Évolution céleste, le 27 août.