Actu : Dans ce nouveau spectacle, vous évoquez la perte d’un être proche, votre père.
Virginie Hocq : Oui mais ce n’est pas un hommage à mon père car je ne fais pas de thérapie sur scène. Je parle des liens qu’on a tous dans la vie et puis il arrive un moment où on perd un proche. Le postulat de départ c’est de dire que les naissances on les organise mais les départs, on les tait. On n’ose pas en parler. J’ai décidé d’en faire quelque chose de drôle. Après le décès de mon père, je dois vider toutes les pièces de son appartement. Et dans le spectacle, en recueillant les souvenirs, je vois le public qui s’exclame. On a tous eu les mêmes souvenirs, que ce soit des vinyles que nos parents ont écoutés, des vieilles casseroles, des vieux instruments. C’est un prétexte pour se souvenir.
Avez-vous dû réellement vider l'appartement de votre père ?
V.H. : Non mais ce sont des choses qui peuvent arriver à tout le monde. Je n'invente rien. J'ai entendu ce que mes copains disaient. Les vieilles soupières sans importance qu'on utilisait le dimanche, au moment où il faut s'en débarrasser, on dit finalement qu'on les adore. On s'accroche à des vieilles louches, des choses qui soudainement deviennent des souvenirs hyperimportants.
Parler de la mort de votre père, c'est vous rapprocher encore plus du public ?
V.H. : J'adore trouver des sujets qu'on a tous en commun, j'ai envie que ça parle au plus grand nombre. Quand je parle du risque qu'on a de perdre un parent, je n'invente rien du tout, c'est la vérité. D'ailleurs je ne dis pas dans le spectacle que mon père est mort, je dis qu'il a glissé car il y a des mots pour lesquels on n'est pas capable de rire alors que franchement, il y aurait moyen. La mort, on ne veut pas en parler car il est tellement plus agréable d'avoir l'impression de maîtriser les choses jusqu'au bout. Je n'ai pas mis le point final à la vie de mon père mais trois petits points pour pouvoir continuer à en parler. À l'enterrement de mon père, les « sincères condoléances » sont devenues « joyeuse cuite à tous ». On a distribué deux ou trois bières et c'est devenu une belle fête.
Au final, vous arrivez à rendre ça drôle !
V.H. : Mais oui ! Le spectacle s'appelle Virginie Hocq ou presque car si on assemble les deux premières lettres de mon prénom et de mon nom, ça donne Vioc ou presque. Ce spectacle parle aussi de l'âge. Je dis que je ne vieillirais jamais, que c'est une question de volonté et comme j'en ai énormément... Mais je me rends bien compte que c'est irrémédiable. On peut se leurrer pendant un temps... mais pas très longtemps !
Avez-vous l'impression de vieillir ?
V.H. : Ce que je dis dans le spectacle, c'est que nous ne vieillissons pas. Ce sont nos enfants qui nous font vieillir, les adolescents avec leurs certitudes. On se rend aussi compte que nos parents ne sont pas éternels. Ils ont d'abord été nos empêcheurs de tourner en rond et puis on se retrouve sur le même pied. C'est très intéressant la vie.
Comment trouvez-vous les thèmes de vos spectacles ?
V.H. : Je regarde beaucoup ce qui se passe autour de moi, ça me permet de créer des personnages. J'adore être spectatrice de ce que je vis pour pouvoir en garder quelque chose que je vais modeler, qui va devenir une histoire. J'ai cette faculté à en tirer de l'autodérision. Dans ce spectacle, j'avais envie que les gens soient face à des objets, des choses mouvantes, vivantes, réelles, qu'il y ait de la magie. J'ai osé y mettre toutes mes préférences dans le monde artistique, que ça soit le seul en scène, le presque seul en scène, l'improvisation, le stand-up. Tout ce que j'ai pu glaner au fur et à mesure de mes rencontres.
@_celia_bedelia_ My uncle didn't know how to make an omelette, so I sat down and showed him. He usually makes himse… https://t.co/FrNqvJudxQ
— Brynn 🛡 Tue Sep 11 18:32:59 +0000 2018
Dans vos spectacles, l'utilisation de votre corps est toujours quelque chose auquel vous accordez beaucoup d'importance.
V.H. : J'ai fait le conservatoire et comme je suis très curieuse, j'ai aussi travaillé le mime, le clown... Je peux faire passer tellement de choses avec ce corps, le malmener, le multiplier à loisir pour le bonheur des spectateurs.
À votre avis, qu'est-ce que vos fans aiment chez vous ?
V.H. : Je pense qu'ils aiment le côté empathique, bonne copine. Je suis assez proche du public, je m'adresse à lui. Quand je me moque de moi, ça fait rire les gens. Mais je ne pointe jamais quelqu'un du doigt dans le public en me moquant. Je ne vis pas dans un monde de paillettes, j'ai des valeurs très simples qui ressemblent à celles de tout le monde. Je viens d'un pays où on apprend à marcher sur des œufs. On a deux cultures différentes : flamande et francophone. On est un petit pays et c'est une grande chance de pouvoir s'exporter et de montrer au plus grand nombre son travail. Je suis peut-être terre à terre mais je me rends compte que je ne sais pas de quoi sera fait demain. On l'a tellement bien senti durant la crise sanitaire. Heureusement, que je n'avais pas la folie des grandeurs, peut-être que j'aurais pu me faire très mal. Je vois que notre situation est précaire, que notre travail est précaire...
Dans vos spectacles, le public a toujours un rôle très important.
V.H. : Le spectacle vivant, ça doit être vivant sur scène et vivant dans la salle. J'invective les gens, je m'intéresse à eux. Quand je vide l'appartement, je leur dis si des choses vous intéressent, allez-y. Les gens repartent avec des plats, des couverts, c'est génial, ça devient terriblement humain ! Je laisse libre court à toutes les émotions.
Avez-vous des anecdotes de spectacle qui vous reviennent en mémoire ?
V.H. : Un jour à Roissy, au sein d'une famille de quatre personnes, deux étaient très malades car elles avaient mangé de la soupe au potiron. La dame voulait vomir. Au lieu de paniquer et de faire comme si de rien n'était, je l'ai accompagnée jusqu'à la sortie. Les gens étaient rassurés car il y a un côté stressant de voir quelqu'un malade. Tout s'est passé comme si c'était un sketch. Il m'est déjà arrivé que toute la lumière se coupe et que je sois obligée de jouer dans le noir pendant 15 minutes. Les gens se disent : « C'est quand même rare un spectacle sans lumière ». J'ai continué et c'est ça qui est génial. Je prends tout ce qui peut arriver. Si quelqu'un arrive en retard, ce n'est pas grave. Aucune agressivité, ça arrive à tout le monde. Je débarrasse les manteaux, je les accueille et ça soulage tout le monde de ne pas être gêné. Tout va bien et ça fait du bien de pouvoir en rire ! Je suis un vrai chat et j'arrive toujours à retomber sur mes pattes. Je connais tellement bien mon spectacle dans tous les sens car on l'a bien travaillé avec la metteure en scène Johanna Boyer que mes fondations sont très bonnes. Je sais comment est le début, le milieu, la fin... Tout est tellement limpide que je peux me permettre de changer de cap et revenir.
Vous avez déjà une belle carrière derrière vous. Quels sont vos rêves pour la suite ?
V.H. : J'adore apprendre, travailler avec des gens ou des metteurs en scène qui ont des idées, jouer des personnages qui ont l'air proche de moi ou qui sont à l'opposé. J'adore essayer des costumes qui ne sont pas à ma taille, c'est tellement chouette ! C'est pour ça que j'ai choisi ce métier, c'est pour pouvoir interpréter à l'infini et essayer d'autres vies que la mienne.
Y a-t-il un ou des personnages que vous avez préféré interpréter ?
V.H. : Dans mon tout premier spectacle, il y a un enfant trisomique qui s'appelle Frankie. Et il y a aussi deux Madeleine. Celle dans le film Do you, do you Saint-Trophez avec Benoit Poelvoorde et Christian Clavier. C'est une femme très riche des années 70 qui a beaucoup de caractère. Plus récemment, j'ai adoré Madeleine Villardier que j'ai interprétée avec Pierre Palmade. Encore une fois, c'est un personnage haut en couleur, exubérant. J'adore ces personnages. Quand on me compare à des comédiennes comme Maria Pacôme ou Jacqueline Maillan, ça me plaît bien. J'adore les personnages paumés, durs, plein de douleurs. Je trouve ça intéressant d'aller dans tous les sens.
Avez-vous l'impression d'être devenue une chouchou du public français ?
V.H. : Non car je doute tout le temps de moi. J'ai toujours l'impression d'être une débutante. C'est parfois une qualité et aussi un gros défaut douloureux. J'ai l'impression de ne pas toujours être à ma place. Parfois, on pourrait croire que je suis un peu froide mais c'est juste que je n'ose pas dire bonjour aux gens. Je me dis qu'ils ne me connaissent peut-être pas. J'aimerais être détendue, sereine. Plus jeune, je ne rêvais pas d'être connue, juste de pouvoir jouer. Je n'imaginais pas jouer un jour à Paris. D'ailleurs, à chaque fois que je prends le Thalys, je me dis : « C'est pas vrai ! ».
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
V.H. : Vous pouvez toucher du bois pour moi et me souhaiter d'oser les choses que je n'ai jamais faites et surtout, d'arrêter de douter de moi toutes les trois minutes.
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