• 20/05/2022
  • Par binternet
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Décès du styliste de mode Alber Elbaz<

Une épaule dénudée, une corolle soyeuse aux mille plis ondoyants : à la fois sophistiquée et simple, la longue robe du rouge le plus ardent témoigne du style Elbaz. Créé en 2011 pour la maison Lanvin dont il fut le directeur artistique pendant près de 15 ans, ce modèle affiche la griffe du styliste, gracieuse, éclatante, d’une incroyable féminité.

Né à Casablanca le 12 juin 1961, Alber Elbaz grandit dans la banlieue de Tel-Aviv. Il connaîtra peu son père qui meurt alors qu’il est encore tout jeune. La famille ne roule pas sur l’or : pour nourrir ses cinq enfants, sa mère est employée dans un restaurant. Mais, pratiquant la peinture, elle transmet son amour pour la beauté à son fils qui, tout petit, imagine et dessine des robes de rêve et, peut-être déjà, les femmes sublimes qui les porteront…

Laroche, Saint-Laurent, Lanvin

Sa carrière commence auprès de l’Américain Geoffrey Beene à New York, avant que Guy Laroche ne l’engage. Comme un prélude à une étape complexe et décisive : il reprend la direction de la collection de prêt-à-porter féminin d’Yves Saint Laurent en 1998. Mais en 2000, il quitte l’entreprise pour mésentente et s’offre, entre besoin de se ressourcer et véritable spleen, une année sabbatique. Son retour n’en est que plus percutant en 2001 quand il signe chez Lanvin, que vient de racheter à L’Oréal la femme d’affaires taïwanaise Shaw-Lan Wang, pour ce qui se révélera un long et fructueux compagnonnage.

La vénérable institution fondée en 1889 par Jeanne Lanvin a besoin de retrouver souffle et inventivité. Alber Elbaz en est le maître d’œuvre, offrant aux femmes un juste milieu idéal entre perfection et fantaisie, fluidité et noblesse des coupes et des textures. En témoignent, par exemple, en 2013, ces blouses fluides semées de motifs rebrodés tels de précieux joyaux : papillons, feuilles et fleurs. Mais aussi ces robes, courtes ou longues, dont l’architecture très graphique s’enrichit de surprenants bouillonnés ou de volants virevoltants.

Décès du styliste de mode Alber Elbaz

Sa palette se fait tantôt voluptueuse, osant les roses ardents et les verts printaniers, tantôt plus sobre, jouant avec les mille et une variations de gris et de bleus sombres que magnifie la lumière des podiums. Ce gourmand de bonne cuisine, ce que trahissait sa ronde silhouette, est fêté par la critique spécialisée et les clientes fortunées.

Coup dur et nouveau départ

Toutefois les belles et longues histoires ont une fin et Alber Elbaz, en désaccord avec sa direction, est évincé en 2015. Un coup très dur pour le créateur qui, comme il le confiera plus tard, affronte le vide et la dépression. Quelques collaborations, en particulier dans le secteur des accessoires, occupent vaguement son temps et son talent. C’est fin 2019 qu’il s’associe cependant avec le groupe suisse Richemont afin de lancer sa propre griffe AZ Factory, qu’il veut « fonctionnelle et convenant à tout le monde ». Un nouveau départ, loin de la haute couture, ancré dans la marche du temps, les nouvelles technologies : voici « une marque de luxe 100 % digitale, basée sur l’innovation et la technologie, mais avant tout, un lieu où faire des expériences et essayer de nouvelles idées », déclarait Alber Elbaz lors du lancement de sa marque.

→ ARCHIVE. Jeanne Lanvin en majesté

Il la présente comme le creuset d’une mode « démocratique » adaptée à toutes les femmes de toutes silhouettes et de toutes générations. Quant aux prix, si certains s’envolent haut (robes autour de mille euros), d’autres flirtent avec le raisonnable. Pour autant, le créateur y décline toujours son immense talent. Comme avec ce blazer à double boutonnage au dessin épuré ou, mieux encore, cette époustouflante jupe « Duchesse ». Qui sait si son esquisse ne figurait pas déjà sur les carnets prémonitoires du petit Alber ?