• 09/03/2022
  • Par binternet
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Les invisibles montent sur scène<

Les murs des théâtres et des plateaux de cinéma sont en train de se fissurer. Ou bien est-ce le vieux plancher qui grince, ou la porte trop lourde que l’on ne sait plus comment ouvrir ni fermer ? C’est un peu tout à la fois, et les travaux ne font que commencer. Des artistes, des enseignants, des professionnels de la culture remontent les manches, dans les écoles de théâtre, de cinéma. Ne pas rester dans l’entre-moi, faire quelque chose. Et il s’en passe, des choses, à Saint-Etienne, à Paris, à Cannes, et plus largement en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il s’agit, ni plus ni moins, de faire émerger sur les planches ou à l’écran les fameux visages dits de la diversité sociale et culturelle, selon l’expression consacrée. La question n’est pas nouvelle. Mais certaines méthodes, très volontaristes, prennent actuellement la profession à rebrousse-poil.

Un dispositif unique en France

Commençons par la plus spectaculaire, qui est aussi la plus discutée. Le metteur en scène Arnaud Meunier, 42 ans, a sorti le marteau-piqueur, et il n’est pas mécontent de faire du bruit dans le ronronnement ambiant. Lassé d’attendre que le slogan « Liberté, égalité, fraternité  » produise ses effets, le directeur du Centre dramatique national (CDN) de Saint-Etienne, La Comédie, a créé un dispositif unique en France : une classe préparatoire intégrée a vu le jour, en 2014-2015, distincte de l’École supérieure d’art dramatique de Saint-Etienne qu’il dirige par ailleurs. Cette prépa, ouverte à cinq jeunes comédiens seulement – car le dispositif coûte cher –, est une sorte de sas qui vise à remettre à niveau des élèves ­ « défavorisés  », en vue de les préparer aux concours si sélectifs des écoles supérieures d’art dramatique (Conservatoire de Paris, écoles de Strasbourg, Lille, Cannes, Rennes, Lyon, Saint-Etienne, Montpellier, etc.).

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Les invisibles montent sur scène

L’expérience est prometteuse. « On s’est principalement fondés sur deux critères de sélection : un, les candidats ont un désir fort de théâtre ; deux, ils sont issus de familles très, très modestes. L’enjeu est social, au-delà de la couleur de peau », résume Arnaud Meunier. Les cinq élèves de cette « mini-prépa  » ont entre 20 et 23 ans et sont tous originaires de Rhône-Alpes, sauf un. Et ces jeunes personnes ne sont pas venues pour rien, si l’on peut dire. Si l’une d’elles, une jeune fille, finit de passer les concours (certains établissements du réseau national n’ont pas encore achevé leur processus de sélection), les quatre autres ont été admis à l’une des grandes écoles supérieures d’art dramatique. Bénédicte Mbemba vient d’intégrer le saint des saints, à savoir le Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD) de ­Paris  : elle sera l’une des 30 élèves de la promotion, sur un total de près de 1 300 candidats. Romain Fauroux a été admis à l’école de Saint-Etienne. De leur côté, Frederico ­Semedo et Mouradi M’Chinda ont intégré l’Ecole régionale des acteurs de Cannes, l’ERAC – autre établissement national supérieur.

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