• 15/02/2023
  • Par binternet
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Clovis et Lilou Cornillac: un peu, beaucoup, à la folie<

Paris Match. Votre nouveau film, “Un peu, beaucoup, aveuglément”, est une grande première pour tous les deux. Une première réalisation pour Clovis et un premier scénario pour vous, Lilou. Vous évoluiez pourtant, il n’y a pas si longtemps, dans un univers complètement différent...Lilou Fogli-Cornillac. J’ai fait de longues études économiques qui m’ont permis de décrocher un poste chez LVMH . J’avais d’abord travaillé chez Dior , puis chez Moët, aux relations publiques avec l’étranger. Après mon MBA, on m’a proposé de devenir trader en produits dérivés. Ma voie dans la finance semblait donc toute tracée. Mais je rêvais d’autre chose : je voulais jouer la comédie. J’ai alors tenté le concours de l’Actors Studio , consciente que, sur 3 500 candidats, seuls 50 seraient retenus. J’ai attendu la réponse pendant six mois et, miracle, j’ai été prise ! Je suis restée trois ans à New York. La journée, j’étais serveuse dans un restaurant ; le soir, je jouais au théâtre. On peut dire que, après LVMH, c’était le jour et la nuit !Clovis et Lilou Cornillac: un peu, beaucoup, à la folie

Vous, Clovis, contrairement à Lilou, vous êtes un enfant de la balle. Vos parents, Roger Cornillac et Myriam Boyer , étaient comédiens.Clovis Cornillac. Ma mère n’a que dix-neuf ans de plus que moi, mais elle a mis longtemps à accéder à la notoriété. Ce n’est que dans les années 1990 qu’elle est devenue célèbre, alors que j’étais déjà comédien. Je l’ai toujours vue bosser, très loin de l’aisance financière et des paillettes. C’est ce qui, aujourd’hui, me permet de garder la tête sur les épaules. Je n’ai jamais appelé mes parents “papa” et “maman”, mais Roger et Myriam. Je crois qu’ils n’ont jamais regardé un de mes devoirs ou bulletins scolaires, mais ils étaient toujours attentifs à mon bien-être. Depuis l’enfance, ils m’ont traité en adulte. J’avais, par chance, un caractère qui s’est adapté à cette forme d’éducation. Tout jeune, j’étais déjà très mûr pour mon âge. Mais je n’ai jamais douté de l’amour de mes parents, ce sentiment qui donne à un enfant la plus grande force du monde. Adolescent, je n’avais que peu d’intérêt pour ce qu’ils faisaient. Je ne voulais pas devenir comme eux. Ce n’est que plus tard, en débutant moi-même dans le métier de comédien, que j’ai réellement apprécié le talent de ma mère.

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Clovis et Lilou Cornillac: un peu, beaucoup, à la folie

Comment se manifestait cette maturité précoce ?C.C. Dès l’âge de 6 ans, je rêvais d’être un adulte pour être autonome, et adolescent je n’avais envie que d’une chose : payer mes impôts pour accéder à cette indépendance ! Au cours préparatoire, j’allais à l’école en bus et j’enviais la vie du conducteur. Je voyais en lui un homme libre, dans la vraie vie. Son service terminé, je l’imaginais rejoindre ses copains autour d’un verre… Pour moi, l’école n’était pas la vie et j’avais soif d’autre chose. Je n’avais que 14 ans lorsque j’ai quitté la maison pour m’installer dans une chambre de bonne. Mes parents m’ont fait confiance, j’allais au lycée à mi-temps et, pour contribuer au loyer – 500 francs par mois –, je me plaçais, l’été, comme garçon de café. Comme je faisais bien mon travail, j’avais droit à des pourboires très généreux. Et puis, à 15 ans, j’ai passé le casting de “Hors-la-loi” [de Robin Davis, 1985]. Depuis, je n’ai jamais cessé de travailler.

Pourtant, comme vos parents, vous avez joué de longues années sans accéder à la notoriété.C.C. J’ai eu la chance de travailler dans le théâtre subventionné avec de grands metteurs en scène comme Peter Brook, Alain Françon ou Matthias Langhoff. Tout le monde parle de leurs spectacles sans jamais connaître le nom des acteurs ! Des noms toujours inscrits en bas de l’affiche. Cela évite de prendre la grosse tête et renforce l’humilité vis-à-vis du texte que l’on sert. Il ne faut jamais oublier que 95 % des comédiens sont inconnus du grand public. Je crois beaucoup au travail, cette valeur ne trahit jamais. Rater quelque chose n’est pas si grave, l’essentiel est de garder dans l’existence une structure mentale forte et humaine. Moi, je n’ai rien d’un génie, je suis juste un besogneux.L.F.-C. Quand je pense que la première fois qu’il a embrassé une fille, je n’étais même pas née ! [Rires.]

Justement, comment avez-vous fini par vous rencontrer, tous les deux ?C.C. De la façon la plus banale qui soit. Divorcé depuis peu de la mère de mes deux filles [la comédienne Caroline Proust], j’étais allé chercher un copain à une soirée et Lilou était là. Un vrai coup de foudre ! Pourtant, pour chacun de nous, la rencontre ne pouvait survenir à un plus mauvais moment. Séparés de nos conjoints respectifs depuis quelques mois à peine, nous en étions à panser nos blessures, et il nous semblait totalement déraisonnable de nous lancer si vite dans une nouvelle histoire. Nous avons tenté de résister à cet amour naissant, mais nos sentiments ont été plus forts que toutes nos résolutions.L.F.-C. D’autant que je m’étais toujours juré de ne jamais tomber amoureuse d’un acteur célèbre, de surcroît déjà père de famille !C.C. Nous nous sommes très vite perçus comme une évidence l’un pour l’autre, et nous avons senti qu’il ne fallait pas laisser passer cette chance. Et puis nous ­avions un bon exemple : les parents de Lilou sont très épris l’un de l’autre. De mon côté, j’ai toujours vu ma mère amoureuse. Elle a eu trois grandes histoires, et chacune a beaucoup compté pour elle. Voir ses parents amoureux, c’est rassurant ; cela donne beaucoup d’espoir dans l’existence. Mais notre histoire aurait été triste si mes filles n’avaient pas aimé Lilou. Ce sont elles qui ont demandé à la rencontrer. Et, depuis, elles s’adorent.

Quelles qualités chacun de vous apprécie-t-il le plus chez l’autre ?C.C. La nature très positive et énergique de Lilou. C’est quelqu’un qui n’a pas de filtre. Je suis patient. Pas elle. Elle est manuelle, pas moi. Quand on est amoureux de quelqu’un, on gagne beaucoup. C’est énorme !L.F.-C. Disons que son enthousiasme est canalisé et que le mien est débordant.

Vous avez un petit garçon ensemble, Nino, né en 2013.L.F.-C. Avec les filles comme avec notre bébé, Clovis est un papa très ­attentionné, très à l’écoute et très juste.C.C. Même si je ne suis pas du genre à promener mon fils au square en poussette ! Le square n’est pas le genre d’endroit qui me détend. Petit, je n’aimais déjà pas y aller. C’est bizarre, pour un ­enfant, d’être regardé autrement parce qu’un de ses parents est célèbre. Je préfère mille fois faire du bateau ou de la plongée avec les filles !

Clovis, vous semblez plus épanoui et serein que vous ne l’avez jamais été…C.C. Quand quelqu’un vous rend heureux, vous grandissez mieux. Si j’ai eu la force de faire ce film, c’est sûrement aussi pour plaire à Lilou. J’ai eu envie de la séduire, de lui offrir des choses toujours plus belles. Ma femme m’oblige à un ­dépassement permanent.

Ce qui vous a poussé à devenir votre propre réalisateur…C.C. J’avais envie depuis cinq ans de passer de l’autre côté de la caméra, ce n’était pas un caprice. J’ai donc attendu que ça devienne une évidence.

Pourquoi avoir choisi Lilou comme scénariste ?L.F.-C. Il m’était arrivé, plus jeune, de vivre une aventure à peu près similaire à celle de l’héroïne du film : fantasmer sur un voisin inconnu dont je n’étais séparée que par une simple cloison. J’en ai parlé à Clovis qui a voulu en faire la trame de son premier film. Il a tenu à ce que j’en écrive le scénario.

Avez-vous réalisé vos ambitions à travers ce film ?C.C. Mon souhait était de faire un film populaire, tendre et surtout pas ­cynique. J’ai un problème avec le ­cynisme. Les gens cyniques sont souvent intelligents, mais le ricanement permanent les empêche de vivre les choses pleinement. Nous vivons dans un monde où il faut fracasser à tout prix, comme si l’échec des autres était rassurant pour soi.

Maquillage-coiffure : Emilie Peltier. Stylisme : Stéphanie Vaillant. Jean Paul Gaultier, Paule Ka, Hugo Boss, Ermenegildo Zegna, Chanel chez DDS Vintage, Hotel Particulier, Azzaro.

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