Pas à pas, le spectateur va être amené à suivre sur de nombreuses années le travail tenace de l’enquêteur, s’obstinant à faire éclater la vérité sur la pollution mortelle due aux rejets toxiques de l’usine DuPont dans les eaux des campagnes au nord-est du pays, et à sensibiliser la population sur les effets des composés fabriqués par DuPont dans notre quotidien à partir du fameux Téflon contenu dans nos poêles et autres emballages alimentaires.
Le film décide de s’attarder d’abord sur le chaos grandissant dans une ville de Virginie occidentale à proximité d’une décharge de polluants chimiques (enfants aux dents noires, bétail couvert de lésions, taux de cancer anormalement élevé), puis de nous faire prendre conscience — en même temps que le personnage principal, au départ avocat-partisan de la défense des industries — des dérives honteuses du colosse chimique américain dont la priorité est la rentabilité au détriment de la santé publique. Dès lors, le héros de Dark Waters va irrémédiablement changer de camp et le thriller d’investigation judiciaire va pouvoir commencer.
Pour réaliser un des plus gros scandales sanitaires de l’histoire, Mark Ruffalo qui songeait seulement à produire le film sans y interpréter le personnage principal, a convaincu Todd Haynes, réputé pour son style chatoyant et raffiné (Loin du Paradis, Carol), pour trouver le bon éclairage à cette histoire.
@naimeiyao @ketzal That's the thing. I *would*, but it would still be so terrible, awful, and traumatizing. They do… https://t.co/TPUeCFMbF4
— Sarah 🦎 Anne ('Newt') 🌈 ❤️💜💙 Mon Jul 29 03:43:01 +0000 2019
Résultat : un parti pris pour la sobriété, des décors aux tonalités exagérément grisâtres et des personnages secondaires systématiquement inexploités (dommage pour Tim Robbins ou encore Anne Hathaway, épouse du héros cantonnée en parfaite mère de famille), au profit du récit strict et de l’évolution de l’enquête riche en péripéties alimentées par les pratiques frauduleuses de DuPont, menée par l’avocat humaniste au grand cœur.
Sur le thème des abus de pouvoir, on songe inévitablement à d’autres films de dénonciation (les Hommes du Président de Pakula, Révélations de Michael Mann ou Erin Brockovich de Soderbergh sur les eaux polluantes il y a 20 ans déjà), et on se dit que Mark Ruffalo a peut-être gagné son pari en jouant sur sa notoriété pour faire réagir le grand public à la cause écologique (rappelons que ce dernier a fondé il y a 10 ans l’ONG Water Defense).
Cependant on peut déplorer, en dépit des efforts accomplis attestant d’un système corrompu, que le film ne soit pas tout à fait à la hauteur de son sujet quand l’épopée judiciaire autour de la figure de l’avocat aurait pu gagner en charge héroïque face au spectre de la corruption gouvernementale dont le caractère plus nuancé, et autrement menaçant sur le plan formel, aurait donné lieu à un climat de suspicion plus nuancé pendant le film et moins consensuel au final.
Scénario : Mario Correa et Matthew Michael Carnahan. Directeur de la photographie : Edward Lachman. Montage : Affonso Gonçalves. Costumes : Christopher Peterson. Musique : Marcelo Zarvos.
DuPont figure en 2016 au deuxième rang du Top 100 des pollueurs atmosphériques aux États-Unis, rapport publié par l’Institut de recherche en politique économique de l’Université du Massachusetts à Amhers.