• 25/03/2022
  • Par binternet
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« L'Oréal réalise son meilleur premier semestre depuis douze ans »<

Quel bilan tirez vous du premier semestre pour L'Oréal ?

Sur un marché en pleine forme, L'Oréal surperforme ! Nous accélérons par rapport à l'année dernière et nous réalisons notre meilleur premier semestre depuis douze ans, avec une croissance de 7,3 % sur un marché qui progresse de 5,5 %. Au niveau mondial, il y a un véritable appétit pour les cosmétiques. D'abord parce que dans nos nouvelles zones de croissance comme l'Asie, l'Amérique latine et même l'Afrique, l'intérêt pour la beauté est très fort. Ensuite, le digital contribue à faire progresser le marché, grâce aussi au rôle moteur des réseaux sociaux. Enfin, ce marché se « prémiumise ». C'est un des seuls dans le monde où les attentes ne vont pas vers des produits moins chers, mais vers plus d'innovation et de valeur ajoutée. Cette montée en gamme concerne tous les pays et toutes les catégories, soins de la peau, capillaire ou maquillage.

Quels ont été vos moteurs de croissance ?

Le groupe a plusieurs turbos, plusieurs segments sur lesquels L'Oréal parvient à croître encore plus vite que des marchés très porteurs. C'est le cas de l'e-commerce et de l'Asie notamment. Dans le commerce en ligne, nous progressons de 48 % sur un marché dynamique à +25 %. Et en Chine, nous affichons une hausse des ventes de 38 % sur un marché porteur à +14 % sur le semestre. Dans le travel retail [distribution dans les aéroports, NDLR], qui est un autre de nos moteurs, nous sommes en progression de 21 %, comme le marché. Aujourd'hui, L'Oréal est le numéro un mondial de ce segment pour la beauté. Enfin, le luxe et les produits dermo-cosmétiques surperforment aussi, avec des hausses de 13,2 % et 13,6 %.

Votre marge, qui a atteint 19,5 %, peut-elle continuer de s'améliorer ?

Le modèle L'Oréal est organisé pour avoir une hausse régulière de la profitabilité. Nous sommes parvenus à dégager une hausse de 30 points de base au premier semestre. Ce qui porte notre marge d'exploitation à un niveau record de 19,5 %. C'est le meilleur niveau de rentabilité jamais réalisé par le groupe sur un semestre.

On a le sentiment que le boom du digital est avant tout tiré par la Chine...

Pas seulement. Nous sommes globalement la société la plus en avance dans le digital. En Chine, plus d'un tiers de notre activité se fait via l'e-commerce. De plus en plus de pays enregistrent de fortes croissances sur ce canal, qui devient de plus en plus significatif, comme en Grande-Bretagne et en Corée par exemple. Au global, il représente désormais 13,2 % du chiffre d'affaires de L'Oréal. La Chine est effectivement en avance, car elle bénéficie d'un écosystème particulier, avec des acteurs spécifiques, comme Alibaba ou Tencent. Pour nous, c'est un formidable laboratoire de progrès. Ce basculement est l'une des raisons de l'accélération du marché et de la surperformance du groupe. Le fait que nous ayons été les premiers à maîtriser le jeu digital, qui évolue sans cesse, a été déterminant dans notre succès.

Le travel retail, dont le responsable vient d'entrer au comité exécutif, est-il un nouvel axe stratégique ?

« L'Oréal réalise son meilleur premier semestre depuis douze ans »

C'est clairement un circuit très important, qui représente environ 6 % du marché mondial et pèse entre 8 et 9 % de notre chiffre d'affaires, avec une rentabilité très significative. Nous sommes le seul groupe dans le monde à y avoir une approche multidivisions. Si le luxe y est prépondérant, nous développons aussi la présence dans les aéroports de nos marques de grande diffusion, comme L'Oréal Paris et NYX Professional Makeup, ainsi que celle de nos marques de dermo-cosmétique, avec des comptoirs SkinCeuticals, La Roche Posay et Vichy.

Même Kérastase, la seule marque capillaire de luxe, y est aujourd'hui proposée. De plus, le travel retail a un rôle de vitrine, car plusieurs milliards de voyageurs passent dans les aéroports chaque année du fait de la démocratisation du voyage aérien. Il faut donc, en parallèle, diversifier l'offre pour satisfaire toutes les envies. C'est une approche que nous avons lancée il y a dix-huit mois, et qui est très appréciée des opérateurs. Ce secteur s'installe comme l'un des grands circuits à part entière de demain, alors qu'il existait peu il y a dix ans. C'est un secteur stratégique, il était donc légitime de faire entrer le patron de ce circuit au comex.

L'Asie, désormais votre premier débouché, est-elle tirée essentiellement par la Chine ?

L'Asie est effectivement la première zone du groupe. C'est un événement très important, surtout pour moi qui ai créé cette zone presque ex nihilo en 1997, en installant des filiales en Chine, mais aussi en Thaïlande, en Corée, en Malaisie… En vingt-deux ans, L'Oréal est devenu le leader dans cette partie du monde. C'est capital, car la zone est le premier marché mondial de la beauté, et va encore renforcer sa prééminence dans les années à venir. Notre croissance y est spectaculaire, avec une hausse de 24 % sur le premier semestre (+10 % pour le marché).

Aujourd'hui, nous y sommes le numéro un du secteur avec une part de marché encore faible, à 8,7 %, contre 13 % dans le monde. En Asie, il est en train de se passer pour nous ce qui est arrivé en Europe il y a trente ans et aux Etats-Unis il y a quinze ans. Partis comme challenger, nous y avons acquis une position de force. Les opportunités de développement sont encore formidables. La Chine représente 45 % de notre chiffre d'affaires dans la zone, mais toute notre croissance en Asie ne vient pas que de là. Il y a aussi l'Inde, qui connaît une forte progression (+18 %), l'Indonésie, très stratégique avec ses 300 millions d'habitants (+22 %), ou encore la Malaisie (+27 %) et les Philippines (+16 %)

En revanche, en Amérique du Nord, votre troisième marché, l'activité est en recul ?

Ce n'est pas une bonne année en Amérique du Nord. Le marché des cosmétiques y a ralenti, ce qui peut sembler paradoxal, alors que l'économie va bien. Les ventes de maquillage, en particulier, y sont stables. Or, ce segment a connu un boom incroyable ces cinq dernières années, avec l'éclosion de nombreuses marques, comme NYX Professional Makeup, Urban Decay, que nous avons rachetées, ou d'autres. Cela a créé une sorte de bulle de consommation. D'où cette baisse. Or le maquillage est une partie très importante de l'activité aux Etats-Unis. L'Oréal détient 40 % de parts de marché sur ce secteur dans la grande distribution outre-Atlantique, avec Maybelline, L'Oréal Paris et NYX Professional Makeup. C'est le taux le plus élevé au monde. Quand ce marché est contre-cyclique, nous sommes pénalisés. Mais je suis confiant. Cela va repartir.

Vous avez annoncé le projet de rachat des parfums de Clarins il y a un mois ? Quelles sont vos ambitions ?

Nous voulons renforcer la division luxe dans les parfums, avec l'ajout de deux belles marques, Mugler et Azzaro. La taille et les effets de synergies sont très importants pour réussir dans ce secteur. Nous sommes très confiants à moyen et long terme. Car les populations asiatiques, notamment les Chinois, s'ouvrent au parfum. Leurs achats ont augmenté de 30 %, c'est donc un domaine d'avenir. C'est en plus une opération positive pour le groupe. L'effet corollaire de cette acquisition, c'est que nous allons redevenir rapidement le numéro un mondial du parfum.

Il y a de plus en plus une défiance des consommateurs vis-à-vis des cosmétiques, avec une multiplication des applications pour vérifier leur composition. Cela vous inquiète ?

Je suis partisan d'une bonne information du consommateur. Il est légitime de les aider à choisir en connaissance de cause. Encore faut-il que les choses soient bien faites. Le problème, c'est que toutes ces applications ont tendance à se contredire. Ce qui crée de la confusion. L'une juge un produit excellent, et l'autre très mauvais. Il y a de sérieux progrès à faire en termes de méthodes. Nous sommes prêts à travailler avec elles, à leur ouvrir la liste de nos ingrédients. N'oubliez pas que L'Oréal a 4.000 chercheurs et investit près de 1 milliard de dollars par an en R&D. Nous pouvons jouer un rôle dans une évaluation sérieuse en proposant une expertise objective. Nous avons d'ailleurs créé un site Internet dédié à faire toute la transparence sur la composition de nos produits.

Comment l'Oréal se prépare-t-il face au « plastique bashing » ?

L'élimination progressive du plastique est une bonne chose pour l'humanité. Même si L'Oréal est un petit contributeur au niveau mondial, nous sommes décidés à réduire son utilisation. Le groupe a pris des engagements avec la Fondation Ellen MacArthur. L'objectif est qu'en 2025 tous nos emballages soient réutilisables, recyclables, rechargeables ou compostables. Nous travaillons, avec différents partenaires, dont Carbios, pour trouver des solutions technologiques de remplacement. C'est un combat à entreprendre qui nous tient à coeur.