Une start-up répond toujours à un problème. « Pour le déceler, il faut être proche du domaine dans lequel on va entreprendre. Que ce soit par son travail, sa famille ou sa passion », affirme Romain Cochet, directeur du programme d'accélération de Numa Paris.
Un conseil suivi par Florence Herry, cofondatrice de Libhéros. Avant de lancer sa start-up en mai 2015, elle est infirmière à l'Institut Curie. La jeune femme y décèle un manque de suivi de ses patients à la sortie de l'hôpital. Elle imagine alors une plate-forme pour mettre en relation des professionnels de la santé avec des particuliers et, ainsi, organiser des soins à domicile.
La connaissance du milieu hospitalier a été un réel avantage dans sa création d'entreprise. « Je sais comment les services sont structurés, à qui présenter le projet, je connais le langage médical, mais aussi les termes à utiliser. On ne dira jamais 'client' mais 'patient' par exemple. Ces détails font toute la différence », assure-t-elle. Armée de cette crédibilité, Florence Herry réalise deux levées de fonds dont1,1 million d'euros en juillet dernier auprès d'investisseurs privés et du fonds Aliad.
La passion pour son métier, sorte d'hypercompétence, est également utile dans le recrutement et le management. « La passion est le meilleur moteur d'inspiration pour les équipes, assure Romain Cochet. Entreprendre, c'est un marathon, il faut avoir ça au fond de soi pour qu'on vous suive ».
Pour Arnaud Faure, le déclic entrepreneurial vient de son épouse. Début 2014, il découvre qu'elle est allergique au gluten. A l'époque, trouver un restaurant vegan relève de la gageure. Salarié depuis 12 ans chez Volkswagen, il quitte son emploi pour ouvrir un restaurant vegan à Lyon.
Ce professionnel du marketing débute alors une formation « Créer et diriger son restaurant » àl'Institut Bocuse . Trois mois de cours intensifs qui lui confèrent un gage de crédibilité, notamment auprès des banques pour obtenir un prêt.
La pratique est facultative mais Arnaud Faure tient à apprendre à cuisiner. « On a une vision plus affûtée du travail de son chef, on peut lui parler plus professionnellement. Et puis il est risqué de faire 100 % confiance aux autres », explique l'entrepreneur.
Un pari gagnant : en décembre 2015, le Five ouvrait ses portes. Depuis, le restaurateur a embauché trois salariés et sert 20 à 30 couverts par jour. Il veille cependant à ne pas « se reposer sur ses lauriers » malgré son programme de reconversion et sa connaissance pointue de la gastronomie. « Il ne faut jamais s'ancrer dans ses habitudes », souligne le jeune chef.
Attention également à « s'entourer le plus vite possible d'experts dans les domaines qu'on ne maîtrise pas », conseille Romain Cochet.
Une problématique à laquelle s'est confrontée Florence Herry. « Quand on vient du soin, on ne considère pas la santé comme un produit commercial », raconte l'infirmière. « J'ai eu de la chance d'être entourée d'amis entrepreneurs qui m'ont poussé à me lancer ».
Elle se nourrit de leurs connaissances en management et en finance pour affiner son projet. Elle finit même par s'associer avec un proche, Jean-Christophe Klein, diplômé de l'Essec. Un binôme efficace Libhéros emploie déjà une équipe de 15 personnes et recense plus de 400 professionnels de santé.
Cadre, lui aussi dans la santé, Ganesh Mamodaly n'a pas trouvé son inspiration dans le milieu médical. Lorsqu'il quitte son costume de responsable des relations professionnelles du laboratoire Amgen, ce trentenaire chausse les crampons de la start-up Business League. Avec un collègue de son laboratoire, Saber Daassi, il organise des matchs de football interentreprises.
« Je joue au foot depuis que je peux courir derrière un ballon. Avec Saber, on a eu envie de faire des matchs contre d'autres entreprises. Quand on a vu le succès que ça engendrait, on s'est ouvert à d'autres secteurs et on a lancé notre activité sur le tas, en septembre 2013 », se souvient Ganesh Mamodaly. Les deux cofondateurs ont recruté un responsable commercial et organisent désormais 800 matchs par an pour une centaine d'entreprises : BNP Paribas, L'Equipe, Allianz…
« J'ai eu la chance de pouvoir créer cette start-up qui allie business et passion. Je me couche à 3 heures du matin, mais ce n'est pas une contrainte. Je ne sens pas l'investissement ni en temps ni en énergie », assure Ganesh Mamodaly.
Selon l'entrepreneur, sa passion serait aussi une source d'inspiration pour imaginer de nouveaux services. « On sait ce que les passionnés de foot veulent. Résultat on offre à nos clients ce qu'ils attendent sans même qu'ils le sachent. Business League propose ainsi des interviews d'après-match, des maillots personnalisés, et même un capteur placé derrière la cuisse du joueur pour enregistrer ses performances physiques.
Mais à vouloir endosser si facilement le maillot de leurs clients, les deux entrepreneurs oublient que tout le monde n'est pas aussi fan qu'eux. L'augmentation du prix de leur package (2.999 euros HT) est ainsi critiquée par certaines entreprises qui se passeraient bien, par exemple, d'un capteur sur la jambe de leurs joueurs.
« Il faut réfléchir d'un point de vue business avant de lancer de nouveaux services. Ne pas se laisser aller dans sa passion sans en contrôler les conséquences économiques », analyse a posteriori Ganesh Mamodaly.
Toutefois, comme tempère Romain Cochet « Il est plus facile de gagner en froideur entrepreneuriale que de s'inventer une passion ». Selon le directeur du programme d'accélération de Numa Paris, les entrepreneurs passionnés « se sentent investis d'une mission » et « se projettent à long terme », deux clefs principales de la réussite.
@APetitdemange