Tribune. Je m’étonne de tant d’étonnements. Le #metoo politique, appelant à « écarter les auteurs de violences sexuelles et sexistes » de la vie politique [tribune parue dans Le Monde du 16 novembre] a enclenché une vague de stupéfaction qui traduit une dramatique incompréhension.
Lire aussi la tribune :Article réservé à nos abonnés« Nous, victimes de Nicolas Hulot et de PPDA, ne sommes pas les bourreaux, monsieur le Président de la République »Comment ignorer que notre culture politique favorise les passages à l’acte violents envers les femmes ? Déjà en 2011, les commentateurs se succédaient pour exprimer leur incrédulité devant l’affaire Dominique Strauss-Kahn. On s’en souvient, il n’y avait « pas mort d’homme » [selon l’ancien ministre Jack Lang], et si le patron du Fonds monétaire international avait « sauté une femme de chambre, ça ne nous regard[ait] pas » [d’après le journaliste Olivier Mazerolle]. Comme je l’avais vigoureusement dénoncé, l’invisible victime, Nafissatou Diallo, n’avait droit à aucun mot de compassion, à de très rares expressions près. Dix ans plus tard, la déferlante #metoo étant passée par là, les femmes qui ont témoigné contre Nicolas Hulot reçoivent davantage de considération et d’empathie. Mais les expressions d’effarement sont toujours là, comme s’il était si difficile d’imaginer qu’un homme de pouvoir puisse ainsi violenter des femmes.
Nous devrions pourtant le savoir : héritage historique et pratiques culturelles nourrissent les violences sexuelles dans le monde politique. Contrairement aux idées reçues, le haut niveau d’éducation et d’intégration des codes bourgeois ne prémunit aucunement de la prédation sexiste. Le monde politique est même façonné par une symbolique et des codes sociaux qui tissent une toile de fond propice à l’oppression des femmes.
Autrefois parce qu’elles en étaient formellement exclues, aujourd’hui, puisque ce sont les hommes qui tiennent encore pour l’essentiel les rênes des appareils, des postes et des décisions, l’accès des femmes à la politique passe par leurs relations aux hommes. Ce rapport de dépendance est à la fois très concret et profondément ancré dans nos imaginaires. L’entre-soi masculin relève de la simple reproduction sociale et le costume du leader politique reste calibré pour la virilité. Posséder des femmes fait partie de la panoplie d’un homme de pouvoir digne de ce nom.
Bien placé pour nous rappeler les pesanteurs réactionnaires, Eric Zemmour écrit dans son dernier livre que « dans une société traditionnelle, l’appétit sexuel des hommes va de pair avec le pouvoir ; les femmes sont le but et le butin de tout homme doué qui aspire à grimper dans la société ». Et souvent, la domination d’un sexe sur l’autre se double de celle de l’âge de la maturité sur la jeunesse. La littérature regorge de récits en ce sens, et la réalité d’exemples concrets.
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