• 31/03/2022
  • Par binternet
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Miss France : avant chaque concours, la guerre d'influence des miss sur Instagram<

Ils étaient plus de 87.000 à suivre sur Instagram le quotidien de Cécile Wolfrom, couronnée Miss Alsace, entre shootings photos, routine sportive et bénévolat, avant le concours Miss France. Les pérégrinations de Léna Massinger, devenue Miss Champagne-Ardenne, étaient quant à elles scrutées par plus de 50.000 abonnés, contre 25.000 pour Diane Leyre, alias Miss Île-de-France, qui a remporté l'élection le samedi 11 décembre à Caen, et cumule désormais 505.000 abonnés.

«Ces jeunes femmes gagnent, en moyenne, entre 10.000 et 50.000 followers lorsque leur participation au concours Miss France est annoncée», précise Clément Brygier, directeur général de Digital Insighters, un cabinet de gestion de réputation. D'où l'importance pour les candidates à l'élection de se créer une «vitrine» sur les réseaux sociaux - comprenez, d'y apparaître sous leur meilleur jour.

«L'audience a ainsi l'impression de les connaître davantage, poursuit Clément Brygier. Elles exposent sur Instagram des facettes de leur vie qui sont plus difficiles à présenter dans une interview formatée de quelques minutes.» Avant d'ajouter : «Leur présence sur Instagram favorise la création d'une histoire autour de leur candidature.» Ce que confirme Malika Ménard, élue Miss France 2010. «Ce n'est pas seulement un concours de beauté, les gens ont besoin d'être touchés ou de se reconnaître dans celle qui va les représenter», soutient l'auteure de #Fuck les complexes : S'accepter et s'aimer au-delà du filtre des réseaux sociaux (1).

Les clés d'une bonne communication ? «Montrer qu'elles ont un mode de vie sain, font du sport et sont bien entourées», assure Alice Detollenaere, ex-miss Bourgogne 2010. Des codes que maîtrisent à la perfection ces vingt-neuf candidates biberonnées aux notifications Instagram. «Nous sommes dans une ère où les jeunes femmes de 20 ans sont toutes présentes sur les réseaux sociaux», abonde Malika Ménard qui, lors de son élection en 2010, n’avait même pas Twitter.

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Privées de téléphones

Autre différence de taille, les Miss n'étaient, à l'époque de son élection, pas autorisées à dévoiler les coulisses de la compétition. «Nous ne pouvions pas trop utiliser nos téléphones, ni montrer les backstages, se souvient Alice Detollenaere. La journée, ils étaient rangés. Je n'ai presque rien posté durant le mois précédant l'élection, surtout pas des clichés des costumes ou des autres candidates.»

Onze ans plus tard, les temps ont bien changé. Cette année, les candidates étaient en effet autorisées à utiliser leurs smartphones durant leur formation sur l'île de La Réunion, afin de poster du contenu sur leurs profils respectifs. Seul bémol, certaines d'entre elles auraient enfreint les règles fixées par la production en publiant, notamment, des clichés de leurs camarades.

Miss France : avant chaque concours, la guerre d'influence des miss sur Instagram

Au point que l'une des chaperonnes a décidé d'interdire aux jeunes femmes de se servir de leurs téléphones durant le reste du séjour, du moins dans le cadre professionnel, comme le révélait le TV Mag, le 24 novembre. Un choix approuvé par Sylvie Tellier, la directrice générale de la société Miss France. «On ne veut pas les infantiliser, alors on leur donne un cadre, déclarait-elle alors. Après, on ne peut pas faire du cas par cas, donc elles ne peuvent désormais plus faire de photos lors du maquillage et de la coiffure ou au bord de la piscine. Elles ne l’utilisent (leur portable, NDLR) que dans le cadre personnel.»

Une "rivalité" nouvelle

Si les réseaux sociaux offrent une vitrine non-négligeable au concours, ils peuvent donc échapper au contrôle de ses organisateurs. «Les candidates sont toutes influenceuses, ce qui peut avoir des retombées positives sur la société Miss France, affirme Alice Detollenaere. L'inconvénient, c'est qu'il ne peut pas contrôler de A à Z ce qui est diffusé, et il n'aime pas ça.»

En témoignent les mises en garde d'Amandine Petit, élue Miss France 2021, sur les clichés postés par les candidates, selon elle trop retouchés. «Mesdemoiselles, attention, vous êtes au concours Miss France, pas au concours Instagram ! a-t-elle averti. Donc, vous oubliez vos applications, car vous êtes dans la réalité. En retouchant trop, vous risquez d’engendrer des réactions déceptives quand vous arrivez dans l’aventure Miss France.»

Une dualité que Clément Brygier va jusqu'à qualifier de «rivalité» entre la société Miss France et Instagram. «Tous deux se basent sur l'attention du public, explique le spécialiste. Les candidates ont intérêt à avoir un maximum d'interactions avec leurs fans, alors que l'enjeu pour TF1 et la société Miss France est de tout maîtriser, de concentrer des moments d'attention. Pendant des décennies, ces derniers ont souhaité créer la désirabilité autour des candidates.» Ce qui suppose de préserver une part de mystère.Impossible, néanmoins, de se passer de ces outils de communication stratégiques et puissants. «L'audience de Miss France a rajeuni, affirme Lisa Wyler, consultante en relations médias. L'an dernier, l'émission a battu un record historique : elle a enregistré 72,5 % de part d'audience (PdA) chez les 15-24 ans, et 67 % chez les 15-34 ans, selon Endemol Shine.» Un public extrêmement présent sur les réseaux sociaux.

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"Ils ne déclencheront pas un raz-de-marée"

Les réseaux sociaux auraient-ils tous les pouvoirs, y compris celui de faire basculer le vote ? Xavier de Fontenay, auteur de L’Histoire Secrète des Miss France (2), préfère nuancer. «Les candidates auront leurs supporters, certes, mais leurs communautés ne déclencheront pas un raz-de-marée, estime-t-il. Ce raz-de-marée aura plutôt lieu le soir de l'émission. Il y a des Miss qui n'ont quasiment pas émergé durant la compétition, et qui d'un coup se révèlent, comme Linda Hardy.»Une opinion que partage Malika Ménard. «Je pense que les spectateurs regardent le profil des Miss, concède-t-elle. Mais celles qui émergent sur les réseaux sociaux ne sont pas celles qui ont gagné ces dernières années. Il y a toujours des favorites, suivies et regardées, mais tout se joue lorsque l'on passe à la télévision. Amandine (Petit, NDLR) n'était vraiment pas la plus suivie, elle avait des fans, mais c'est sa télégénie qui l'a fait exploser.» En témoigne également la victoire de Diane Leyre, qui n'était pas non plus la plus suivie des candidates lors de l'édition 2022 de la compétition.

Projets d'avenir

Les candidates peuvent capitaliser sur cette visibilité nouvelle pour préparer l'après-Miss France, souligne par ailleurs Lisa Wyler. «La question est de savoir si le concours est pour elles un objectif en soi ou une étape vers un projet plus lointain, détaille la consultante. Certaines d'entre elles se servent de manière consciente de Miss France parce qu'elles ont des plans de carrière.» Et Lisa Wyler de souligner les multiples débouchés qu'offrent désormais le concours : «Certaines Miss sont devenues présentatrices, influenceuses ou mannequins. Depuis 2020, Laury Thilleman officie même sur France 3 (elle anime l'émission «Allez viens, je t'emmène», NDLR).»

Si la compétition se révèle un formidable «accélérateur» de carrière, les candidates doivent trouver le moyen de pérenniser cette renommée. «Aujourd'hui, elles ont besoin de conserver un lien avec leur audience, mais aussi de continuer à exister sur la scène médiatique, et ce, grâce à leur compte Instagram», appuie Clément Brygier. Outre l'usage qu'en font les Miss, à l'avenir, la société aurait tout intérêt à miser davantage sur les réseaux sociaux, ajoute le CEO de Digital Insighters.«Aujourd'hui, la relation de la société Miss France avec les réseaux sociaux est très forte et grandissante, notamment parce qu'il y a tant d'attention positive de la part des gens qui s'intéressent à la vie des Miss, conclut-il. C'est une opportunité énorme pour le concours d'aller travailler avec ces audiences, de leur proposer plus de contenus réguliers et, potentiellement, de mettre la main sur la ligne édito des candidates.» Et pourquoi pas, ose Clément Brygier, décider un jour de se passer de TF1... pour diffuser l'élection sur TikTok ou Instagram. La société Miss France n'a, pour sa part, pas répondu à nos sollicitations.

(1) #Fuck les complexes : S'accepter et s'aimer au-delà du filtre des réseaux sociaux, de Malika Ménard, paru le 13 octobre 2020, Éd. Amphora, 323 p., 19, 95 €

(2) L'histoire secrète des Miss France, de Xavier de Fontenay, paru en novembre 2009, Éd. Flammarion, 360 p., 20,20 €

*Cet article, initialement publié le 10 décembre 2021, a fait l'objet d'une mise à jour.

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