François Fillon de retour à la barre : le procès en appel de l’ancien premier ministre, de sa femme et de son ex-suppléant s’est ouvert lundi 15 novembre en début d’après-midi à Paris dans l’affaire des soupçons d’emplois fictifs de Penelope Fillon qui a plombé la course à l’Elysée de son époux en 2017.
Costume bleu nuit, cheveux poivre et sel, celui qui fut le chef du gouvernement entre 2007 et 2012, aujourd’hui âgé de 67 ans, est entré dans la salle d’audience sans s’exprimer face à la presse avec sa femme, âgée de 66 ans. Ce second procès se tient près d’un an et demi après la condamnation de l’ancien locataire de Matignon, notamment pour détournement de fonds publics, à cinq ans d’emprisonnement dont deux ferme, 375 000 euros d’amende et dix ans d’inéligibilité. Il avait aussitôt fait appel.
Lors du premier procès, « je me suis sentie ridiculisée, même parfois humiliée, j’étais tétanisée au point de ne pas pouvoir m’exprimer comme je l’aurais voulu », a déclaré Penelope Fillon, se plaignant d’un « préjugé » à son encontre. « Cette fois-ci, j’aimerais vous convaincre », a-t-elle ajouté. Jusqu’au 30 novembre, la Franco-Galloise entend défendre la relaxe, alors qu’elle avait été condamnée en première instance à trois ans d’emprisonnement avec sursis et 375 000 euros d’amende.
La première journée d’audience a été consacrée à des questions de procédure. « François Fillon n’a pas reçu le même traitement judiciaire que tout autre justiciable », a estimé son avocat, Antonin Lévy, demandant pour la première fois l’annulation de l’essentiel du dossier où il y avait selon lui « quelque chose de pourri ». M. Lévy a invoqué les déclarations, en juin 2020, de l’ancienne chef du Parquet national financier (PNF), Eliane Houlette, qui s’était émue en commission parlementaire de « pressions » de sa hiérarchie dans cette affaire, quelques jours avant le rendu du jugement du premier procès – la défense avait alors demandé, en vain, le report de la décision.
Pour l’avocat, les « neuf » remontées d’informations entre le PNF et le parquet général n’ont pas été faites dans le respect de la loi et elles expliquent les « fuites généralisées » dans la presse. M. Lévy a aussi accusé le président du tribunal de Paris d’une « litanie de mensonges », « d’erreurs et d’approximations » dans ses explications sur la désignation du magistrat instructeur. Selon lui, ce dernier a été choisi « à dessein » dans le but d’une mise en examen de M. Fillon en pleine campagne présidentielle.
L’ouverture de cette instruction avait été initialement saluée par M. Fillon, avant qu’il ne soit mis en examen en mars 2017, à quelques jours de la clôture des candidatures. « On est dans le procès d’intention », a répliqué l’avocat général, Bruno Revel, qui a rappelé que le Conseil supérieur de la magistrature, saisi par Emmanuel Macron, avait conclu à la fin de 2020 que la justice avait agi « de façon indépendante ». Il a ainsi estimé que la demande de la défense était irrecevable et que, sur le fond, « les règles du procès équitables [avaient] été respectées ».
Le Canard enchaîné avait dévoilé le « Penelopegate » le 24 janvier 2017, entraînant l’ouverture d’une enquête. Les révélations s’étaient succédé et le candidat de la droite, chantre de l’intégrité et favori des sondages, avait été mis examen à six semaines du premier tour.
Aujourd’hui âgé de 67 ans et retraité, François Fillon devra s’expliquer sur l’emploi de son épouse comme assistante parlementaire entre 1998 et 2013, dans le cadre de trois contrats signés par lui et par celui qui était alors son suppléant dans la Sarthe, Marc Joulaud. Ce dernier s’était vu infliger, en première instance, trois ans d’emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d’amende avec sursis et cinq ans d’inéligibilité.
Des prestations rémunérées 613 000 euros net (plus d’un million d’euros brut) « fictives ou surévaluées » selon l’accusation, qui considère que les activités de Penelope Fillon relevaient du « rôle social » d’une « conjointe d’homme politique », mais pas d’une collaboratrice. Le travail de Penelope Fillon était certes « discret », majoritairement oral, mais « essentiel », a toujours clamé son mari.
Le couple est aussi jugé pour l’emploi de leurs deux enfants en tant qu’assistants parlementaires de leur père sénateur entre 2005 et 2007 (100 000 euros brut) ainsi que pour le lucratif contrat de Penelope Fillon comme « conseillère littéraire » en 2012 et 2013 à la Revue des deux mondes, propriété de Marc Ladreit de Lacharrière – 135 000 euros brut.
Ami de François Fillon, cet homme d’affaires a reconnu, dans une procédure distincte, un emploi en partie fictif et il a été condamné en 2018 pour abus de biens sociaux.
François Fillon est enfin poursuivi pour avoir omis de déclarer un prêt de M. Ladreit de Lacharrière à hauteur de 50 000 euros à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – il a été relaxé en première instance.
L’enjeu de ce procès en appel est que « l’innocence » de François Fillon « et celle de son épouse soient enfin reconnues », avait résumé auprès de l’Agence France-Presse (AFP), M. Lévy avant le début du procès.
« L’assistance » de la Franco-Galloise de 66 ans « correspondait exactement à ce dont Marc Joulaud avait besoin pour exercer au mieux le mandat de suppléant de François Fillon, pendant que celui-ci exerçait à Paris les responsabilités de ministre », a assuré à l’AFP l’avocat de M. Joulaud, Jean Veil. L’Assemblée nationale, partie civile, avait obtenu plus d’un million d’euros en dommages-intérêts.
En septembre 2021, la presse a révélé qu’une seconde enquête visant François Fillon avait été ouverte en 2017, concernant les conditions d’emploi d’un autre assistant parlementaire, l’écrivain Maël Renouard, entre 2013 et 2015. Cette enquête est toujours en cours.
Le Monde avec AFP
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