• 01/04/2022
  • Par binternet
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Tout s’est bien passé - François Ozon - critique + test DVD<

Critique : Après Grâce à Dieu, qui soulevait le voile de la pédophilie au sein de l’Église catholique, François Ozon adapte le livre de son amie Emmanuèle Bernheim et aborde un autre fait de société : celui de l’euthanasie, interdite dans notre pays, mais autorisée chez certains de nos voisins, la Suisse entre autres.Pour rendre supportable ce sujet douloureux qui en effraiera plus d’un, il fallait bien toute la délicatesse de ce réalisateur éclectique et curieux. Il s’extirpe volontairement du contexte politique et privilégie le prisme familial, tout particulièrement celui de la relation d’une fille (Sophie Marceau) blessée et d’un père (André Dussollier) facétieux et tyrannique. Une manière d’éviter tout débat éthique, pour renvoyer chacun à des questions personnelles sur son rapport à la mort.

Copyright Carole Bethuel/Mandarin Prod. Foz

Certes, les premières scènes d’un réalisme déroutant peuvent laisser craindre un huis clos sur l’univers hospitalier et la maladie. Mais très vite, la vie reprend le dessus. D’ailleurs, si André Bernheim veut mourir, c’est parce qu’il aime l’existence et ne peut plus en jouir comme il l’entend. Profitant du moindre interstice pour glisser dans son récit dérision et humour, Ozon tourne le dos à toute forme de pathos et réussit le miracle de transformer une œuvre consacrée à la mort en un acte de vie.Emmanuèle est à sa table de travail quand elle reçoit un appel téléphonique. Son père vient d’être victime d’un AVC. Pendant qu’elle court vers l’hôpital, se bousculent dans sa tête des pensées troubles et contradictoires à l’égard de ce géniteur fortuné et cynique, brillant et autoritaire, qui s’est marié par convenance bourgeoise, a navigué habilement entre homosexualité et vie de famille et entretenu des rapports ambigus avec les femmes de sa vie, tant sa femme (Charlotte Rampling) que ses filles (Sophie Marceau et Géraldine Pailhas). Emmanuèle, sa fille préférée, n’a jamais été épargnée ni par ses sarcasmes, ni par ses névroses (de nombreux flash-back nous donnent l’ampleur de sa froideur). C’est donc à elle qu’il confie son désir de mort qui marque le début de ce récit très intime.

Copyright Carole Bethuel/Mandarin Prod. Foz

La réalisation d’une simplicité assumée tient à distance toute morbidité pour laisser éclater l’humanité de personnages, pris dans le tourbillon de non-dits, relations inavouées et déséquilibres familiaux. Si Sophie Marceau, entre doute et détermination, tient ici l’un des plus beaux rôles qu’elle nous ait offerts depuis longtemps, c’est la prestation époustouflante d’André Dussollier qui force l’admiration. Il nous communique sans peine son plaisir à se glisser dans la peau de ce vieil homme indigne, a priori peu sympathique qui, malgré son visage figé et son élocution laborieuse, conserve encore assez de vivacité pour dédramatiser la situation à grands coups de traits caustiques et humoristiques. Histoire de ne jamais sombrer dans le mélodrame, la fin s’autorise même à instiller quelques gouttes de suspense.Un film émouvant et digne, qui ne manquera sans doute pas de créer la polémique tant sur le fond que sur la forme, mais a l’avantage d’ouvrir la réflexion, sans jamais prendre parti autour d’un thème universel, risquant de s’inviter de plus en plus souvent dans nos sociétés modernes.

Le test du DVD

Tout s’est bien passé - François Ozon - critique + test DVD

Image : L’éclairage s’est adapté à merveille à un faisceau très large de lieux : milieu hospitalier, domiciles familiaux, scènes en extérieur, etc.

Son : Pascale s’occupe d’un festival de musique classique : cela se ressent dans le choix des morceaux ou mouvements appropriés.

Compléments :Les compléments sont légion et éclairent le spectateur sur ce film au sujet âpre de prime abord :

Entretien avec François Ozon :Nous le citons : "Je voulais faire un film sur la vie alors que c’est un film qui parle de la mort." Il ajoute : "C’est l’histoire d’un homme qui veut mourir alors qu’il aime la vie." François Ozon souligne la complicité voulue et développée entre les deux sœurs. Il met l’accent sur le rôle de composition réussi d’André Dussolier avec sa paralysie faciale. Il concède qu’il y a un "contraste entre la noirceur de la situation et légèreté du père". La difficulté d’aider ses parents à mourir est un poids énorme pesant sur les épaules enfants. Il confirme que le titre "reflète bien l’esprit du film."

Entretien avec les comédiens : L’évocation unanime d’Emmanuèle Bernheim (1955-2017), autrice de Tout s’est bien passé, est à retenir. En effet, elle avait elle-même aidé son père à mourir. L’entente fusionnelle entre les deux sœurs passe beaucoup par le toucher. André Dussollier avoue toujours prendre plaisir à travailler avec de nouveaux comédiens. Notons que François Ozon, réalisateur pressé, est réputé pour diriger dans l’urgence. Les effets spéciaux sont mis en avant, notamment la création du visage paralysé nécessitant beaucoup de prothèses et prenant des heures.

Scènes coupées

Essais lumière et costumes

Projets d’affiches

Claude de Soria, Sculpteur (documentaire de Michelle Porte) en partenariat avec le Centre Georges Pompidou :Il nous permet de mieux comprendre le métier du personnage intrigant et dépressif de Claude campé par Charlotte Rampling.