• 18/05/2022
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Tenue de soirée exigée<

ParValérie Guédon
Publié

Si les panoplies habillées sont de rigueur pour les fêtes, les hommes commencent aussi à les porter hors réveillon et convention.Tenue de soirée exigée

En habits de fête du premier au dernier passage, du matin au soir, jusqu'au bout de la nuit! En janvier dernier, à peine remis des festivités de l'An nouveau, des créateurs dévoilent des collections masculines particulièrement habillées pour cet automne-hiver 2015-2016. Boule à facettes et musique disco dès potron-minet, les mannequins de Junya Watanabe s'avancent, tirés à quatre épingles. Ils sont sur leur trente et un pour aller danser, dans des costumes noirs un peu étriqués, avec chemise à plastron et nœud papillon, pantalon ourlet feu de plancher sur chaussette en Lurex. Quelques heures plus tard chez Dior Homme, le show débute par le finale! Vêtus de costumes, spencers ou jaquettes, les modèles de Kris Van Assche évoluent autour des musiciens du Paris Scoring Orchestra qui se produisent en live. Ce show confirme la note sophistiquée d'une saison qui s'illustre également chez Alexander McQueen et Dolce & Gabbana, avec de nombreuses pièces décorées de sequins ou rebrodées au fil d'or.Tenue de soirée exigée

Détourner le dressing habillé

La pièce maîtresse de ses chicissimes propositions est bien évidemment le smoking. Un smoking que l'on retrouve dans de nombreuses autres collections (Canali, Dunhill, Tom Ford, Saint Laurent Paris…), tantôt façonné dans des pannes de velours, des jacquards ton sur ton ou des damassés très contrastés. Chez Giorgio Armani, la veste à col châle en satin et son pantalon avec baguette assortie font même l'objet d'une édition spéciale Evening Capsule pour célébrer les 40 ans de la maison. «L'intérêt porté au smoking a décuplé au cours des dernières années, y compris auprès d'un public plus jeune, justifie le designer milanais. C'est une pièce très particulière: son style ne peut pas faire l'objet d'une révolution absolue. C'est pourquoi sa modernisation est une opération extrêmement délicate.»Tenue de soirée exigée

Tenue de soirée exigée

Autre talent italien sensible aux étoffes luxueuses, Riccardo Tisci pour Givenchy a tendance à le réinterpréter, pour ces shows, avec éclat et force détails venus de la couture. Dans une optique plus commerciale, la maison en décline l'esprit dans une laine jacquard avec de discrets motifs cravate (voir page 21). «Qu'il s'agisse du smoking et, par extension, de tout vêtement habillé du dressing masculin, il est intéressant d'inciter les hommes à en redéfinir l'usage, soutient Kris Van Assche, le directeur artistique de Dior Homme. L'idée de les choisir seulement pour de grandes occasions me semble dépassée, parce que ces moments festifs sont moins codifiés et, surtout, de telles pièces ne se portent plus en total look avec ceinture de satin et souliers vernis.»Tenue de soirée exigée

Une collection manifesto

Le registre très habillé, voire un peu précieux naguère réservé aux bals et autres mondanités, est également en voie de démocratisation depuis l'arrivée, en janvier2015, d'Alessandro Michele à la tête de la maison de Gucci. Présentée comme un manifesto, sa remarquable toute première collection -réalisée en seulement une dizaine de jours -, gomme les différences entre les garde-robes masculine et féminine. Des pièces comme la blouse à jabots sont portées par les deux sexes. Mais, encore plus que les formes, c'est un festival de matières raffinées, jacquards, damassés, voiles de soie et autres dentelles précieuses qui sème le trouble. Bien que différent, ce propos n'est pas sans rappeler celui de Jonathan W. Anderson pour sa griffe personnelle. Depuis ses débuts en 2008, le designer irlandais travaille ses collections avec une approche relevant davantage de la couture floue que de l'univers tailleur. Dans un registre guère éloigné, le rockeur androgyne d'Hedi Slimane pour Saint Laurent Paris s'affiche, façon Ziggy Stardust, en jeans slim à taille très haute, tops rebrodés ou lamés léopard.

Sans rougir non plus, l'homme Balmain d'Olivier Rousteing ne recule pas devant la panne de velours, les broderies et les ornements pas forcément typés masculins. «Le tabou de la sexualité est tombé dans la mode, assure le jeune directeur artistique, qui vient de signer une collaboration à succès avec H&M. La nouvelle jet-set issue de la pop culture (il cite ses “amis” les chanteurs Kanye West, Justin Bieber ou le champion du monde de Formule 1, Lewis Hamilton, NDLR) a montré le chemin à toute une génération moins enfermée dans des clichés éculés de virilité.»

Une évolution qui demande tout de même à être vérifiée sur la durée. «Les 20-35 ans sont plus avertis et sensibles à la mode grâce à Internet et aux réseaux sociaux», observe Odile Boucher, directrice des achats homme pour le groupe Galeries Lafayette. «Cependant, ils restent maîtres de leur allure. Et les tendances des podiums masculins mettent toujours un certain temps à descendre dans la rue.» En clair, le smoking demeure la valeur sûre de cette fin d'année.