partages
Plus de deux siècles après son apparition, le Bollenhut continue à symboliser la Forêt-Noire et l'Allemagne toute entière partout dans le monde. Pourtant, ce chapeau à pompons rouges ou noirs n'est réellement porté que dans trois villages. Deux femmes le fabriquent toujours, à la main.
Par Noémie Gaschy
Gabriele Aberle est l'une des deux dernières femmes à fabriquer le Bollenhut, chez elle, à Gutach, dans sa maison typique de la Forêt-Noire, vieille de plus de 400 ans. A peine le seuil de la porte franchi, les premiers chapeaux à pompons, tantôt rouges, tantôt noirs apparaissent, accrochés au mur. Assise à la table de la même pièce, Gabriele Aberle s'affaire, ses ciseaux à la main : elle coupe, ajuste et recoupe jusqu'à obtenir 14 boules, certaines plutôt rondes, d'autres ovales qu'elle cout ensuite sur un chapeau de paille enduit de plâtre pour supporter le poids de l'ornement. Elle utilise environ deux kilogrammes de laine de mouton pour un Bollenhut et consacre une semaine de travail à chaque pièce. L'ancienne employée de banque sait placer les 14 pompons exactement là où il le faut, au millimètre près.
Sa famille a sauvé le Bollenhut de la disparition
Un savoir et un savoir-faire hérités de sa mère et sa grand-mère, elles aussi attachées à la tradition de ce chapeau à pompons et qui lui ont permis de survivre. "La dernière dame qui faisait le Bollenhut à Gutach est décédée en emportant sa science avec elle, dans son cercueil. Il n'y avait donc plus personne pour le fabriquer, nulle part. Mon grand-père est allé à la cérémonie des vœux à Fribourg, en 1950 ; là-bas, on savait que le chapeau pourrait être une belle publicité pour la région, donc on l'a missionné de trouver quelqu'un pour reprendre la fabrication. Il est rentré chez ma grand-mère et lui a dit de le faire", confie Gabriele Aberle, le sourire aux lèvres, pour détailler son histoire. Elle est donc la troisième génération de la famille à sauver ce patrimoine, elle dont les parents ne sont pas paysans alors que le costume et le Bollenhut ne pouvaient à l'origine être portés que dans les fermes, le dimanche. Mais les choses avaient déjà évolué au temps de l'enfance de Gabriele Aberle. Elle a grandi avec le chapeau. "Les filles ont une simple coiffe sur la tête jusqu'à la confirmation, explique-t-elle. Puis, à partir de ce jour-là, elles portent le chapeau avec des pompons rouges jusqu'au jour de leur mariage, où elles doivent passer au chapeau noir".
Le Bollenhut n'est porté que dans trois villages
Une coutume qui n'existe en fait que dans trois villages de la vallée de la Kinzig : Gutach, Kirnbach et Hornberg-Reichenbach, des villages protestants. Pourtant, le Bollenhut est devenu le symbole de la Forêt-Noire et même de toute l'Allemagne, notamment grâce au film "Schwarzwaldmädel", diffusé au-delà des frontières du pays en 1952 et où l'actrice principale était habillée du costume avec ce chapeau. Elle incarnait le monde idéal en Forêt-Noire. Cette exposition aux yeux du monde assure aujourd'hui encore la bonne santé du Bollenhut, utilisé à tout-va dans les publicités ou dans l'art mais Gabriele Aberle et les garants de la tradition se battent contre certaines dérives. Elle n'accepte par exemple, en général, de confectionner un couvre-chef que pour les filles ou dames des trois villages historiquement liés au Bollenhut, à condition qu'elles possèdent le costume qui lui correspond. L'omniprésence du Bollenhut a, selon elle, des conséquences négatives sur les autres costumes traditionnels : "dans l'art, pour des photos ou des tableaux, on associe par exemple le chapeau à d'autres costumes, sans respecter la réalité et sans savoir de quel costume il s'agit. C'est dommage car il y a une telle diversité, plus de 120 costumes, et ils sont tous beaux".