En attendant de faire découvrir ses propres productions en 2019, Netflix propose un catalogue d’au moins 150 films indiens. Massala, films d’auteur ou saga historique, voici nos recommandations, par ordre chronologique.
“Dil Se”, de Mani Ratnam (1998)
Dil Se est le troisième volet d’une trilogie consacrée au terrorisme. Ce film a rencontré un immense succès à l’étranger, notamment grâce à la musique d’Allah Rakha Rahman et aux chansons mêlant hindi de tous les jours et vocabulaire recherché et poétique emprunté à l’ourdou. L’histoire relate un amour impossible : celui d’Amar, un journaliste radio, et de Meghna, une terroriste originaire du Cachemire. Plus de vingt ans après sa sortie en salles, alors que l’Inde et le Pakistan se sont affrontés militairement (après une attaque terroriste ayant tué 46 paramilitaires indiens au Cachemire le 14 février 2019), Dil Se est toujours d’actualité. Notez que la chanson Chhaiya Chhaiya, tournée sur le toit d’un train en marche et inspirée par la poésie soufie, est une des chansons de film les plus appréciées en Inde.
“Kaho Naa… Pyaar Hai”, de Rakesh Roshan (2000)
Cette grosse production bollywoodienne, qui rencontra un énorme succès au box-office, est un « vrai » film massala, c’est-à-dire une comédie romantique familiale avec des scènes d’action et du comique. Bref, il y en a pour tous les goûts ! Kaho Naa… Pyaar Hai est le tout premier film de Hrithik Roshan, qui allait devenir une superstar. A voir, si on aime cet acteur… ou pour découvrir un Bollywood typique. Comme de nombreux films depuis vingt-cinq ans, Kaho Naa… Pyaar Hai s’adresse aussi à la diaspora indienne, qui fréquente assidument les salles obscures et gonfle considérablement les revenus des studios de Bombay. Un des personnages vit en Nouvelle-Zélande, où résident environ 200 000 Indiens et personnes d’origine indienne.
“Lagaan”, d’Ashutosh Gowariker (2001)
Vous ne connaissez pas le cricket ou n’y comprenez tout simplement rien ? Qu’à cela ne tienne ! Lagaan vous réconciliera peut-être avec ce sport particulièrement populaire dans toute l’Asie du Sud. Le film se déroule dans un petit village de la province de Champaner à l’époque de la colonisation britannique. Ecrasés par des impôts injustes (le « lagaan ») et souffrant sous le joug de l’antipathique capitaine Russell, les villageois menés par Bhuvan, joué par l’acteur Aamir Khan, acceptent un marché avec les colons : s’ils gagnent un match de cricket, l’impôt ne sera pas prélevé. Les Indiens, qui ne connaissent pas ce sport venu de l’étranger, s’y initient avec les moyens du bord… Le film fut un très gros succès à l’étranger, mais attention, il dure tout de même près de quatre heures (3h44) !
“Asoka”, de Santosh Sivan (2001)
Asoka (ou Ashoka) fut le troisième empereur de la dynastie Maurya. Il régna trente-sept ans au troisième siècle avant notre ère. Converti au bouddhisme, il est le premier à avoir unifié une grande partie de l’Inde d’aujourd’hui. Son empire allait de l’actuel Afghanistan, à l’ouest, jusqu’au Bengale, à l’est, et couvrait du nord au sud un territoire étendu de l’Himalaya jusqu’au Karnataka. Une partie de son sceau, plus précisément la roue du dharma, figure aujourd’hui sur le drapeau indien. Cette grosse production est une version (très) romancée de la vie de ce personnage historique, incarné à l’écran par la superstar Shahrukh Khan.
“Paheli”, d’Amol Palekar (2005)
Paheli est à la fois une comédie romantique en costume traditionnel et une fable. L’intrigue se déroule dans une grande et riche demeure du Rajasthan, au sein d’une famille de commerçants, à une époque lointaine et indéterminée. Paheli est le nom d’un fantôme – gentil, pas d’inquiétude, et très amoureux –qui prend l’apparence du mari de Lachchi, parti pour cinq ans après ses noces, afin de séduire la jeune femme esseulée. Le stratagème fonctionne à merveille… jusqu’au retour inévitable du mari. Tout se finit heureusement bien. Les femmes portent des saris magnifiques, les hommes sont enturbannés et l’action se déroule sur fond de désert rajpoute et de puits traditionnels.
“Rang De Basanti”, de Rakeysh Omprakash Mehra (2006)
Rang De Basanti raconte les aventures d’une bande d’étudiants qui jouent une reconstitution historique de la lutte indépendantiste durant la journée et font la fête le reste du temps. Rang De Basanti est très populaire chez les « millenials ». Cette génération, arrivée à l’âge adulte au tournant du XXIe siècle, est à la fois farouchement nationaliste et totalement désabusée par la corruption de la classe politique indienne. Comment croire aux idéaux qui ont présidé à la naissance de la république indienne dans ce contexte ? C’est à cette question que tente de répondre Rang De Basanti.
“Taare Zameen Par”, d’Aamir Khan (Like stars on Earth, 2007)
Salué par la critique, Taare Zameen Par a été sélectionné pour représenter l’Inde aux Oscars. Ce film produit et réalisé par la star Aamir Khan est un film d’auteur, sans chansons chorégraphiées. Il évoque la souffrance d’Ishaan, garçon dyslexique de 8 ans incompris par sa famille. Envoyé en pension, coupé de ses proches, il souffre terriblement jusqu’à ce que «Nikumbh Sir », un professeur de dessin, entre dans sa vie. De très belles interprétations au service d’une cause encore très méconnue et mal comprise en Inde. Le 2 mars 2019, le Premier ministre, Narendra Modi, s’est par exemple publiquement moqué des dyslexiques. Trop occupé par la politique, peut-être n’avait-il pas vu Taare Zameen Par ?
“Raajneeti”, de Prakash Jha (2010)
Un casting d’enfer pour un film consacré à la politique indienne et à la corruption. Les personnages se veulent complètement fictifs mais on reconnaît aisément Sonia Gandhi, la présidente du parti du Congrès. A sa sortie, cela avait valu au film les foudres du gouvernement, à l’époque dirigé par le Congrès. Un film qui fait rimer politique avec corruption, populisme, meurtres et intrigues… à voir, au moment où la plus grande démocratie du monde s’apprête à se rendre aux urnes en avril et mai 2019 pour élire son prochain gouvernement.
“Manto”, de Nandita Das (2018)
Biopic consacré au grand écrivain indo-pakistanais Saadat Hasan Manto, ce film est écrit et réalisé par l’actrice engagée Nandita Das. L’action, entrecoupée de récits écrits par Manto lui-même, se déroule à Bombay en 1946, un an avant l’indépendance de l’Inde, et à Lahore, de l’autre côté de la frontière, en 1948, un an après la création du Pakistan. Manto a été sélectionné dans la catégorie Un certain regard au Festival de Cannes en 2018 et a connu un succès critique notable.
“Firebrand”, d’Aruna Raje (2019)
Firebrand est un film régional indépendant tourné principalement en langue marathi (langue de l’Etat du Maharashtra, dont Bombay est la capitale). Diffusé uniquement sur Netflix, il aborde, à travers le personnage de l’avocate Sunanda Raut, les rapports femmes-hommes, la question du divorce, du viol, des violences conjugales. Produit et réalisé par deux femmes, respectivement Priyanka Chopra et Aruna Raje, ce film se veut féministe. Les hommes y ont tout de même le (trop) beau rôle, mais la performance d’Usha Jadhav dans le rôle de Sundanda est à saluer. Firebrand illustre à la fois la vague de films indiens consacrés aux droits des femmes depuis quelques années et la volonté de Netflix de conquérir le marché indien en 2019 avec ses propres productions.
Priyanka Chopra : “‘Quantico’ casse les stéréotypes”EntretienPierre Langlais