Cette chronique est sans spoilers majeurs.
Pour la première fois au cinéma, Spider-Man, le « héros sympa du quartier », est démasqué et ne peut désormais plus séparer sa vie normale de ses lourdes responsabilités de super-héros. Quand il demande de l’aide au magicien Doctor Strange (Benedict Cumberbatch, impeccable) les enjeux deviennent encore plus dangereux, le forçant à découvrir ce qu’être l’homme araignée signifie véritablement…
Pour clôturer cette nouvelle trilogie (sûrement pas la dernière), Sony et le Marvel Cinematic Universe font s’entrechoquer les univers et piochent dans le temps et les époques. Ce n’est plus une surprise, comme dévoilé dans les nombreux trailers et spots télévisés, Spider-Man doit affronter ses ennemis ancestraux, venus des deux précédentes séries de films ; la première, datant du début des années 2000 et menée par Sam Raimi, est représentée par Docteur Octopus (Alfred Molina), le Bouffon Vert (Willem Dafoe) et l’Homme Sable ; la seconde, celle de Marc Webb, par le Lézard et Electro (Jamie Foxx)… Cinq ennemis débarqués malgré eux dans le monde post-Thanos, où les Avengers n’existent (presque) plus (Endgame, 2019) et où l’homme araignée est démasqué par un ultime coup de maître signé Mysterio (Far From Home, 2019). Vous l’aurez compris, cette trilogie Spider-Man n’est pas destinée au public inculte du MCU – pour en comprendre les enjeux et les personnages, il faut avoir vu les précédents films, même ceux où il apparait furtivement. On a là le génie de l’adaptation de comics et de Marvel : avoir réussi à bâtir une longue, très longue franchise cinématographique, où chaque long-métrage est un épisode, tout en gardant, parfois avec peine et peu de cohérence, une ligne directrice.
© Marvel
Ceci étant dit, Spider-Man: No Way Home est probablement le produit le plus attendu du MCU et à la fois le plus redouté. En témoigne les chiffres astronomiques de sa première semaine d’exploitation au cinéma : le plus gros score depuis le début de la pandémie. Une réussite monstre, mais pour quelles raisons ? L’excitation, d’une part, de (re)voir des personnages cultes du catalogue de Spidey, rassemblés comme un pot pourri de références et de clins d’œil, toujours avec un humour qui ne plaira évidemment pas à tout le monde. D’autre part, le fruit des nombreuses spéculations et rumeurs autour d’un trio de tête fantasmé : les trois Spider-Men, réunis dans un même film.
No Way Home fait la synthèse de près de vingt ans d’aventures au cinéma, en prenant le chemin du multiverse, thème principal de la Phase 4 du MCU. Les 2h30 du film sont irrégulièrement rythmées de moments spectaculaires et un peu balourds où Marvel assume l’utilisation de la magie comme un outil pour trafiquer et faire un peu près… tout. Pour parvenir à cette grande réunion de personnages iconiques, propriétés de différents studios (l’enjeu juridico-financier derrière est vertigineux) l’association Sony/Disney fait passer ses choix pour des prises de risques alors qu’il s’agit en réalité de solutions de facilités, maquillées avec brio. Spider-Man: No Way Home est un divertissement indéniable, à l’énergie folle, mais la forme plutôt insipide accompagne un scénario qui ne relève que du fan-service. En soit, où est le mal ? Après une première trilogie culte et deux films The Amazing Spider-Man peu convaincants, le MCU veut gâter les fans et essaie une nouvelle approche en proposant, en quelque sorte, une nouvelle origin storyde l’homme araignée. Et elle est passionnante : les Avengers n’étaient qu’un début, il a désormais sa propre histoire à (ré)écrire.
Spider-Man: No Way Home, réalisé par Jon Watts, avec Tom Holland, Zendaya, Benedict Cumberbatch, à voir en salles depuis le 15 décembre 2021. Retrouvez toutes les séances par ici.
Samuel Regnard