En ce matin frais d’octobre, les bruits de pas résonnent dans la propriété de style Napoléon III, nichée dans une coulée verte du Vésinet, à l’ouest de Paris. Les salons à moulures dorées sont vides : Pierre Blanchet vient de s’y réinstaller en famille après six années passées à Londres, et les meubles ne sont pas encore arrivés. L’aventure anglo-saxonne a tourné court pour cause de Brexit.
C’est avec quelques désillusions sur le voisin britannique que ce banquier BCBG, pull beige, jean et mocassins, retrouve la France plus tôt que prévu. « Avant le référendum, nous n’avions pas l’objectif de rentrer, nous n’y pensions même pas », confie-t-il. Londres, trépidante et bouillonnante, place financière dominante de la planète, constituait alors un formidable tremplin pour sa carrière. Salarié du géant bancaire sino-britannique HSBC, d’abord en France, il voit son poste transféré de l’autre côté de la Manche en 2013. « C’est toujours plus facile de progresser dans une boîte quand vous êtes au siège : les fonctions centrales et les gens qui prennent les décisions sont à Londres », précise-t-il.
Mais le 23 juin 2016, les Britanniques votent contre le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne (UE). La frontière se ferme.
« Le Brexit, c’est un mécanisme sartrien : vous êtes obligé de faire un choix. Pour la plupart de nos couples d’amis binationaux, ceux qui n’avaient pas la nationalité ont fait la démarche de prendre un passeport britannique alors qu’ils ne l’auraient jamais fait s’il n’y avait pas eu le Brexit. Pour nous, rester à Londres signifiait passer un examen, un entretien, c’est quand même un sacré truc… On l’a envisagé. Mais est-ce que j’ai envie de devenir sujet de la reine ? Ce n’est pas simple. » Pierre Blanchet potasse le droit européen. La famille se demande si les enfants auront, s’ils restent, le même accès facilité à l’université anglaise que par le passé, quels seront leurs droits au système de santé, et à quel tarif. L’air du temps change.
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— Mo Kendall Tue Apr 01 07:41:54 +0000 2014
« A Londres, ville cosmopolite, les Européens n’avaient pas l’impression d’être étrangers, nous étions juste dans un univers sympa, exotique, “british”. Mais le lendemain du vote, ce jour-là, vous devenez étranger, comme vous ne l’avez jamais été. »
L’été qui suit le référendum, dans les quartiers de la capitale où la communauté française ou italienne est particulièrement importante, des paroles hostiles se libèrent.
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