Bien qu’il se soit bel et bien passé de la censure de son équipe de relations publiques, la star a en revanche tenu à consulter tous les proches dont il parlait dans la première version du manuscrit. Sur ses rapports souvent tumultueux avec sa femme Jada Pinkett Smith, on constate ainsi que le livre s’arrête aux alentours de 2011, après une scène de dispute qui lui aurait fait prendre conscience de son égocentrisme et de sa mégalomanie de l’époque. On imagine qu’elle et lui ont sans doute dû convenir de garder pour eux le reste, même si forcément, la teneur de leur discussion durant le « Red Table Talk » ne laisse que peu de doutes sur une chose : le couple ne pratique plus la monogamie depuis un moment. « Jada n’a jamais tellement cru en la conception conventionnelle du mariage, notamment parce que certains membres de sa famille n’y croyaient déjà pas beaucoup. Nous avons discuté de tout ça de nombreuses fois, en nous demandant quelle était la meilleure manière d’interagir en tant que couple. Et nous avons fini par nous dire que notre mariage ne pouvait pas être une prison. L’enseignement que nous en tirons jusqu’ici, c’est que les libertés que nous nous sommes mutuellement données, cette confiance absolue, ce soutien inconditionnel... Pour nous, c’est, comment dire... c’est la plus noble définition de l’amour. » En l’écoutant parler, et revenir notamment sur la fameuse conversation autour de la table rouge (sur son air au bout du rouleau, devenu un mème, il précise d’ailleurs : « Il était minuit, on devait partir en vacances le lendemain, j’étais surtout totalement épuisé, pas triste ! »), on sent bien que Will pourrait s’étendre davantage, mais qu’il s’est engagé auprès de sa femme pour ne pas étaler leur vie privée. Et d’une certaine façon, c’est assez admirable de sa part, lui à qui Jada a reproché son égocentrisme et son manque d’empathie : plutôt que de nous « donner du biscuit » en vidant son sac, il respecte l’engagement moral qu’il a pris auprès de celle qu’il aime.
L’ami fidèle
Si Will Smith nous dit n’avoir commencé à mûrir (et à se mettre à la place des autres) que depuis une dizaine d’années, certaines personnes l’ayant côtoyé plus tôt que ça sont plus indulgentes. Ainsi Michael Mann, qui en 2001 l’a dirigé dans Ali – sans doute son premier rôle « sérieux » – a tenu à nous dire à quel point sa performance l’avait impressionné. « Ça demande beaucoup de tripes et d’honnêteté de jouer Mohamed Ali. Sur le plan artistique, bien sûr, mais aussi sur le plan humain. À l’époque, Will était déjà une star planétaire, riche à millions, et très consciente de son statut, mais en aucun cas ça ne l’empêchait de se poser des questions extrêmement graves et profondes sur l’expérience humaine. Son travail d’interprétation sur Ali était tout sauf policé, très brut, et extraordinaire à voir. »
L’autre témoin d’un Will Smith humain et soucieux des autres, c’est Bridget Moynahan, qui partageait avec lui l’affiche de I, Robot, sorti en 2004. Fin 2006, l’actrice se sépare du quarterback Tom Brady, puis s’aperçoit qu’elle est enceinte de lui alors qu’il s’est déjà mis en ménage avec Gisele Bündchen. La période est douloureuse pour la jeune femme, qui a alors eu la surprise de recevoir un coup de fil de Smith. « Il a vraiment été la première personne à m’appeler, pour me dire de ne pas hésiter à venir le voir si j’avais besoin de parler. Qu’un type de sa stature puisse offrir ça à ses amis, c’est fou. Et je me dis que s’il l’a fait avec moi, c’est qu’il doit bien le faire avec d’autres. » Lorsque nous demandons confirmation à Will, il nous explique que c’est une sorte de tradition familiale qu’on lui a transmise. « Mes parents ont toujours été des gens que leurs amis appelaient dans les moments de crise. Ma grand-mère, pareil. Et donc moi aussi. Si tout va bien, ne m’appelez pas. Mais si vous avez besoin de quelqu’un à qui parler en urgence à deux heures du matin, je suis là pour vous ! J’ai fait ça avec Tom Cruise d’ailleurs, quand il était dans la tourmente il ya quelques années. »