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Depuis sa conclusion en 2019, Game of Thrones a laissé un vide dans le panorama audiovisuel. Véritable phénomène, la série adaptée des romans de George R.R. Martin aura marqué la dernière décennie, par son intrigue politique, fantastique et médiévale. Une place que sont bien décidées à prendre les différentes plateformes SVOD, qui multiplient les productions du genre pour attirer de nouveaux abonnés. Netflix a été la première à riposter avec The Witcher, qui drague les amateurs de Fantasy, les joueurs et les lecteurs des romans d’Andrzej Sapkowski.
Chez Amazon Prime Video, la réponse doit prendre la forme d’une série inspirée de l’une des sagas littéraires les plus célèbres : Le Seigneur des Anneaux. Mais alors que le retour en Terre du Milieu se fait attendre, la firme fondée par Jeff Bezos a d’autres cordes à son arc. Elle dévoile La Roue du Temps, une série Fantasy qui ambitionne de devenir un incontournable. C’est une manière pour Amazon de faire une démonstration de force à ses concurrents, et sans doute aussi de rassurer les fans de Tolkien qui craindraient de voir l’œuvre trahie pour le profit. Mais Amazon a-t-elle les épaules mettre en images une telle épopée ?
L’univers de La Roue du Temps est vaste, c’est indéniable. En voulant adapter une saga riche de 14 volumes, la plateforme s’est lancé un sacré défi. C’est beaucoup plus que Game of Thrones, dont la conclusion sur le papier n’a toujours pas été livrée par son auteur. Ici, le chemin tracé par Robert Jordan en 1990 a été terminé par Brandon Sanderson qui a signé les trois derniers livres après la mort de l’auteur. Amazon a donc matière à étirer sa nouvelle production sur plusieurs saisons.
La Roue du Temps nous plonge dans un monde où la magie ne peut être pratiquée que par les femmes. Lorsque Moiraine, une sorcière de l’organisation des Aes Sedai, arrive dans un petit village de la région reculée des Deux-Rivières, la vie de quatre adolescents va basculer à jamais. Elle embarque Rand, Mat, Perrin et Edgwene dans une aventure à travers le royaume, en direction de la Tour Blanche. Mais les créatures du Ténébreux sont à leur trousse, plus que jamais leurs vies sont en danger.
Il y a fort à faire dans les premiers épisodes de cette série. C’est toute une mythologie, un univers et les jalons d’une vaste intrigue qu’il faut présenter aux spectateurs, qu’ils soient ou non lecteurs des romans de Jordan. Devant cette tâche titanesque, le scénariste ne flanche pas. Rafe Judkins (Marvel : les Agents du S.H.I.E.L.D) s’en sort plutôt bien et parvient à susciter l’intérêt chez le spectateur avec des mécaniques certes éculées, mais toujours efficaces. Les inspirations sont nombreuses, l’auteur a d’ailleurs confié avoir largement puisé du côté du Seigneur des Anneaux pour son introduction. Si on n’échappe pas aux nombreux écueils du genre, l’intrigue bénéficie tout de même d’une certaine singularité.
S’il a parfois tendance à faire entrer au chausse-pied des éléments essentiels à la narration, le premier épisode rempli (presque) tous ses objectifs. Plutôt lent à ses débuts, ce chapitre oscille entre combats effrénés et séquences plus intimistes entre les différents protagonistes. C’est néanmoins au second épisode que les choses gagnent vraiment en intensité et que la magie commence à opérer.
La force de la série réside surtout dans les différentes thématiques qu’elle aborde, la notion de destin, mais aussi et surtout, une certaine réflexion sur le féminisme, le patriarcat et forcément le matriarcat. Mais ces notions n’écrasent pas le récit, qui se révèle être un subtil mélange d’enjeux grandiloquents et de conflits politiques. La Roue du Temps n’oublie pas non plus d’être une fable plus intimiste, une quête personnelle pour chacun des protagonistes.
Entre chevauchée sauvage et attaques de trolls, cette aventure épique en a sous la pédale. Si elle ne souffre évidemment pas la comparaison avec Game of Thrones, qui on le rappelle a aussi eu des débuts difficiles, La Roue du Temps parvient à se hisser sans peine parmi les meilleures séries du genre, bien meilleure que les récentes tentatives de Netflix. On se souvient particulièrement de Cursed, qui avait revisité la légende Arthurienne façon drama pour adolescents.
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— Erwan Heussaff Tue Apr 14 08:30:21 +0000 2020
On notera néanmoins une certaine faiblesse dans l’écriture des dialogues, qui s’ils embrassent l’aspect épique de ce genre de production, en oublient parfois d’ajouter un peu d’humanité aux personnages. Pour autant, l’intrigue qui se dessine dans les trois premiers épisodes qui nous ont été donnés de voir est à la hauteur de la promesse.
Pour s’assurer de rendre hommage à l’imaginaire de Robert Jordan, Amazon a déployé tout un arsenal d’effets spéciaux et numériques. Ce genre de production coûte évidemment cher, pour peu que l’on veuille accoucher d’un produit abouti et convaincant. Bonne nouvelle, le géant du e-commerce n’a pas des oursins dans les poches.
Les créatures qui peuplent cet univers fantastique sont particulièrement réussies. À mi-chemin entre les orques du Seigneur des Anneaux et les monstres de World of Warcraft, les trollocs sont convaincants tout comme le reste des monstres qu’il nous ait donné de voir. Les fans du genre ne seront pas dépaysés.
Néanmoins, les choses se compliquent lorsqu’il s’agit de mettre en images le Pouvoir Unique, cette puissance magique censée rendre les Aes Sedai invulnérables. Le résultat est parfois désuet, voire même un peu ringard. On s’attendait presque à voir débarquer les soeurs Halliwell. Une scène du premier épisode est particulièrement emblématique de ce manque d’ambition visuelle, qui si elle ne ternit pas le visionnage, nous laisse tout de même un goût amer.
Du côté de la réalisation, c’est aussi loin d’être exempt de défauts. Sanaa Hamri, qui réalise les deux premiers épisodes, parvient à rendre hommage aux décors de par sa mise en scène, mais se rétame complètement lors des scènes d’action. Elles sont frénétiques, brouillonnes et surtout illisibles. On peut aussi dire qu’elle n’est pas aidée par le montage, qui oublie de laisser respirer ses personnages et les cloisonne dans les plans de quelques millisecondes à peine.
On apprécie en revanche la manière dont la cinéaste s’amuse à faire des références visuelles au Western Spaghetti. Elle rend aussi justice aux nombreux décors qui sont immortalisés, entre les montagnes verdoyantes des Deux-Rivières et les étendues désertiques et gelée du second épisode. Le soin apporté à la photographie vient donner un nouvel élan à l’univers visuel, qui dégage une véritable ambiance, dans les scènes d’obscurité comme lorsque la lumière baigne les paysages.
Dans cette série, des visages familiers côtoient des illustres inconnus. Pour incarner Moiraine, épicentre de l’intrigue, Amazon a recruté Rosamund Pike. L’actrice récompensée pour I Care a Lot, qui s’est également illustrée dans Gone Girl, incarne avec brio cette figure féminine, forte, froide et mue par une mission prophétique. Elle fait face à un Daniel Henney qui ne démérite pas dans le rôle de Lan Mondragoran, taiseux et mystérieux à souhait.
Du côté des jeunes acteurs, moins jeunes que dans les romans, c’est particulièrement Barney Harris qui captive l’attention avec son incarnation de Mat. Le reste du casting n’en est pas moins talentueux, à commencer à par Zöe Robins qui campe Nynaeve al’Meara.
Enfin, on terminera avec la musique de Lorn Balfe, qui parvient à souligner le récit. Le compositeur fait s’entremêler des tonalités western à des champs plus celtiques, et parvient à ajouter du corps aux scènes qu’il illustre avec sa partition. Celui à qui l’on doit les musiques originales de His Dark Materials et Black Widow fait un sans-faute.
Le défi est remporté pour La Roue du Temps qui parvient à faire naître une certaine magie dans ces premiers épisodes. Amazon a eu raison d’avoir confiance en sa première production du genre. La plateforme va d’ailleurs lui offrir une deuxième et une troisième saison, la série est donc là pour rester. Reste que comme le chemin vers les Deux-Rivières, la route est escarpée et qu’une chute est vite arrivée. Il faudra donc espérer que la série ne trébuche pas dans ses derniers épisodes.
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