Les chanteurs amateurs des Tréteaux Lyriques s'attaquent à "La Périchole" d'Offenbach<

C'est à la fois un spectacle et une formidable aventure collective. Dans la vraie vie, Vincent, Myriam et les autres compagnons sont ingénieur, cheffe de réception dans l'hôtellerie, financier, institutrice… Mais jusqu'au 6 février, ils interprètent La Périchole de Jacques Offenbach au théâtre du Gymnase, à Paris. Tous font partie des Tréteaux Lyriques, une association de chanteurs amateurs qui, depuis plus de 50 ans, monte, tous les deux ans, un opéra bouffe à visée caritative dans un lieu prestigieux de la capitale.

"La troupe est née en 1968. Une bande d'amis rêvait de faire du théâtre et du chant ; ils se sont mis à l'opérette", raconte Jean-Philippe, directeur des affaires publiques dans un laboratoire pharmaceutique. Ce baryton a rejoint la grande "famille" des Tréteaux il y a 22 ans, après avoir fait du théâtre et chanté dans un chœur. Vincent, ingénieur environnement chez Eurotunnel, participe quant à lui pour la première fois : il incarne Piquillo, l'amoureux de la Périchole.

Leur ambition : proposer un spectacle de qualité. Pour cela, ils sont accompagnés par un orchestre professionnel, et encadrés par des spécialistes. Pour preuve, cette soirée de répétition. Assis dans la pénombre, le metteur en scène Yves Coudray, qui a longtemps dirigé le festival Offenbach d'Etretat, et la chorégraphe Francesca Bonato veillent au moindre détail : "N'ayez pas peur d'investir le fond de la scène " ; "Marc, tu penseras à enlever ta montre"… A la fin du premier acte, ils ne cachent pas leur satisfaction : "Le sérieux et l'enthousiasme de ces gens donnent des résultats surprenants!"

Une échappée

Ces 33 chanteurs, âgés de 19 à 70 ans, sont très investis. Pour les nouveaux venus (20% de la troupe), il faut déjà réussir les auditions. "Cette année, avec le Covid, on a eu beaucoup de candidats. Chacun a besoin de se changer les idées…", glisse un membre de la Compagnie. Les répétitions ont démarré au printemps 2021. D'abord, en visio. Puis, en présentiel. Depuis septembre, le rythme s'est intensifié : deux heures de chant le lundi soir, deux heures de chorégraphie le mardi soir, et un week-end sur deux.

Décors et costumes ont été réalisés avec l'aide de lycées professionnels. Mais si nécessaire, les chanteurs n'hésitent pas à sortir la trousse de couture ou à fouiller dans leur armoire. "Ce qui nous motive, c'est l'ambiance. Ca nous défoule après avoir passé une journée dans les chiffres!", confie une experte financière. "Quand on travaille dans le social, c'est bien d'avoir une échappée", ajoute Antoine, responsable d'un centre d'accueil pour SDF, habillé ce soir-là en homme de cour, queue de pie et lavallière.

Pour cette troupe hors-norme, le spectacle permet aussi de faire connaître Offenbach, surnommé "le petit Mozart des Champs-Elysées", et ses opérettes pleines de fantaisie. Cette année, la compagnie a choisi La Périchole. "Mon ouvrage préféré!, se réjouit le metteur en scène. Cela ne parle pas de dieu, de déesse ou de personnages historiques, mais d'une chanteuse de rue et du pouvoir." Une histoire d'artiste sans le sou qui n'est pas sans rappeler l'actualité…

Pas facile, en effet, en pleine vague Covid, de remplir un théâtre de 600 places. "C'est l'année de tous les dangers", s'inquiète un membre de la troupe. Mais les Tréteaux Lyriques en ont connu d'autres : "Il y a deux ans, on a joué en pleine grève Ratp", glisse un autre. Les réservations commencent à décoller un peu. "On devrait dégager une marge", espère le trésorier. Les bénéfices, s'il y en a, seront reversés à des associations caritatives (cette année, les Papillons blancs et les Dunes d'Espoir, qui aident les personnes handicapées). Une aventure résolument collective.

La Périchole, Opéra-bouffe de Jacques Offenbach, au Théâtre du Gymnase Marie Bell, 38, boulevard Bonne Nouvelle 75010 Paris.Six représentations d'ici le 6 février. De 10 à 58€ (tarif jeune moins de 26 ans / tarif groupe à partir de 11 personnes). Informations et réservations : www.treteaux-lyriques.com