De Conchita Wurst en mariée pour Jean Paul Gaultier au défilé d’Alexander McQueen inspiré par la supposée homosexualité de Jeanne d’Arc en passant par les écoliers en jupe de Thom Browne… Retour sur ces moments de mode LGBTQ+.
La mode a toujours été une importante plateforme artistique pour impacter l’opinion et faire évoluer la société. Lors de multiples défilés de mode, les créateurs ont eu le courage d’afficher leur soutien à la communauté LGBTQ+. Qu’ils prennent position en tant que principal concerné par cette cause en simplement en tant qu'allié à la communauté queer, les designers ont toujours eu à cœur de porter haut leurs idéaux grâce à leur art. C’est grâce à ces actions coup de poing que la mode est devenue une arme de défense et un outil de libération pour toutes les personnes LGBTQ+. Et si l’inclusivité n’a pas toujours été le fort de la fashion-sphère (on se souvient des propos transphobes et grossophobes du directeur marketing de Victoria’s Secret), aujourd’hui le milieu devient militant. En ce mois des fiertés LGBTQ+, on remercie les auteurs de ces 10 moments tellement queer et tellement jouissifs qui ont ouvert la voie à une mode activiste et inclusive.
Il a été compliqué de ne choisir qu’un moment où la communauté queer a été mise à l’honneur dans la longue carrière de l’immense Jean Paul Gaultier. L’enfant terrible de la mode a gagné son titre en titillant les conventions et la bourgeoisie, notamment dans le choix de ses mannequins et de ses muses : Loana, Valérie Lemercier ou Mylène Farmer. Mais en 2014, l’homme à la marinière - grand fan de l’Eurovision - a invité la drag queen à barbe et gagnante du concours européen de la chanson à clôturer son défilé en robe de mariée. Un moment de pop culture et de militantisme savamment orchestré.
Les drag queens ont toujours occupé une place primordiale dans la communauté LGBTQ+. C’est pour cette raison que Lypsinka, l’une des plus emblématiques show girl dont les playbacks sont calés au millimètre, a été courtisée par Thierry Mugler en 1992. L’esthétique camp (mélange de comédie et d’extravagance exacerbée) du créateur français a alors pu mettre en valeur le talent de Lypsinka. La drag queen a proposé une performance hilarante durant laquelle elle enlevait des pièces de ses vêtements pour dévoiler quatre tenues successives. Brillant.
De tout temps, la mode a aimé s’inspirer de références historiques et religieuses. Mais rares sont les occasions d’associer histoire traditionnelle et message LGBTQ+. Il fallait alors le talent de l’unique et regretté Alexander McQueen pour s’emparer de l’histoire de Jeanne d’Arc et en faire une icône mode et gay. Pour son défilé automne-hiver 1998, le styliste britannique a revisité l’histoire de la Pucelle d’Orléans avec un show sombre et moderne comme il savait le faire. Jeanne d’Arc avait d’ailleurs déjà été considérée comme une des premières héroïnes de la cause LGBTQ+, certains écrivains se sont même questionnés sur la transidentité de celle qui est morte sur le bûcher. Après l’impressionnant défilé, McQueen s’est alors exprimé : « N’importe qui peut être un martyr pour sa cause. J'étais peut-être un martyr de l'homosexualité quand j'avais six ans. »
Dans la catégorie des créateurs irrévérencieux et fantasques, Ashish Gupta occupe une belle place. Le designer britannique d’origine indienne a toujours aimé que ses collections soient provocantes et que le message soit clair. Celui qui a notamment habillé Miley Cyrus ou Madonna souhaite que ses créations soient des statements politiques et tient à défendre la communauté queer à chaque instant. Pour son défilé automne-hiver 2017, Ashish a fait défiler un mannequin reprenant l’esthétique homoérotique des bottes en cuir, des gants et de la casquette de flic, et a tranché avec un tenue toute en sequins sur laquelle on pouvait lire « Pourquoi être bleu (le bleu étant la couleur de la dépression) quand vous pouvez être gay ». Le créateur faisait alors référence au taux alarmant de dépressifs et de suicides au sein de la communauté gay.
L’arrivée de la robe à la fin du défilé haute-couture, c’est un incontournable. Chaque saison, les créateurs essaient de revisiter la silhouette de la virginale (et désuette) jeune femme qui s’avance toute de blanc vêtue. En 2013, l’opinion publique en France se déchire. Le débat sur le mariage pour tous fait rage tout comme les manifestations homophobes dans la rue. Karl Lagerfeld, lui, préfère se servir de son talent pour se prononcer sur le sujet. A la fin de son show Chanel haute-couture printemps-été, le Kaiser fera défiler deux mariées habillées de sublimes créations en plumes. Bonus, elles tiennent un enfant par la main. Egalité pour tou.te.s !
Robert Mapplethorpe était un photographe américain iconique des années 70. Ses photographies d’hommes nus en noir et blanc très léchées sont encore aujourd’hui reconnaissables au premier coup d’œil. Celui qui a eu une carrière fulgurante fascinait toujours en 2017 puisque Raf Simons s’est emparé de ses photographies pour les intégrer sur ses créations. Comme un plastron sous l’épaisse maille de Raf Simons, on peut donc admirer des photographies vieilles de 40 ans de Mapplethorpe. Raf Simons aurait également demandé la permission à chaque modèle apparaissant sur la photo avant de s’en servir.
En 1995, la France sort de ce que l’on appelle « les années sida ». La peur de la maladie et la stigmatisation de la communauté gay ont laissé des traces. Le créateur belge Walter Van Beirendonck a alors décidé de dédier sa collection printemps-été 1996 à la population LGBTQ+ avec une esthétique nightlife tout droit sortie du Queen. En résulte alors une collection moderne, colorée, sexy avec des références aux pratiques sexuelles gays mais également à la prévention contre la propagation du virus du VIH.
Thom Browne a toujours aimé traiter les sujets de société avec un regard différent. Pour son défilé printemps-été 2018, le créateur s’est intéressé à la notion du genre dans l’enfance. Et si on n’imposait pas aux garçons d’aimer le bleu, et si on n’imposait pas aux filles de porter des jupes ? Thom Browne a alors fait voler en éclats ces stéréotypes, notamment la rigidité placée sur le genre masculin pour créer une collection de workwear/uniforme moderne et genderfluid. Rythmé au son de la bande originale de « Orlando » de Sally Potter (1992), ce défilé redéfinit toutes les notions archaïques du genre avec des mannequins hommes en tailleur-jupe ou en robe et cravate. La liberté de la mode, après tout.
Depuis quelques années, de nombreux créateurs s’accordent pour remettre en question la notion de la sexualité et du genre au travers de la mode. Les membres de la communauté queer ne sont alors plus de simples faire-valoir du quota de diversité mais s’emparent enfin du pouvoir et se font entendre. Pour leur collection printemps-été 2019, le label Opening Ceremony a confié la production du défilé à Sasha Velour, drag queen gagnante de la saison 9 de l’émission « RuPaul’s Drag Race ». Ont alors défilé vêtus des créations d’Opening Ceremony, 40 performeurs et mannequins LGBTQ+ dont Valentina Sampaio, Miss Fame ou Jiggly Caliente. Un exemple de mise en valeur de tout ce dont la communauté a de plus talentueux.
Pendant 17 ans, Christopher Bailey a assuré à la tête de la création de l’élégante maison Burberry. En 2017, le jeune britannique a tiré sa révérence en tant que directeur artistique de la plus grandiose des façons. Le créateur ouvertement homosexuel a tenu à rendre un vibrant hommage à la communauté LGBTQ+ en créant sa dernière collection avec comme fil conducteur le drapeau arc-en-ciel. Si ce genre d’initiative peut s’apparenter à de la com’ pour se faire bien voir ou plus précisément du « pinkwashing », la maison a précisé qu’elle avait fait des dons à trois associations : l'Albert Kennedy Trust, The Trevor Project et ILGA. Christopher Bailey a donc profité jusqu’au dernier moment de son statut pour faire avancer les choses.