Ce n'est pas à la télévision qu'on suivra aujourd'hui le dernier né des concours de cuisine, mais au parc des expos de Toulouse, sur les feux des « 400cooks », premier salon des loisirs culinaires. Après un dôme au chocolat et des macarons réussis aux épreuves d'hier, les jeunes Toulousaines Fanny Chaumette et Bénédicte Candia devront réaliser cet après-midi (16 heures) un plat avec un panier de produits du terroir. La gagnante remportera entre autres des dîners chez les chefs de la région qui les auront jugées aujourd'hui, et peut-être l'espoir d'aller plus loin dans les concours de cuisine.
Portée par les concours télévisés, la tendance cuisine est plus que jamais à la Une. Le premier salon de Toulouse va totaliser près de 15 000 entrées, la plupart des chefs de la région y sont passés et les cours de cuisine voisinent avec les détaillants d'équipements. Car on trouve de tout dans les cuisines modernes : les cuillères en plastique ont remplacé celles en bois, le four met la vapeur, les moules en silicone promettent la réussite facile des cannelés ou du poisson en papillote, les machines à café franchissent l'étape « post-dosette » et les robots s'accessoirisent toujours plus (ils peuvent même faire des cubes, montre-t-on sur le stand Magimix)… Pour quoi tout cela ? Pour appliquer ce qu'on a appris dans les cours de cuisine qui s'ouvrent dans toutes les villes, soit dans les coulisses des restaurants étoilés, soit dans des structures créées tout exprès. Au hasard : « L'atelier des instants culin'R » qu'avait ouvert Boris Lehman, aujourd'hui créateur des « 400 cook »… «La tendance de la cuisine est à son maximum actuellement », estime-t-il, mais c'est comme la déco il y a quelques années, quand le soufflé retombera, seuls les meilleurs tiendront ».
L'engouement pour les petits plats, les légumes oubliés et le gigot de 7 heures ne cache pourtant pas la réalité de l'alimentation d'aujourd'hui. Le dernier restaurant à ouvrir ses portes en région toulousaine est un « KFC », à Balma, un fast food qui sert des seaux de « wings » de poulet. Et si les jeunes se régalent de nuggets ou de kebab, ils sont rarement capables de différencier un steak d'une escalope de dinde. A tel point que dans l'élan d'Alain Ducasse, Thierry Marx ou Michel Guérard, une brigade de chefs a créé mardi dernier à Paris le « collège culinaire de France » qui veut promouvoir et transmettre les valeurs de la gastronomie. Parmi ses projets : désigner des lauréats de la vocation pour faire émerger une nouvelle génération de chefs. On ne sait pas encore quelle chaîne de télévision diffusera l'événement.
Midi et demi au centre de Toulouse, dans un entrepôt transformé en loft lumineux : une quinzaine de jeunes convives posent leur portable et leurs vestes de tailleur ou de costume pour enfiler un petit tablier de plastique blanc. En piste pour le cours de cuisine. Ce jour-là, un filet de canard à l'écrasée de pommes de terre au jus de truffe. Le succès de « L'atelier des Chefs », inauguré à l'automne dernier dans l'ancien cours de cuisine « L'Office » ne se dément pas. La recette est simple : un cours de 3/4 d'heure dispensé par une jeune chef, Aline Schneider, autour d'un plat simple, suivi de la dégustation de ce plat. Pour 15 € environ, on aura eu le cours et le repas (la maison offre le dessert et un café) et une agréable coupure dans sa journée… « Il existait déjà des cours chez les chefs étoilés, explique le Lyonnais François Bergerault, fondateur de l'atelier des Chefs avec son grand frère Nicolas… Nous ce qu'on a mis en place, c'est une formule de cours rapides et accessibles à tous, pendant lesquels on passe un bon moment. » S'ils aiment la bonne bouffe, les frères Bergerault sont arrivés aux cours de cuisine par leur diplôme de commerce, humant le bon filon économique. En investissant 40 000 € en 2004 leur petite entreprise de 4 personnes a réalisé un chiffre d'affaires de 350 000 €, qui a bondi en six ans à plus de 9 millions d'€récoltés en 14 ateliers autour du monde : Paris, Bordeaux, Dijon, Lyon, Dubaï et Londres. Ici, tout est tendance : dans le livre de recettes de « l'Atelier », on trouve même le « flashcode » permettant de retrouver le film des préparations sur son téléphone portable… Autour de la longue table, les apprentis cuistots dégustent leur canard dans une atmosphère conviviale : certains travaillent dans le même bureau et ont été entraînés par un collègue, d'autres sont venus en couple depuis le site d'Airbus. On fait connaissance et on ne parle pas que de cuisine. En remettant sa veste, on se promet de se revoir la semaine prochaine, pour la leçon de saumon.
En ce samedi après-midi, Jean Daudignac donne toutes les heures un cours sur les macarons au Salon des loisirs culinaires de Toulouse. Tarif : 6 € pour repartir avec ses gâteaux sous le bras. Cet atelier ne désemplit pas. « C'est mon premier atelier, raconte Carmen. C'est une opportunité, je l'ai saisie. Après l'achat du livre, je suis le cours. Le macaron est un gâteau à la fois beau au regard, tendre et bon ». Carmen décidément très fan du petit gâteau rond les peint aussi : « Toutes ces couleurs sont idéales pour une peintre ».
Hugo, 13 ans, est là lui aussi pour apprendre à confectionner cette gourmandise dans l'air du temps : « J'aime la pâtisserie. Ce gâteau m'inspire ».
Le savoir-faire des macarons a le vent en poupe. Preuve la foule autour de cet atelier où le maître d'œuvre, Jean Daudignac, pâtissier créateur, lui-même fils de pâtissier explique : « J'ai tout appris dans les années 80 chez Lucien Pelletier. Je suis ensuite parti aux États-Unis avant de rejoindre en 1987 l'entreprise familiale à Montgeron, spécialisée dans la fabrication d'ustensiles de pâtisserie ». En 1999, Jean Daudignac ressent le besoin de transmettre ses connaissances et de faciliter la tâche des futurs pâtissiers : « En 2010, j'ai créé ce tapis en silicone pour macarons, idéal pour faire toutes sortes de gâteaux et les cuire au four ». Le macaron, porté médiatiquement par les professionnels connaît un beau succès : « En 2011, ce gâteau est un vrai phénomène de mode. Tout le monde peut réaliser cette pâtisserie chez lui ». Prenant le train en marche, Jean Daudignac lance alors un kit avec livre de recettes et deux tapis de 28 empreintes pour macarons, sans oublier une spatule avec thermostat. « Avec un tel attirail, impossible de faire choux blanc ».Jean Daudignac, fournisseur des plus grands pâtissiers de Pierre Hermé à Fauchon en passant par la maison Pillon à Toulouse, affirme : « Cet atelier décomplexe le public ». Et la tendance de ce gâteau star ? « On se dirige vers le salé avec un macaron fourré au fenouil ou à la tomate ». Un stand plus loin, Manu Création propose même de craquer sur des bijoux en pâte fine en forme de… macarons.
La cuisine, c'est une mode passagère ou un phénomène plus profond ?
En tout cas, cela plaît beaucoup, et de plus en plus. Depuis que je donne des cours un samedi sur deux au restaurant, c'est toujours complet.
Qui sont vos élèves ?
Ce sont souvent mes clients, et je dirais hommes et femmes moitié-moitié, parce qu'il y a beaucoup de femmes qui offrent le cours à leur mari !
La différence entre un élève d'école hôtelière et un adulte de vos cours ?
A l'école, on apprend toutes les bases aux élèves, alors que dans mon cours, les gens viennent pour un plat, une préparation aux truffes ou des macarons par exemple. Leur but est de le refaire ensuite chez eux, à leurs amis. Et l'ambiance est différente, on ne m'appelle pas chef, juste Yannick…
Vous leur apprenez des trucs, mais vous donnent-ils des idées en retour ?
C'est vrai qu'il y a échange, en particulier grâce aux questions qu'ils posent parfois. Je me dis tiens, c'est vrai, pourquoi je fais ça comme ça ?
Si vous leur apprenez le métier, ils vont déserter les restaurants, déjà qu'on ne peut plus boire ni fumer…
C'est un vieux débat. Les gens désertent les restaurants qui les déçoivent, moi je peux fumer et boire, cela ne m'empêchera pas d'aller manger chez mes confrères.
Alain Ducasse et autres chefs veulent créer une « Cité de la gastronomie » à Paris. La cuisine française est-elle en péril ?
Non, mais elle a été discriminée ces dernières années par la critique spécialisée qui a mis en avant les Espagnols, les Japonais ou les Italiens. Ils sont très bons, ils sont bien dans leur époque, mais la base est française. J'ai deux Japonais dans ma cuisine, ce n'est pas un hasard s'ils viennent apprendre en France.