Avec sa collection Alta Sartoria, Dolce & Gabbana se lance dans la haute couture masculine.
Par Fabrice LéonardEn ce samedi matin de janvier, un ballet incessant de limousines déposait des invités devant le théâtre de la Scala de Milan. La raison de cette effervescence ? La première d'un opéra de Verdi ? Non, mais pas loin. Dolce & Gabbana avaient convié plus de 300 personnes à assister au défilé de la collection haute couture Alta Sartoria, exclusivement destinée aux hommes. Une collection inspirée des œuvres de Verdi, de l'allure du compositeur et des costumes de ses opéras.
Expression maximale
Cette ligne, lancée en janvier 2015, est née « parce que les époux de nos clientes haute couture nous demandaient les mêmes services et la même exclusivité, mais au masculin », expliquent Domenico Dolce et Stefano Gabbana. « Le sur-mesure a toujours été une facette importante de notre griffe. Alta Sartoria est l'expression maximale de ce savoir-faire unique. »
Mais qui sont leurs clients ? Des hommes plutôt jeunes, en provenance d'Asie, d'Amérique, du Brésil ou du Moyen-Orient, qui font extrêmement attention à leur physique et à leur garde-robe. Aussi – voire plus – élégants que les épouses ou compagnes qui ont assisté quelques jours auparavant au défilé Alta Moda du duo de designers milanais, ils portent une attention extrême à leur look. « C'est une clientèle avertie qui recherche des vêtements avec un style, qui s'habille avant tout pour son plaisir personnel et craque sur-le-champ », explique Stefano Gabbana.
i despise the way our culture considers the traits of the disaffected, distant (traumatized) loner to be "cool". yo… https://t.co/if2YQL4A3r
— anna phylaxis Wed Sep 23 15:24:55 +0000 2020
Pièces d'exception
À peine le déjeuner qui a suivi le défilé est-il terminé qu'une dizaine de clients accompagnés de leurs épouses se pressaient déjà dans les salons Alta Sartoria – au sein desquels officie une équipe de 10 personnes et de 25 tailleurs – afin de choisir et d'essayer les tenues vues quelques heures plus tôt sur la scène de la Scala. Sans doute pour avoir la primeur de réserver certains modèles qui ne pourront être proposés au prochain client… Ici, la même politique que celle pour la haute couture féminine est appliquée. Les deux designers italiens ont même donné la consigne à leur équipe Alta Sartoria de présenter les modèles un à un sur un portant, et non sur une tablette électronique. Histoire de souligner la confection entièrement artisanale de ces pièces d'exception, ils ont également exigé que les commandes soient prises au stylo à plume. Et non plus à l'aide d'un outil informatique.
Le temps ne s'achète pas
Au milieu des portants, un homme d'affaires asiatique, un magnat russe des métaux ou encore un businessman à la silhouette musclée font leur shopping en toute tranquillité. Faisant leur choix accompagnés de leur vendeur attitré et d'un tailleur maison, ils hésitent entre un costume croisé en draperie rayée tennis, un manteau long en cachemire double face gansé de velours, une veste en soie frappée et entièrement rebrodée de décors et volutes réalisés en fils d'or, une veste d'apparat à boutons et brandebourgs dorés bordée de fourrure, un sweat-shirt entièrement couvert de sequins couleur or mat sur lequel se rajoutent des dessins. Sans oublier les vestes de smoking à col châle en patchwork de soie sauvage, un frac ou encore un ensemble pyjama et robe de chambre en soie imprimée de textes d'opéra ou du blason du théâtre de la Scala, qui se porte plutôt dehors que dans la chambre. Ces hommes pressés devront tout de même attendre entre huit semaines et deux mois et demi pour que le costume de leurs rêves soit livré à leur domicile. Preuve que la seule chose que l'argent ne peut pas acheter, c'est le temps.