• 25/10/2022
  • Par binternet
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« HPI » : « On a voulu faire du sur-mesure pour Audrey Fleurot »<

« Aujourd'hui, à TF1, il n'y a pas de tabous. Nous ne nous interdisons rien. » La directrice artistique de la fiction du groupe TF1, Anne Viau, doit au lendemain du démarrage de HPI se frotter les mains. Les deux premiers épisodes ont été suivis par 9,3 millions de téléspectateurs (9,8 et 38,4 % de parts de marché pour le premier ; 8,9 millions et 41,9 % de PDA pour le deuxième). Un score au-dessus de l'audience du spectacle des Enfoirés 2021 le 5 mars dernier ! En deuxième semaine, plus de 9,7 millions de fidèles sont revenus. Preuve que que le phénomène va bien au-delà du simple « effet de curiosité ». Soutenue par une vaste campagne de pub à travers la France, cette comédie policière offre le premier rôle à une Audrey Fleurot gouailleuse à souhait dans la peau d'un personnage « atypique » : celui d'une femme de ménage à haut potentiel intellectuel qui va se retrouver à collaborer avec la police pour résoudre des enquêtes. Anne Viau, ancienne scénariste elle-même, croit beaucoup en cette forte personnalité qu'elle estime dans la ligne droite des récents héros mis en avant par la chaîne. Elle aurait tort de douter : les démarrages, voici quelques semaines, de Gloria avec Cécile Bois ou du Remplaçant avec JoeyStarr ont réuni en moyenne plus de 7 millions de curieux. Et on parle même d'une saison 2 pour la série Je te promets. La fiction de TF1 va donc bien, merci. D'ailleurs, une vingtaine de projets sont en préparation. Parmi les plus attendus, Syndrome E, l'adaptation d'un roman de Franck Thilliez, dont Anne Viau nous livre en exclusivité le casting. Ou encore la minisérie fantastique Plan B avec Julie de Bona. Rencontre avec une directrice de la fiction qui jure de vouloir « pousser les curseurs de l'audace ».« HPI » : « On a voulu faire du sur-mesure pour Audrey Fleurot » « HPI » : « On a voulu faire du sur-mesure pour Audrey Fleurot »

Anne Viau : Morgane a 38 ans, trois enfants avec deux pères différents, cinq crédits… C'est une femme de ménage qui n'a pas la langue dans sa poche. Elle est un peu antisociale, un peu allergique à l'autorité. Et elle est surtout dotée d'un haut potentiel intellectuel [d'où le titre ! NDLR]. C'est sûrement l'une des raisons qui fait qu'elle ne s'est jamais vraiment intégrée dans notre société et qu'elle n'arrive pas à garder un travail très longtemps. Et de drôles de circonstances vont l'amener à collaborer avec la police sur des enquêtes.

Antisociale et allergique à l'autorité ? En quoi est-ce un élément important ?

Disons qu'elle est dans l'air du temps. Elle est en prise avec les difficultés que rencontrent les Français et elle s'en sort avec humour et pas mal de second degré.

C'est donc une nouvelle série policière ?

C'est plutôt une comédie policière. Avec une façon originale d'aborder les enquêtes, via l'intelligence pointue d'un personnage. Son duo avec le commandant Caradec joué par Mehdi Nebbou, qui est aussi psychorigide qu'elle est truculente, est très savoureux. HPI correspond totalement à l'ADN de nos fictions aujourd'hui.

En quoi Morgane s'inscrit-elle dans la lignée des héroïnes de TF1 ?

À TF1, notre mission première, c'est de mettre en avant des héros extrêmement forts, atypiques, dont on se souvient. Nous avons donc des visages différents avec leur singularité, comme Audrey Fleurot qui a apporté beaucoup au personnage de Morgane, Isabelle Nanty (Munch) ou encore Tomer Sisley (Balthazar)… C'est une galerie de comédiens pour qui on a voulu faire du sur-mesure.

La liberté de ton de Morgane rappelle celle du capitaine Marleau (Corinne Masiero). Est-ce un hasard ?

Avec sa gouaille, Morgane Alvaro est surtout dans la lignée d'autres personnages hauts en couleur que nous avons déjà sur TF1 comme Sam (Natacha Lindinger) ou « le remplaçant » incarné par JoeyStarr. Elle dit tout haut ce que l'on pense tout bas. Elle est comme nous en « plus, plus ». C'est nous en mieux.

Pourquoi ne pas installer sur votre antenne des séries comiques plus irrévérencieuses, comme La Flamme de Canal+, par exemple ?

Je trouve que HPI est assez irrévérencieuse. Nos comédies sont franchement assumées et assez décalées parfois.

« HPI » : « On a voulu faire du sur-mesure pour Audrey Fleurot »

Justement, question audace, jusqu'où pouvez-vous aller ? Quelles sont vos limites ?

Je pense qu'il n'y a pas de limites. On a une grande liberté aujourd'hui. Ce qui caractérise nos choix, c'est l'envie de nous démarquer, de créer l'événement…

Pourtant, on a l'impression qu'une série comme La Promesse, certes plus noire que les séries de TF1 d'il y a quelques années, aurait été plus rugueuse encore sur Canal+…

(Elle rit.) Sur La Promesse, je ne vois pas comment on aurait pu aller plus loin… D'ailleurs, le public est venu en masse et n'a pas lâché la série. On a réuni plus de 7,1 millions de téléspectateurs en moyenne.

Maison close, la série que vous aviez cosignée comme scénariste pour Canal+ en 2010, pourrait-elle avoir sa place dans votre grille aujourd'hui ?

Tout dépend du traitement, mais il y a peu de choses qui nous retiennent. Il n'y a plus de tabous. D'ailleurs, dans Les Combattantes, dont nous allons commencer le tournage, l'une des héroïnes est prostituée et travaille dans une maison close.

Question réalisation, on remarque encore parfois des effets appuyés. On sent que vous avez le souci de ne laisser personne sur le bord de la route…

Vous savez, le téléspectateur est de plus en plus exigeant, il est de plus en plus éduqué en matière de fiction. Mais, oui, la fiction de TF1 se doit de séduire le plus grand nombre : elle est populaire, familiale, généraliste et fédératrice.

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Comment expliquez-vous que le public se tourne de plus en plus vers les fictions françaises au détriment des séries américaines ?

J'y vois deux raisons. Il y a aujourd'hui une forte montée en gamme, une premiumisation de l'offre avec une volonté de pousser les curseurs et d'explorer des genres différents. Et puis, je pense que le public nourrit un vrai appétit pour le « local » avec des séries qui nous ressemblent et parlent de nos soucis, dans une société de plus en plus mondialisée.

Cette « premiumisation » donne un coup de vieux à des séries comme Joséphine, ange gardien ou Camping Paradis. Vous n'êtes pas tentée d'y mettre fin ?

Bien sûr que non, elles font partie de TF1. Je crois que ces deux séries fonctionnent comme des madeleines de Proust. Le public a grandi avec elles. Elles sont chères au cœur de nos téléspectateurs. Elles marchent très bien l'été en rediffusion. Nous allons d'ailleurs tourner la 100e aventure de Joséphine.

De l'audace, vous en avez eu en prenant le risque d'installer deux feuilletons Demain nous appartient et Ici tout commence, sur le créneau stratégique de l'access prime time [avant le JT de 20 heures, NDLR]. Quel bilan en tirez-vous ?

Je me réjouis du succès de ces deux soaps. Demain nous appartient est leader sur sa tranche avec en moyenne 3,8 millions de téléspectateurs tous les soirs. Et avec Ici tout commence, nous avons gagné plus de 20 points sur la cible des 15-24 ans. Ces feuilletons nous permettent de créer un dialogue entre parents et enfants sur des sujets comme le harcèlement, l'homophobie ou encore la violence faite aux femmes. ITC [Ici tout commence, NDLR], c'est un peu le nouveau Beverly Hills. C'est un vrai phénomène chez les jeunes qui revient souvent en top tweet [le terme qui désigne les sujets les plus commentés sur Twitter, NDLR]. Et ce, sans jamais exclure les parents. C'est exactement ce que nous cherchons à faire à TF1.

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Les jeunes sont aujourd'hui une cible très prisée. Votre stratégie porte-t-elle ses fruits ?

Nos fictions dépassent souvent les 30-40 % de parts de marché sur les cibles jeunes. Je suis très attachée à l'idée de séduire ce public plus volatil, mais aussi plus exigeant, qui consomme beaucoup de fictions. C'est pour cela que nous mettons l'accent sur les séries pour Young Adults, comme ce sera le cas avec Fugueuse, qui raconte comme une jeune fille de bonne famille se retrouve à se prostituer par amour. C'est surtout la preuve que la télévision traditionnelle que l'on disait moribonde reste fédératrice.

Élisabeth Moreno, la ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances, a récemment salué les valeurs d'inclusion portées par Ici tout commence. Cette reconnaissance est-elle importante pour vous ?

Oui, bien sûr. Il est essentiel que nos programmes fassent évoluer les mentalités. Nous avons des personnages transgenres, homosexuels… Je vous rappelle que déjà Une famille formidable mettait en scène un mariage homo [en 2013, NDLR]. Bientôt, nous diffuserons Il est elle avec Odile Vuillemin et Jonathan Zaccaï, qui aborde le sujet de la dysphorie du genre. Nous voulons rester en phase avec la société et aussi participer à faire évoluer les mentalités.

Adapter, ça ne se résume pas à traduire les scénarios et à tourner.Anne Viau, directrice artistique de la fiction du groupe TF1

On vous reproche souvent de multiplier les adaptations de séries aux créations originales. Que répondez-vous à cette polémique ?

(Elle sourit.) Ah, on m'en parle à chaque fois ! Je suis assez décomplexée sur le sujet. Je ne pense pas que Les Bracelets rouges, Sam ou encore de Je te promets auraient rencontré le même succès si on avait diffusé les séries dont elles sont adaptées. Vous savez, adapter, ça ne se résume pas à traduire les scénarios et à tourner. Je n'oppose pas adaptations et créations originales. Et puis nous avons un catalogue conséquent de créations originales avec, entre autres, HPI, Munch, La Promesse, Balthazar ou encore Syndrome E.

Syndrome E fait justement partie des séries de TF1 les plus attendues. Pouvez-nous nous en dire un peu plus ?

C'est l'adaptation du premier roman de Franck Thilliez dans lequel ses deux enquêteurs Sharko et Hennebelle se retrouvent. Cette minisérie sera réalisée par Laure de Butler à qui on doit La Promesse. Le tournage commence bientôt, et je vais d'ailleurs vous en révéler le casting. Les deux héros seront incarnés par Vincent Elbaz et Jennifer Decker de la Comédie-Française. Et autour d'eux, vous retrouverez Emmanuelle Béart, Kool Shen, Michèle Bernier, Richard Bohringer, Anne Charrier, Bérengère Krief, Dominique Blanc, Samy Seghir et Marius Colucci. Un casting cinq étoiles, populaire, issu de tous les univers.

Vous diffuserez prochainement Une affaire française qui revient sur l'affaire du petit Grégory. Les récentes avancées de l'enquête changeront-elles quelque chose ?

Non, cela ne changera rien, car ce que l'on a voulu faire, c'est avant tout raconter ce drame du point de vue d'un gendarme et d'une journaliste. Il s'agit davantage d'une réflexion sur une époque et ses dérives dans le traitement médiatique des affaires judiciaires. On l'a fait dans le respect des victimes et des protagonistes. Tout ce qui est raconté dans cette série est tiré de déclarations, de témoignages et de procès-verbaux. Il n'est surtout pas question de prendre parti.

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Après l'énorme succès du Bazar de la charité en 2019, à quand une nouvelle série en costumes ?

Comme je vous le disais, nous allons tourner une nouvelle série historique, Les Combattantes. L'idée est de dépoussiérer un peu le genre, d'y amener de la modernité et de faire des parallèles avec des problématiques actuelles, notamment sur la condition féminine. L'histoire se déroule pendant la Première Guerre mondiale et suit le destin de quatre femmes, une nonne, une prostituée, une capitaine d'industrie et une jeune infirmière qui vont remplacer les hommes partis se battre. Avec Camille Lou, Audrey Fleurot, Julie de Bona et Sofia Essaïdi.

Le casting ressemble beaucoup à celui du Bazar de la charité. Vous ne craignez pas de lasser le public et de tuer l'effet de surprise en faisant appel trop fréquemment à certains artistes ?

L'idée est de retrouver ces trois héroïnes dans une nouvelle période tourmentée de l'Histoire, c'est au cœur du concept de cette collection… Ce sont par ailleurs des comédiennes qu'on aime beaucoup, avec qui on a une relation privilégiée. Mais nous tournons avec beaucoup d'autres actrices, comme Cécile Bois, Mathilde Seigner, Marilou Berry, Muriel Robin, Sylvie Testud… Notre panel est très large. Maintenant, c'est vrai que TF1 se veut une pépinière de talents. Eh oui, nous aimons faire grandir des comédiens que nous avons vu naître, comme c'est le cas avec Camille Lou, Clément Rémiens ou Julie de Bona. Nous faisons la même chose avec les auteurs et les réalisateurs.

Quand on lit un tweet élogieux de Stephen King sur La Mante qu’il a pu voir sur Netflix, c’est vrai qu’on est ravis.Anne Viau

Envisagez-vous de nouveaux partenariats avec Netflix ou d'autres plateformes ?

La collaboration avec Netflix sur Le Bazar de la charité a été fructueuse et a permis de faire rayonner à travers le monde une création française. C'est important de faire connaître notre savoir-faire hors de nos frontières. Quand on lit un tweet élogieux de Stephen King sur La Mante, qu'il a pu voir sur Netflix, c'est vrai qu'on est ravis. Nous restons bien entendu ouverts à d'autres collaborations avec des plateformes, si le projet s'y prête bien sûr.

La diffusion en avant-première de certaines de vos fictions sur la plateforme française Salto ne nuit-elle pas trop à vos audiences ?

(Elle sourit.) Non, au contraire, ça fait fonctionner le bouche-à-oreille. C'est vertueux. Nous sommes souvent présents dans le top 10 de Salto. Et ça n'a empêché ni Gloria ni La Promesse de faire des cartons d'audience sur notre antenne.

Quelles séries vous plaisent sur les chaînes concurrentes ?

Je regarde énormément de séries (elle rit) et je ne m'en cache pas, j'aime beaucoup Le Bureau des légendes, mais aussi Un village français ou encore Fais pas ci, fais pas ça.

Yves Rénier nous a quittés le 24 avril dernier. Peut-on dire qu'il était un acteur emblématique de TF1 ?

Oui, nous avions des rapports privilégiés avec lui. Grâce à Commissaire Moulin bien entendu, mais également beaucoup d'autres fictions, comme Dolmen. Il avait aussi réalisé Jacqueline Sauvage et récemment encore La Traque [sur l'affaire Fourniret, NDLR]. Il était encore à l'antenne il y a quelques jours dans un épisode de Léo Mattéï. Nous sommes tristes. Avec son rire, son humour et ses prises de position, il va manquer au public.