• 19/02/2022
  • Par binternet
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Défilé - Christian Dior - Prêt-à-porter automne-hiver 2018-2019<

« Tout est parti d’une exposition d’art sur Mai 68, à Rome, explique Maria Grazia Chiuri, directrice artistique, à propos de son hiver prochain pour Dior. Mais aussi de cette expression inventée, en 1965, par Diana Vreeland (qui, à 60 ans passés, était devenue la rédactrice en chef de Vogue américain, NDLR) : “Youthquake”. D’ailleurs, il a été choisi par le dictionnaire Oxford comme le mot de l’année 2017. » Sa définition - «un changement culturel, politique ou social significatif résultant des actions de la jeunesse» - résonne avec l’air du temps, de #MeToo et de la marche des étudiants en Floride. «Vreeland disait qu’elle avait connu deux moments importants dans sa vie : les années 1920 et les années 1960, parce que la nouvelle génération avait tout changé, par la musique, les arts, la mode, la presse féminine.» Les coupures vintage de Elle, L’Officiel, Harper’s Bazaar tapissent l’espace du défilé sis au Musée Rodin. Ironie de l’histoire, les photographies de cette «presse papier», qui disparaît, font aussitôt le tour des réseaux sociaux…

Sur le podium, les références au legs de Dior et à la mode des sixties sont manifestes, mettant en valeur le point de croix, les broderies et, plus largement, l’artisanat - une autre inspiration est The Subversive Stitch de ­Rozsika Parker, qui analyse les travaux d’aiguille des femmes, longtemps réduites à un art domestique et qui ont trouvé leur place dans les mouvements féministes du dernier siècle. L’idée du patchwork traverse ainsi la collection, à travers des vestes quilt, des sabots formidables, des jeans boyfriend, des robes mixant des arcanes de tarot (encore) et des illustrations des quatre éléments, mais aussi des mélanges d’imprimés de fleurs tirés des archives. L’œuvre de Marc Bohan (à la tête du style de Dior de 1961 à 1989) est mise à contribution. «En 1968, alors que Balenciaga ferme, M. Bohan ouvre la boutique Miss Dior pour ce nouveau public, reprend Maria Grazia Chiuri. J’ai retrouvé un de ses foulards imprimé "C’est non non non et non" que nous avons repris sur une grosse maille, associé à un pantalon à carreaux dessinés par Christian Dior lui-même. Le patchwork, c’est aussi comment on reconstitue notre mémoire, notre histoire.» On note également le clin d’œil à John Galliano (1999-2011) dont l’inoubliable sac ­Saddle, reprenant le profil d’une selle de cheval, est réinterprété en petit format porté en bandoulière dans le dos. Mais si la designer montre un talent incontestable pour les accessoires, ceux-ci prennent le pas sur la silhouette et le stylisme parfois compliqué qui tend à contraindre l’allure. Quand l’esprit de 1968 était justement de libérer le mouvement.

Hélène Guillaume.