Décrite comme faible et divisée, l’opposition au président turc, Recep Tayyip Erdogan, tente de faire front commun en vue des élections anticipées – législatives et présidentielle – convoquées en catastrophe pour le 24 juin. Dans un geste inattendu, le Parti républicain du peuple (CHP, kémaliste), principale formation de l’opposition, s’est porté au secours du Bon Parti, un petit mouvement anti-Erdogan créé à l’automne 2017. Quinze députés du CHP ont rejoint officiellement ses rangs, dimanche 22 avril, lui permettant ainsi d’avoir les vingt représentants nécessaires pour déclarer son propre groupe parlementaire et entrer dans la course.
Selon la loi électorale, pour qu’un parti soit éligible, il faut que six mois se soient écoulés entre son congrès fondateur et la date des élections, ou que le parti en question dispose d’un groupe parlementaire, soit vingt députés. « Il s’agissait de repousser les pièges tendus à la démocratie », a expliqué Bülent Tezcan, le porte-parole du CHP.
C’est une mauvaise nouvelle pour M. Erdogan. Sa formation, le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur), aux commandes du pays depuis 2002, s’était alliée au Parti de l’action nationaliste (MHP) en vue des élections. Or, le noyau dur du Bon Parti est constitué de cadres ultranationalistes issus du MHP. D’autres pourraient suivre.
En obtenant de sa majorité la tenue du scrutin seize mois avant la date prévue, le président Erdogan comptait bien écarter cet adversaire gênant de la course. Il fallait couper l’herbe sous le pied de la redoutable Meral Aksener, la présidente du Bon Parti, ancienne ministre de l’intérieur et figure du nationalisme turc qui promet à l’envi de « faire tomber le ciel sur la tête » des islamo-conservateurs.
Le rapprochement tactique des deux formations de l’opposition a fortement contrarié le président Erdogan. « Que le Parlement soit dans un tel état est une catastrophe », a-t-il fulminé, lundi, après avoir quitté l’Hémicycle en signe de mécontentement face aux critiques qui s’y exprimaient sur le maintien de l’état d’urgence, imposé sans discontinuer depuis le putsch raté de juillet 2016. « Le peuple aussi va te quitter le 24 juin ! », a prédit Meral Aksener sur son compte Twitter.
Depuis l’annonce des élections anticipées, les partis d’opposition multiplient les consultations. Après avoir vu Meral Aksener, samedi 21 avril, Kemal Kiliçdaroglu, le chef du CHP, a rencontré deux jours plus tard Temel Karamollaoglu, le dirigeant du Parti de la félicité (SP), une formation issue de l’islam politique qui fut la matrice de l’AKP. M. Karamollaoglu doit d’ailleurs rencontrer Abdullah Gül, l’ancien président (2007-2014) qui fut longtemps le plus fidèle compagnon de route de Recep Tayyip Erdogan avant de prendre ses distances.
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