• 29/06/2022
  • Par binternet
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Marielle de Sarnez : la belle au Centre - Elle<

Sera-t-elle ministre si Bayrou l’emporte? Ou maire de Paris, en 2008 ?Une chose est sûre : on va de plus en plus entendre parler de Marielle de Sarnez, 55 ans, vice-présidente de l’UDF, directrice de campagne de François Bayrou, députée au Parlement européen et conseillère de Paris du 14e arrondissement. Subitement sortie de l’ombre aux élections européennes de 2004, après avoir conduit avec succès la liste UDF en Ile-de-France, elle promène sa silhouette d’ado prolongée jean, T-shirt, baskets, le même look depuis les années 70 – sur les plateaux de télé, sans affectation et surtout sans langue de bois. C’est même cette fraîcheur de langage du djeune mais pas du djeunisme qui détonne face à des adversaires plus corsetés. Avec ça, un sourire jamais dupe, un air bobo bon genre et, bien sûr, le fait qu’elle soit une femme, un atout aujourd’hui en politique. Même si ça énerve un peu cette féministe convaincue (« au sens du droit des femmes », précise-t-elle) de devoir le constater, après des années plus difficiles où « on ne nous permettait pas la moindre faiblesse ». « Ségolène ? C’est très bien qu’elle soit arrivée où elle est, mais qu’elle joue de ça en permanence, ça va. »

Au siège de l’UDF, un hôtel particulier rue de l’Université à Paris, le bureau de Marielle de Sarnez (prononcer comme « balèze ») est à l’image du reste : murs blancs, parquets blonds, sièges Louis Ghost de Starck et iMac pour tous. Modernité, sobriété, simplicité. Et l’incontournable petite touche province, avec de grandes photos encadrées de François Bayrou en campagne. Il flotte dans ce lieu un modeste vent de triomphe savouré par tous. 16% d’intentions de vote : l’irrésistible ascension d’un petit parti qui prend enfin sa revanche. « On a dix fois moins de moyens qu’ailleurs, mais on est plus créatifs et surtout plus réactifs », affirme-t-elle. Le QG du boss est en haut, étage noble. Elle et lui sont branchés 24 heures sur 24 ou presque. L’urbaine et le paysan, la Parisienne et le Béarnais, en apparence aux antipodes. « Ce sont deux spéciaux, constate Hugues Dewavrin, ancien dirigeant des Jeunes giscardiens. Pas si différents finalement.» Depuis plus de vingt ans, elle est sa plus proche conseillère, son éminence blonde, son alter égale.

Des talents de tacticienne

Ceux qui la côtoient sont unanimes à décrire ses talents de tacticienne. « Dans ce milieu, il n’y a pas beaucoup de femmes qui connaissent comme elle les arcanes partisans, les rapports de force, la façon de les décrypter », constate Nicolas Domenach, directeur adjoint de la rédaction de « Marianne ». Tous lui reconnaissent une intuition exceptionnelle, des réflexes ultrarapides, un niveau très fort d’exigence, une vraie liberté. « Elle se trompe rarement, dit Philippe Lapousterle, conseiller de Bayrou. Elle prend des risques, aime monter des coups. » « Pour moi, c’est l’une des toutes premières femmes politiques françaises », renchérit François Bayrou. Des défauts ? « Trop secrète », note Philippe Augier. On lui reproche aussi sa brusquerie, voire sa brutalité, son côté parfois expéditif et son manque de nuances, la distance qu’elle met avec les autres. « Elle est surtout très humaine et ça, peu de gens le soupçonnent », corrige son attachée parlementaire.

Depuis trois mois, Marielle de Sarnez n’a plus ni samedis, ni dimanches, ni vacances. Elle anime la campagne avec passion, dirige les équipes, peaufine les stratégies, court à Strasbourg pour la session parlementaire, accompagne son candidat en province, répond aux médias avec conviction et passion, persuadée qu’il faut sortir la France de ses archaïsmes. L’Europe reste son sujet de prédilection, mais aussi l’éducation, les affaires étrangères, la protection de l’enfance, et la Mairie de Paris elle sera tête de liste UDF – « parce qu’il y a une alternative à Delanoë et à Panafieu ». Parmi ses ambitions : agrandir la ville au-delà du périph’. « On a tous besoin de vivre ensemble. » Elle aspire à la proportionnelle qui ouvrirait l’Assemblée aux femmes, aux jeunes Français issus de l’immigration, à la société civile. « Ras-le-bol des costards noirs qui ont tous la même tronche, les Français ne s’y retrouvent pas. » Sa soudaine médiatisation ne l’impressionne guère : « Ça ne me tourne pas la tête parce que j’ai déjà vécu pas mal d’expériences. » Se voit-elle une grande carrière politique ? « Bien sûr que non ! Je ne suis pas ambitieuse pour moi. » « Il lui manque peut-être un peu de bonhomie, juge Hugues Dewavrin, mais elle a pris confiance en elle, elle y arrivera très bien. » Longtemps, elle a fait passer ses enfants avant le reste : elle s’est présentée pour la première fois aux européennes en 1999 quand elle les a jugés assez grands. « On a eu une enfance très heureuse, se souvient Justine, 28 ans. Elle nous emmenait en vacances en Grèce, sac au dos. On a conservé une très belle relation avec elle. » « On l’accompagnait aux meetings politiques, elle nous a toujours mêlés à sa vie », ajoute Augustin, 27 ans. L’une vit à Jérusalem après des études de lettres et un passage dans une ONG à Kaboul, l’autre s’investit dans la campagne de Bayrou après des études de commerce et un an et demi d’humanitaire au Darfour. « Elle nous a inculqué ses valeurs de générosité et de tolérance. »

Marielle de Sarnez : la belle au Centre - Elle

Malgré une existence provisoirement « entre parenthèses », elle n’est pas scotchée à la politique. « Elle a une vie en dehors, des amis d’enfance auxquels elle est attachée, c’est une bonne vivante », constate son attachée parlementaire. « Elle aime la fête mais on ne lui fera jamais porter une robe du soir », s’amuse Laurence de Brion. Elle aime aussi Venise et sa petite maison de l’île d’Yeu, les polars et la musique classique.« Une fille bien », affirme Bayrou, qui aura du mal à la laisser s’envoler (quoi qu’il dise).

"Elle l’a déchristianisé."

« Elle l’a déchristianisé, décomplexé, ouvert à la bourgeoisie parisienne, lui qui avait les pieds dans la glaise », explique Dominique Paillé, ex-UDF, auiourd’hui élu proche de Sarkozy. Elle est celle qui le déstresse et le protège, la seule qui le comprenne sans qu’il ait besoin de parler. « Ils peuvent se disputer, s’amuse Maud Gatel, l’attachée parlementaire de Marielle, mais ce n’est jamais méchant et toujours plus sur le fond que sur la forme. Elle a souvent pris les coups à sa place : c’était plus facile de la critiquer, elle. » « J’ai l’impression de l’avoir toujours connue, confirme François Bayrou. On est de toutes les aventures depuis les législatives de 1978. » Son impact sur lui est considérable, parfois trop, susurrent ses détracteurs, qui lui reprochent d’avoir bétonné autour de lui. Lui, met un bémol : « Je ne suis pas très influençable . » Avant de reconnaître , dans la foulée : « Mais si quelqu’un a de l’influence sur moi, c’est elle. »

Tombée dans la marmite par hasard mais avec un bon background tout de même résistant et gaulliste, son père est élu député UDR en 1968, alors qu’elle est de l’autre côté de la barricade , elle a franchi les échelons toute seule. Milieu bourgeois désargenté (« une tribu marrante, décalée », raconte Hugues Dewavrin), aînée de quatre enfants plutôt turbulente et cancre, scolarité à Sainte-Marie-de-Passy dont elle se fait virer, elle quitte le domicile familial à 18 ans, à peine le bac en poche, dans un mouvement de révolte antiparental. « Elle aurait pu aller très loin dans les études, c’était la plus brillante de nous tous », constate son amie d’enfance Laurence de Brion, qui l’a connue rebelle, hippie, baba-cool, assurément à la marge – la revanche viendra en 1993,quand François Bayrou, devenu ministre de l’Education, nomme cette bac plus zéro directrice de cabinet.

Pour vivre, elle est vendeuse, démarcheuse de pub. Un ami d’ami, Ladislas Poniatowski, patron des Jeunes républicains, l’engage comme secrétaire. « Je n’avais jamais vu une machine à écrire de ma vie. » Un an plus tard, Giscard est candidat à la présidentielle. « Pour moi, Giscard, ce n’était pas la droite, dit elle. On passait soudain du noir et blanc à la couleur. » Elle ne lâchera plus la politique. En 1979, Marielle rencontre Simone Veil, s’occupe de sa campagne. « Elle a beaucoup compté dans mon engagement de femme et d’Européenne. Mais j’ai refusé d’être sur sa liste. Ma fille Justine avait 10 mois et j’étais enceinte de mon fils Augustin. » A l’époque, elle est mariée à Philippe Augier, l’actuel maire de Deauville. Ils se séparent en 1988. « Je continue de l’écouter, dit-il, nous sommes sur la même ligne. Marielle a des valeurs humanistes, un engagement fort au service des autres. » « Pour moi, elle se situe clairement à gauche, dit Hugues Dewavrin. Elle a une grosse conscience sociale et des comptes à régler avec le monde de l’argent. Elle est sensible au sort des femmes et a une incroyable capacité de révolte. »