• 14/06/2022
  • Par binternet
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Le 11 décembre 1621, Monheurt était pillé par les troupes royales<

Hier, Monheurt, petit village de bord de fleuve, entre et Aiguillon et Tonneins, a commémoré le pillage dont il fut victime de la part des troupes royales, le 11 décembre 1621. Place forte protestante, Monheurt était sur le chemin de François de Bassompierrre et ce "crime de guerre" reste assez méconnu. En voici l’histoire.

Monheurt, village millénaire, a toujours été convoité pour sa position stratégique en aval du confluent du Lot et de la Garonne. Point de passage de Gascogne en Guyenne grâce à son bac, port de pêche et de commerce, la vie des Monheurquais a de tout temps été rythmée par ce fleuve impétueux capable d’une grande générosité quand il répand ses limons sur les terres agricoles et dévastateur quand il enfle, gronde et submerge la vallée.

Un site stratégique au bord du fleuve

"Avant l’arrivée de l’automobile et la construction de routes et de ponts, Garonne était l’axe vital incontournable et le village en tirait richesse et notoriété, explique le maire Joé Armand. Ici d’ailleurs, on ne dit pas "la Garonne" mais "Garonne". Dans le langage courant, le fleuve a été personnifié par les riverains tellement il fait partie de leur vie comme un membre de la famille. Lors des Guerres de religion, l’apaisement est venu par le bon roi Henri IV et l’Edit de Nantes a marqué une pause dans le conflit attribuant aux Huguenots des places fortes dont Monheurt et Sainte-Foy, toutes deux confiées à un ancien compagnon d’armes du roi : Arnaud d’Escodeca, baron de Boesse et de Pardaillan. Le gouverneur a renforcé les fortifications de Monheurt qui, du haut de ses murs, pouvait contrôler toute la circulation fluviale avec la capacité de paralyser tout trafic selon son bon vouloir. Louis XIII a sûrement pris ombrage de ce pouvoir quand il a décidé, après avoir renoncé à prendre Montauba, n de venir mettre le siège en 1621 autour de Monheurt dont le gouverneur qui lui était fidèle avait été assassiné par des extrémistes à Gensac."

Louis XIII s’enlisait devant la protestante Montauban, qui se défendait toujours avec acharnement. Les renforts arrivés des Cévennes et du Languedoc avaient réussi à pénétrer dans la ville mais leur commandant M. de Beaufort avait été fait prisonnier. Le roi s’irritait devant l’incapacité et la fatuité du duc Albert de Luynes. L’armée décimée par la maladie et les combats était démoralisée. Louis XIII fut exaspéré de voir l’ambassadeur d’Angleterre Hay venir offrir sa médiation entre le roi et les rebelles. Brusquement Louis XIII décida de lever le siège.

Déjà la rumeur circulait que les troupes royales descendaient la vallée de la Garonne à la recherche d’une victoire possible pour venir effacer l’échec de Montauban… Depuis Toulouse, où il était le roi, avait fait savoir que Monheurt – dont la place était jugée plus forte que Saint-Jean-d’Angély – ferait l’objet du prochain siège mais que l’armée poursuivrait sa route si la résistance était trop forte.

Le 11 décembre 1621, Monheurt était pillé par les troupes royales

Les informations parvenaient aux futurs assiégés par les bateaux de passage. C’est ainsi que l’on apprit le remplacement d’Albert de Luynes, malade, par Bassompierre.

Qui est Bassompierre ?

Le nouveau commandant des troupes royales attirait les jalousies depuis toujours. Beau, spirituel, brave et fastueux, il avait toujours su s’effacer quand il le fallait. Ami très proche d’Henri IV il avait renoncé à son amour pour Charlotte de Montmorency pour ne pas être en concurrence avec le Vert galant – très épris de la demoiselle. Il avait ensuite accepté une ambassade en Espagne pour ne pas faire d’ombre à Albert de Luynes, qui voyait d’un mauvais œil l’ascension de ce rival. Il était toujours resté fidèle à la reine Marie de Médicis, avec une telle assiduité qu’on le soupçonnait d’être son amant… Libéral, magnifique, son faste était légendaire, ses costumes valaient des fortunes et (selon la légende) avait 600 paires de bottes. Son nom était devenu un surnom, on disait "c’est Bassompierre" pour désigner ce qui était beau, brillant, vif et joyeux. Tel était l’homme qui était chargé de prendre Monheurt !

Menaces sur Agen

Bassompierre commença par demander à la jurade d’Agen 30 000 pains, 600 pelles, 300 pics, des haches, divers outils et de la poudre. Devant la tiédeur de la réponse, il menaça de cantonner ses troupes dans les faubourgs de la ville. Les Agenais se hâtèrent alors d’envoyer les fournitures demandées. Pendant ce temps le maréchal de Schomberg commençait les préparatifs du siège. On pouvait voir du haut des murs les soldats ouvrir la tranchée pour y établir les batteries devant Monheurt. Le 17 novembre 1621, le bombardement commença.

François de Bassompierre était à Aiguillon, on l’informa de la prise d’un moulin près de Monheurt, il décida de renforcer le dispositif par les régiments du Piémont, de Normandie et de Champagne. Il fit loger à Puch les chevau-légers. Pour parachever l’investissement de la ville, il s’empara des deux bateaux sur la Garonne servant aux assiégés pour le ravitaillement. Il en arma un pour le combat et plaça deux régiments sur la rive droite du fleuve, avec de l’artillerie.

Bassompierre jubilait. Il pensait que l’affaire allait vite être pliée. Il écrivit plus tard : "Nous pensions que cela allait être un siège que nous allions dévorer sans le mâcher." Il avait secrètement pris contact avec le fils de Pardaillan qui aurait dit-on accepté de remettre Monheurt au roi contre 4 000 écus. Tout était en place, il avertit aussitôt Louis XIII qui décida de venir en personne assister au siège.

Massacre pour cause de "rébellion et perfidie"

Louis XIII était arrivé à Monheurt le 29 novembre 1621 et avait établi son quartier général au château de Longuetille. Début décembre 1621, cela faisait plus de vingt jours que la petite place forte subissait les bombardements et se défendait ardemment. L’organisation défensive était le fruit de l’expérience et des compétences d’un officier hors pair, le capitaine Labroue.

Une pluie de 12 000 boulets

Le 10 décembre 1621, dix-huit canons de gros calibre, un grand nombre de fauconneaux et de petites pièces déversèrent sur Monheurt un ouragan de fer et de feu. Selon la chronique locale, la cité reçue plus de 12 000 boulets. Pendant deux heures, les feux, les grenades, les mousquetades remplirent l’air et la terre de feu et d’épouvante.

Une première mine fit sauter la porte du côté de Monluc et ouvrit une large brèche au régiment des gardes qui ne surent pas en profiter et furent repoussés. La seconde mine écorna seulement un bastion du côté de Bordeaux et un premier assaut fut repoussé mais Labroue à la tête de ses hommes fut emporté par un boulet à la consternation de tous les assiégés. La petite ville avait tenu mais le prix payé avec la perte de son chef allait déterminer l’issue du combat. Mirambeau, que l’on avait placé à ses côtés, était trop jeune et ne connaissait pas la guerre. C’était son premier combat et il avait été blessé lors de son baptême du feu au début du siège. Le duc de la Force [NDLR : dont le château se situait en Périgord noir, à Castelnaud-la-Chapelle en Dordogne, et qui fut racheté au XXe siècle par Jospéhine Baker], longtemps attendu, était loin et il n’y avait plus d’espoir de recevoir des secours.

La capitulation

Le samedi 12 décembre1621, après vingt-cinq jours d’une héroïque résistance, M. de Mirambeau, vêtu d’un long manteau noir, une branche de laurier blanc à la main, et le vicomte de Castets, dans un long manteau rouge, s’avancèrent en haut des murs et firent signe qu’ils voulaient parlementer. Ils descendirent dans le fossé pour s’entretenir avec M. de Montespan et demander que l’on dressât les articles de la capitulation.

La réponse du roi Louis XIII fut cinglante. Il s’écria "qu’il ne fallait point d’articles pour de tels gens" et qu’ils devaient "se rendre à merci !" Il finit toutefois par accorder la vie sauve aux gentilshommes et la sortie des 260 soldats, bâton blanc à la main, mais il permit ensuite le pillage de Monheurt…

On massacra les derniers habitants avant d’incendier la ville pour "cause de rébellion et perfidie".

Les quelques vieillards et enfants qui s’étaient enfuis voulurent trouver refuge à Tonneins mais ils en furent expulsés. Le village fût entièrement rasé et sa terre fût abandonnée pendant plusieurs années. Monheurt ne retrouva jamais son importance passée.

Le programme