• 30/05/2022
  • Par binternet
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28 mars 1973 : sortie de "Houses of the Holy" de Led Zeppelin - 10 anecdotes - Rolling Stone<

Découvrez les coulisses de Houses of the Holy de Led Zeppelin, sorti le 28 mars 1973

« La clé de la longévité de Led Zeppelin a toujours résidé dans le changement, » proclamait Jimmy Page en 1975. Cette agitation sans fin envoûtera certains fans, en énervera d’autres, notamment ceux qui auraient préféré que le groupe se contente d’instrus.

Refusant de se laisser intimider par leur succès mondial, Led Zeppelin a suivi sa muse partout où elle les menait, allant jusqu’à expérimenter des genres peu familiers – comme sur le « D’Yer Mak’er » très reggae et le funky « The Crunge » – et en créant de nouveaux (pour preuve : l’inclassable « No Quarter ».) C’est le premier album de Led Zeppelin à être constitué exclusivement de contenus originaux. « Houses of the Holy a été créé pendant une période très inspirée, » se souvient Plant en 1991. « Nous avions beaucoup d’imagination pour cet album. »

1- « The Song Remains the Same » était initialement un titre instrumental appelé « The Overture »

L’album s’ouvre sur une procession triomphante menée par Page, digne du statut royal de Led Zeppelin. Le guitariste a construit la chanson comme une mini-suite complexe, faisant contraster de violents accords suspendus pour le moins ampoulés (une réminiscence de son « Tinker, Tailor, Soldier, Sailor » sorti en 1967 avec les Yardbirds) avec des éléments acoustiques plus délicats. Présenté au groupe sous le nom de « Worcester and Plumpton Races » – une référence aux propriétés de Page et Plant – « The Song Remains the Same » fait ses débuts pendant la tournée du groupe au Japon en octobre 1972, pendant laquelle la chanson se voit alternativement introduite sous les noms de « The Campaign », « The Overture » et parfois « Zep ».

Son nom définitif viendra des paroles écrites par Plant, inspirées par le temps passé par Led Zeppelin sur les routes. « A chaque fois que je chante [« The Song Remains the Same »], je me souviens que j’ai été partout dans le monde, et qu’à l’origine de tout cela, il y a un dénominateur commun, » expliquait-il à NME en 1973. « Ce dénominateur commun, c’est ce qui rend une chanson bonne ou mauvaise, qu’elle soit de Led Zeppelin ou d’Alice Cooper. »

2- George Harrison a inspiré « The Rain Song », après s’être plaint du répertoire du groupe.

George Harrison aura été un important soutien de Led Zeppelin, allant même jusqu’à faire une apparition surprise aux 25 ans de John Bonham en 1973 – fête durant laquelle il entarta l’intéressé. (Bonzo le fit tomber dans la piscine, en représailles.) Après l’un des concerts marathons de trois heures du groupe, à Los Angeles, un Harrison raisonnablement impressionné félicita chaleureusement Led Zep en coulisses. « Putain ! Avec les Beatles, on a fait 25 minutes, alors qu’on aurait pu ne durer que 15! »

Mais malgré tous ses compliments, celui que l’on surnomme le Beatle discret reste que Led Zep ne le soit pas un peu plus. George parlait à Bonzo un soir, et lui dit « Le problème avec vous, c’est que vous ne faites jamais de ballades, » rapporte Page au biographe Brad Tolinski. « Je lui ai dit : ‘Je vais te faire une ballade’, et j’ai écrit ‘Rain Song’ qui est sur Houses of the Holy. En fait, vous pouvez remarquer que je fais même référence à ‘Something’ dans les deux premiers accords du morceau. » Il travailla sur la chanson dans son studio de Plumpton, où l’on pouvait retrouver notamment l’unité Pye Mobile utilisée pour l’enregistrement de Live at Leeds des Who en 1970. Conscient que cette composition ne rendait pas pleinement hommage au pedigree hard rock de la console, il lui donna le nom de travail sarcastique de « Slush ».

Pour Plant, qui contribuera aux paroles, « The Rain Song » exemplifie sa production éthérée, signature de son travail avec Page. « ‘The Rain Song’ est né d’une sorte d’inspiration que j’avais. Le matin suivant, je gribouillais tout ça. Si je l’avais fait le jour d’après, cela n’aurait pas été aussi bien. » Il gardera une fierté intacte vis-à-vis du titre au fil des années, le citant comme l’un de ses préférés lors d’une interview en 2005. « Je dirais que c’est sur ‘Rain Song’ que je sonne le mieux. J’avais atteint un point où je savais que pour être bon, je devais ne pas me répéter. Les cris aigus devenaient ma carte de visite. »

3- Le groupe désigne Eddie Kramer ingénieur en chef, malgré une dispute assez sévère au sujet de la nourriture indienne.

Si Page est nommément désigné comme le producteur de tous les albums du groupe, son partenariat avec l’ingénieur Eddie Krammer sur Led Zeppelin II en 1969 avait aidé à forger l’un des composants cruciaux du son du groupe. Mais leurs relations devinrent plus difficiles après les sessions de Led Zeppelin III, l’année suivante.

« Avec Zeppelin, tout commença à devenir un combat, parce qu’ils commentèrent à venir en studio avec la grosse tête, » se souvient Kramer en 2003. Les choses atteignent le point de non-retour au Electric Lady – le laboratoire créatif qu’il avait créé avec Jimi Hendrix – quand Zeppelin détruisit le studio de la façon la moins rock and roll possible. « Le groupe avait commandé de la nourriture indienne, et une grosse partie de leurs plats est tombée par terre, » explique Kramer. « J’ai demandé aux roadies de nettoyer. Le studio était tout neuf et j’en étais très fier. Soudain, [Led Zeppelin] se met à hurler ‘Tu ne dis pas à nos roadies ce qu’il faut faire !’ Et ils se sont tirés ; ils sont partis ; et je ne leur ai pas parlé pendant environ un an ! »

Kramer ne faisait pas partie de l’enregistrement de Led Zeppelin IV, mais alors qu’il commence à travailler sur leur cinquième album, Page décide de le faire revenir dans la boucle. Selon l’ingénieur, de l’eau était passée sous les ponts depuis leur confrontation : « Ils m’ont appelé, et m’ont demandé d’enregistrer pour eux une nouvelle fois, comme si rien ne s’était passé. »

4- Les débuts de l’album furent enregistrés dans la maison de campagne de Mick Jagger, Stargroves

Après leur troisième album en 1970, Led Zeppelin cherche à s’échapper des espaces confinés des studios d’enregistrement traditionnels en réalisant une partie de leurs sessions dans une propriété plus intime à la campagne. L’idée avait été empruntée au Band, qui possédait une maison communautaire, à côté du refuge de Dylan, à Woodstock, New York.

« Je ne savais pas exactement comment le Band avait enregistré leur album Music from Big Pink ou The BAsement Tapes, mais la rumeur disait qu’ils avaient tout fait dans une maison qu’ils avaient loué, » se souvient Plant pour Guitar World. « Mais je n’étais pas certain que cela soit vrai, mais j’aimais bien cette idée. Et je me suis dit qu’il fallait essayer d’aller quelque part et y vivre, plutôt que visiter un studio et ensuite rentrer chez soi. Je voulais voir ce qu’il se passerait si tout ce que nous avions à penser était de faire de la musique et le vivre comme une expérience. »

Le choix de Page s’est porté sur Headley Grange, un bâtiment rustique dans le Hampshire, qui avait rendu service au groupe pendant les session de Led Zeppelin III et IV. Mais la maison étant indisponible au printemps 1972, la bande posa ses bagages à Stargroves, le manoir de Mick Jagger dans l’East Woodhay. Achetée par le chanteur à un aristocrate local en 1970 pour la somme de 55 000 £, la maison avait été utilisée par les Rolling Stones pour l’enregistrement de certains morceaux d’Exile on Main Street et Sticky Fingers, et récemment louée par les Who pour les sessions de Who’s Next.

Quand Zep s’installe en mai 1972, le groupe souhaite utiliser pleinement le potentiel de chaque pièce. « Le son était formidable, parce que vous aviez cette acoustique particulièrement variable dans chaque pièce, avec la batterie dans le conservatoire où nous avions placé Bonham, » se souvient Kramer. « L’ampli de Jimmy pouvait être coincé dans une cheminée, et on branchait un micro… On avait vraiment la possibilité de changer le son en allant dans n’importe quelle pièce. »

28 mars 1973 : sortie de

L’ingénieur du son supervisait le tout de son poste d’observation, dans le camion d’enregistrement des Rolling Stones garé dans l’allée. A l’occasion, il ouvrait en grand les portes à l’arrière pour une session de playback en plein air avec le groupe. « Je me souviens, Bonzo, Plant, Page et Jones, sur la pelouse, en train d’écouter les playbacks de « D’Yer Mak’er » et « Dancing Days » ; tous marchaient comme Groucho Marx, en cadence et en rythme, comme des enfants. » Si beaucoup des titres furent complétés aux Studios Electric Lady et London’s Olympic, la période de Stargroves concrétise la créativité débordante que l’on retrouve sur l’album final. « Quand nous sommes arrivés là-bas pour la première fois, nous n’avions pas d’idées définies, » affirme Page au biographe Richie Yorke. « Nous enregistrions tout simplement les idées que chacun avait à un moment donné. C’était une façon d’être ensemble et de tout sortir. »

5- Le titre de « D’Yer Mak’er » vient d’une vieille blague de music-hall.

Peu de chansons du répertoire de Led Zeppelin sont aussi clivantes – même au sein du groupe – que cette farce reggae-esque. Autre sujet de discorde, la prononciation du titre, que beaucoup de non-initiés (au plus grand amusement de Plant) transforment en « Dear Maker », croyant en son sous-texte quasi-spirituel. A lieu de cela, le morceau tire son nom d’une vieille blague de music-hall britannique.

La chanson a pris forme à la fin de la session de l’ouverture de l’album. « On venait de terminer « The Song Remains the Same », » raconte Plant à Zig Zag en 1973. « Il était environ 5 heures du matin et ça faisait longtemps que j’attendais de faire quelque chose comme [« D’yer Mak’er »]… C’est né de bribes ici et là. » L’intention initiale était de faire un pastiche reggae, mélangé à de la pop mélodramatique du début des années soixante, mais les batteries colossales de Bonham menèrent la chanson dans une toute autre direction.

« John montrait de l’intérêt pour tous les genres de musique, sauf le jazz et le reggae, » explique Jones. « Il ne détestait pas le premier, mais il avait horreur de jouer du reggae – il trouvait cela très ennuyeux. Quand nous avons fait « D’Yer Mak’er » il ne jouait qu’un seul rythme, pendant tout le titre. Il détestait cela, et moi aussi. Ça aurait pu être pas mal s’il avait respecté la partition à la lettre – l’intérêt du reggae réside dans le fait que les batteries et la basse doivent être très scrupuleuses sur ce qu’elles jouent. Et il n’avait pas envie, donc c’était horrible. »

Même si la section rythmique détestait ostensiblement la chanson, l’enthousiasme de Plant permettra à « D’Yer Mak’er » de sortir en single aux Etats-Unis en septembre 1973, avec « The Grunge ». Si Page admettra plus tard qu’il s’agissait d’une décision nombriliste de sortir des morceaux qu’il qualifiait de « parodie » et de « blague », il n’était pas prêt à faire face à l’antipathie croissante qui entourera le morceau. Malgré une explication reliant le morceau à l’univers de Rosie and the Originals, qui avaient enregistré la ballade « NAgle Baby » en 1960, les fans n’arriveront pas à mettre le doigt sur l’intention artistique derrière le morceau. « Je ne m’attendais pas à ce que les gens ne comprennent pas, » raconte un Page ébahi à l’écrivain Dave Shulps. « Je pensais que c’était assez clair. La chanson elle-même était un mélange de reggae et de musique Fifties ; ‘Poor Little Fool’, des trucs à la Ben E. Kings… »

Mais la vision de Jones sur le morceau ne changera pas avec le temps. Il décrira la chanson avec tact comme « n’étant pas [s]a préférée » dans une interview de 1991 avec Alan di Perna. « Elle me fait un peu grincer des dents. Tout a commencé comme une blague, vraiment… Mais je n’étais pas ravie de ce que c’est devenu. Robert l’aimait vraoment, mais même dans un groupe, les gens ont des opinions différentes sur les chansons. »

6- « The Crunge » est une gentille parodie de James Brown.

L’échappée funky de Led Zeppelin sur Houses of the Holy est presque aussi clivante que « D’yer Mak’er ». Les deux chansons partagent la même histoire : toutes deux sont nées d’un jam en studio et furent propulsées par la batterie de Bonham. « Quand on était en train d’écrire, Bonzo nous dictait un rythme inhabituel ; ou c’était pendant les jams, qu’il inventait quelque chose, » rapporte Jones à Matt Resnicoff de Musician. « Ou encore, il commençait un riff qui était étrange, inhabituel ou juste intéressant. « The Crunge » en fait partie. »

Dans ce cas précis, le batteur avait choisi un tempo loin d’être standard. « Il y a un demi-temps supplémentaire, ce qui est une idée assez brillante, » explique Page. Le rythme syncopé rappelle le riff qui était devenu la signature de Page depuis 1970. « Bonzo commence sur « The Crunge », ensuite Jones commence à jouer cette ligne de basse, et j’arrive sur le rythme, » raconte-t-il à Guitar World. « J’ai joué sur une Strat pour ce morceau – je voulais avoir cet effet James Brown. »

Quand il fut temps d’ajouter les voix, Plant prit une nouvelle fois inspiration sur le Parrain de la Soul. Parce qu’il suffisait de quelques répétitions pour enregistrer la majorité des sessions de Brown, ses instructions données en milieu de chanson au groupe devinrent sa marque de fabrique. Gardant cela en tête, le chanteur de Zeppelin chercha d’abord à ajouter sa patte British sur ces coupures parlées. « Bonzo et moi allions en studio et parlions avec un accent à couper au couteau pendant toute la chanson. » L’idée fut finalement écartée, au même titre que l’idée d’inclure la chorégraphie d’une danse fictive (baptisée « The Crunge » évidemment). Le titre final garde son influence Brownesque, de l’intro (on peut entendre Page converser avec l’ingénieur George Chkiantz) au chevrotement de Plant.

Le groupe interprètera une version inédite de la chanson pour quelques dates au Los Angeles forum en mars 1975, l’associant à une reprise du « Sex Machine » de Brown. Contrairement à « D’yer Mak’er », Jones reste très attaché à la clôture de la Face A de Houses of the Holy. « « The Crunge » est brillant. C’est l’une de mes préférées. »

7- Le shooting de la pochette aura duré dix jours.

La photo emblématique de Houses of the Holy dépeint une horde d’enfants sauvages recolorisés, escaladant un amas de pierres géomtriques usées par le temps, n’étant pas sans rappeler la fascination du groupe pour le surnaturel et la science fiction. Inspiré par Les Enfants d’Icare écrit par Arthur C. Clarke qui a écrit 2001 : L’Odyssée de l’espace, dans lequel des enfants escaladent le bout du monde, l’image surréaliste fut créée par l’équipe de Hipgnosis, dont le travail pour Pink Floyd, T. Rex et ELO fut particulièrement salué dans les années 70.

« Un jour, le téléphone sonne, c’est Jimmy Page, » raconte Aubrey « Po » Powell, le co-fondateur de Hipgnoses à Rolling Stone en 2017. « Il m’a dit ‘J’ai vu une pochette d’album que vous aviez faite pour un groupe qui s’appelle Wishbone Ash, » en l’occurence Argus. « Est-ce que vous aimeriez faire quelque chose pour Led Zeppelin ? » Le guitariste ne leur rendra pas la tâche facile, refusant de leur donner les propositions de titres, de faire écouter une partie de leurs inédits, ou même de donner un aperçu de paroles. « Typique de Jimmy – très ésotérique et étrange. Il nous a dit ‘Retrouvez-moi dans trois semaines, avec des idées. Vous savez quel est notre style de groupe. »

Malheureusement, la collaboration connut un faux départ, quand le partenaire de Powell, Strom Thorgerson, offensa accidentellement avec l’une de ses propositions. « Il est arrivé en proposant cette image d’un court de tennis vert éléctrique, avec une raquette de tennis posée dessus, » se rappelle Page pour Guitar World. « Je lui ai dit ‘Quel est le rapport entre ce putain de truc et notre musique ?’ Et il m’a dit ‘Raquette… Vous ne comprenez pas ?’ Je lui ai répondu ‘Etes-vous en train d’insinuer que notre musique est un racket ? Sortez !’ On ne l’a plus jamais revu… C’était une vraie insulte… Il avait des couilles ! »

Heureusement, Powell sut apaiser la situation, et proposer de nouvelles idées. L’une d’entre elles était de graver les symboles « ZoSo » du groupe au sein des lignes de Nazca au Pérou (« Je ne pense pas que les autorités péruviennes auraient été très d’accord, » admettra par la suite Powell). Au lieu de cela, ils choisirent de shooter sur la formation géologique en Irlande du Nord appelée Chaussée des Géants. Plutôt que de faire venir toute une bande d’enfants, Hipgnosis en invita seulement deux – un frère et une soeur, Samantha et Stefan Gates, âgés de sept et cinq ans respectivement.

« Nous avons logé dans cette petite maison d’hôtes à côté de la Chaussée des Géants, » se souvient Stefan, qui est devenu une personnalité télé en Grande Bretagne. « J’ai entendu des gens qui affirmaient qu’ils avaient mis des perruques sur plusieurs enfants. Mais il n’y avait que moi et ma soeur, et ce sont nos vrais cheveux. J’aimais bien être nu à cet âge, donc ça ne me dérangeait pas. J’enlevais mes vêtements et je filais passer un bon moment, donc j’étais dans mon élément. »

Les souvenirs de ces dix jours tels que sa soeur se les rappelle sont moins ensoleillés. « Je me souviens du shooting très précisément, principalement parce qu’il faisait extrêmement froid et qu’il a plu tout le temps, » affirmait-elle au Daily Mail en 2007. « Nous étions nus dans beaucoup des shootings que nous avons faits, personne ne disait rien à ce sujet à l’époque. Aujourd’hui, vous ne pourriez certainement pas le faire. »

La météo peu clémente créa beaucoup de problèmes, pas seulement le manque de confort. « Il a plu des cordes pendant une semaine, et je ne pouvais pas prendre la photo, » explique Powell. « Donc je me disais que je devrais créer un collage en noir et blanc, uniquement avec les enfants. » Le plan initial était de colorer leurs corps en or et argent; mais le ciel gris les faisait ressembler à des fantômes, rendant la coloration manuelle nécessaire. Le procédé de retouche prit deux mois, obligeant le groupe à déplacer la date de sortie de l’album de janvier à mars. Peter Grant, le formidable manager de Led Zep surveillait constamment Hipgnosis.

Les designers ne pouvaient donc pas se permettre un nouveau retard, quand l’artiste chargé de la retouche donna accidentellement aux enfants une teinte violacée. « Quand je l’ai vu pour la première fois, je me suis dit ‘Oh mon Dieu’. Ensuite, on a regardé ça, et j’ai dit ‘Attendez une minute, ça donne une nouvelle force à l’image’, » explique Powell. « Donc on a laissé tel quel. » Il présenta le résultat final à Page et Grant dans sa voiture, après un concert de Led Zeppelin. « On était là avec Jimmy, la cigarette au bec, fumant beaucoup, ses longs cheveux dispersés, toujours habillé de son costume de scène. Environ 200 personnes étaient autour de nous, et regardaient l’artwork. C’était surréaliste. Et j’ai reçu mon lot d’applaudissement de la part de tout ce public. »

8- Un titre éponyme fut initialement enregistré, mais finalement rejeté.

Allant à l’encontre du style des précédents albums, Led Zeppelin donna à son cinquième opus un nom inspiré de symboles cryptiques. Hosues of the Holy tient son nom d’une chanson que Page avait composé, dont les paroles honores à la fois les lieux « sacrés » de la communion adolescente – parmi lesquels théâtres, drive-in et salles de concerts – ainsi que l’étendue de l’âme humaine. « Ça parle de nous tous, qui sommes des petites maisons de l’esprit sain, en un sens, » révèle-t-il dans une interview donnée à Sirius XM en 2014. Le morceau avait été enregistré et mixé pendant des session aux Electric Lady Studios en juin 1972, mais fut ironiquement supprimée de l’album qui porte son nom. Le groupe gardera la chanson pour son album suivant, le double disque Physical Graffiti (1975).

9- Le groupe partira en tournée à bord de leur fameux jet privé, le Starship.

La tournée nord-américaine de Led Zeppelin en 1973 battra tous les records de public, dépassant même celui des Beatles établi au Shea Stadium avec le concert du Tampa Stadium le 5 mai où 56 800 fans se sont rassemblés pour voir Page, Plant, Jones et Bonham jouer une sélection de leurs titres les plus récents. Désormais indétrônables héros du rock, le groupe avait besoin d’une monture à sa mesure. Pour éviter de changer d’hôtels quotidiennement, ils décidèrent de loger dans plusieurs grosses villes, et d’affréter un avion pour les emmener et les ramener de leurs concerts.

Le journaliste Chris Charlesworth, membre de l’entourage du groupe en tournée, se souvient avoir vu des roadies rencontrer le groupe « en grands peignoirs rouges, déjà tous prêts, alors qu’ils venaient de descendre de scène. Ils les récupéraient après le bis et les conduisaient rapidement jusqu’à l’aéroport pendant que la foule était toujours dans le stade en train d’applaudir. » Pas de grands amateurs d’avions, Zeppelin trouva son premier appareil, un Falcon 20 business jet, exigu et inconfortable. Quand une série de turbulences menaça de faire crasher l’avion après la première série de concerts de la tournée, ils décidèrent d’abandonner le Falcon pour de bon. Peter Grand chargea le tour manager Richard Cole de trouver un nouvel avion, lui intimant de ne pas rechigner à la dépense en ce qui concerne l’opulence de l’appareil et sa sécurité – dans cet ordre de priorité.

Le Starship remplira le contrat. L’ancien Boeing 720B ayant appartenu à United Airlines, initialement acheté par l’idole des jeunes Bobby Sheran et son manager Ward Sylvester quelques années plus tôt, se voit transformé par le duo pour la modique somme de 200 000 $, faisant du jet de 138 places un « putain de bar volant » comme le qualifiera Cole. Les aménagements comportaient un canapé qui faisait toute la longueur de l’avion, un bar, un magnétophone Sony contenant une série de films, allant de l’intégrale des Frères Marx aux derniers films pornos, une pièce séparée avec une fausse cheminée, et une suite avec douche et un lit couvert de fourrure blanche.

Le manager consciencieux obtiendra la location du jet pour 30 000 $ pour les trois semaines, ainsi qu’un supplément pour les coûts de vols, s’élevant à 2 500 $ par heure. Après avoir fait quelques transformations cruciales – notamment avoir peint « Led Zeppelin » sur la carlingue – le groupe découvre l’appareil à l’aéroport Chicago’s O’Hare le 6 juillet. Même le jet privé de Hugh Hefner, garé juste à côté, faisait pâle figure en comparaison. « Nous n’étions pas le seul groupe à avoir notre jet privé, » note Page. « mais nous étions les seuls à avoir un vrai avion. »

Le Starship accueillera par la suite Elton John, les Allman Brothers, les Rolling Stones, Deep Purple, Alice Cooper et Peter Frampton… Mais les récits des débauches de Zeppelin en vol resteront gravés dans les mémoires. Deux jeunes hôtesses de l’air, Bianca et Suzee, servaient la nourriture et l’alcool. Leurs pourboires prenaient la forme de billets de cents dollars recouverts de poudre blanche.

Elles méritaient certainement un petit bonus pour avoir réussi à gérer certains des membres les plus surbulents du groupe. « John Bonham a essayé une fois d’ouvrir la porte alors que l’on survolait Kansasq City, parce qu’il devait aller aux toilettes, » raconte Suzee au Sex York Times en 2003. Le batteur développa également une passion pour le cockpit, où la frontière entre passager et pilote s’estompa peu à peu. « Il nous a tous emmenés de New York à L.A. une fois, » se souvient Grant. « Il n’avait pas de permis… »

10- Rolling Stone n’a pas été très sympa avec l’album après sa sortie.

Les critiques de l’époque ne surent pas trop quoi faire de l’album quand il sortit en mars 1973. L’album rencontra des critiques mitigées, beaucoup d’entre elles affirmant que Led Zeppelin s’était égaré trop loin de leur rock des débuts. « Plant et Page sont étrangement léthargiques et absents, explosant très occasionnellement sur « Dancing Days » et ‘The Rain Spong’. » affirmait un article de Disc & Echo. « Après deux ou trois écoutes, Houses of the Holy se révèle être un travail assez inconsistant. » Même Chris Welch donnera un avis négatif, affirmant que « Zeppelin s’était perdu en chemin. »

Cependant, ce fut Rolling Stone qui donna le coup de grâce. Les critiques du magazine n’ont jamais été les plus fervents supporters du groupe, mais la chronique de Gordon Fletcher dans le numéro du 7 juin 1973 atteint un nouveau niveau de brutalité verbale. « Houses of the Holy est l’un des albums les plus nuls et déconcertants que j’ai entendu cette année, » déclare-t-il. Il cible ensuite chaque membre du groupe individuellement. « La guitare de Jimmy Page, avec John Paul Pones et John Bonham qui riffent derrière, mais l’effet est détruit par des roucoulements ridicules et une coda si flagrante qu’elle ne peut être que perçue comme un mépris du rock & roll. »

Il réserve ses dernières cartouches pour les deux « imitations » – « The Crunge » et « D’yer Mak’er » – qu’il qualifie de « largement les pires choses que le groupe ait jamais inventées. » Même les titres qui évitent les écueils précédents, ne servent qu’à mettre en valeur les « lacunes en matière d’écriture » de Page & Co. « Leur premier succès est venu quand ils se sont mis à voler littéralement chaque riff blues, note par note, donc je suppose qu’il est logique que rien n’irait avec leurs propres contenus. » En conclusion, il intime le groupe de se conformer à leurs racines « blues-rock ». « Tant qu’ils ne reviennent pas à cela, le Zeppelin n’arrivera jamais à gonfler. »

Quatre décennies plus tard, Kory Grow de Rolling Stone eut la chance de réécouter l’album à l’occasion de la ressortie en version deluxe en 2014. Il fut plus tolérant vis-à-vis de la volonté du groupe d’élargir leur palette msuicale. « Des décennies de saturation ont fait de ces titres des classiques, » écrit-il, « mais quand on remet l’album dans son contexte, coincé entre le quatrième opus de Led Zeppelin et le double-LP que fut Physical Graffiti, ces chansons témoignent d’un ardent désir de changement. »

Jordan Runtagh