Aux murs du salon, dans la boutique de la rue de la Paix, à Paris, sont encadrés des gouachés tirés des archives. Scintillants diadèmes, parures précieuses XVIIIe, majestueuses pièces… Si Mellerio, maison fondée en 1613 et toujours indépendante – une rareté dans le secteur de la haute joaillerie, dominé par le groupe suisse Richemont et le français LVMH –, a souvent paré têtes couronnées et nomenklatura, elle s’est pourtant engagée depuis quelques semaines dans un effort de démocratisation. Sa nouvelle collection, baptisée Les Muses, pioche allègrement dans les motifs Renaissance ou Art nouveau de son patrimoine, mais a été produite en or rose en Italie, pour être moins onéreuse.
Un collier en hommage à George Sand s’acquiert pour 650 euros ; une bague diamantée en forme de croix pour 790 euros. « Pour moi, qui aime le volume, la finesse, la couleur, dessiner accessible est plus difficile que de créer de la haute joaillerie, avoue Laure-Isabelle Mellerio, présidente et directrice artistique. Il faut savoir écouter les consignes du service marketing, veiller à la dose d’or requise, épouser la contrainte tout en restant attentif à ce que cela ne paraisse pas approximatif ou au rabais. »
Comme Mellerio, de nombreux producteurs de haute joaillerie, vaisseaux de la place Vendôme ou luxueuses maisons de mode, misent sur les lignes plus « accessibles ». Entre 500 euros et 4 500 euros par pièce tout de même, privilèges des classes supérieures, mais loin des tarifs démentiels à six ou sept chiffres de leur haute joaillerie. En 2021, le mastodonte Cartier a par exemple lancé Les Berlingots, bagues et colliers Art déco en pierres dures (calcédoine, malachite, onyx) vendus à partir de 3 050 euros ; Gucci, Link to Love, des bagues anguleuses à partir de 790 euros ; Dolce & Gabbana, Alphabet, des lettres en breloques d’or et pierres fines (améthyste, citrine, péridot…) commercialisées dès 1 050 euros.
Bien sûr, cette volonté de démocratisation n’est pas nouvelle. « Dans l’après-guerre, les joailliers voulaient toucher la nouvelle génération qui s’émancipait d’une société paternaliste. Dès 1954, Van Cleef & Arpels ouvre La Boutique, un espace consacré avec des bijoux abordables, rappelle Marion Mouchard, doctorante en histoire de l’art, chercheuse externe pour L’Ecole des arts joailliers. Pareillement, en 1969, Chaumet ouvre L’Arcade », dont les publicités de l’époque promeuvent chaînes et « petites bagues ravissantes à partir de 1 500 francs ». « Ce phénomène se déploie dans les années 1980, quand avoir un bijou de marque devient un critère important », poursuit Marion Mouchard.
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