"J’ai eu la chance d’aller le voir toréer dans les arènes de Barcelone en 1985, l’année de son alternative. Il était intervenu pour me permettre, le matin de la course, d’assister au sorteo. Vous imaginez, une jeune femme assistant à un tel cérémonial dans l’Espagne de cette époque-là ?
Avant la corrida, j’avais croisé Christian en habits de lumière à son hôtel, s’apprêtant à rejoindre les arènes. “Comment va le maire de Collias ?”, m’avait-il demandé. Le maire en question, c’était mon père chez qui il aimait aller parfois avec son frère Alain.
Au moment où il aurait dû être en pleine concentration parce qu’il allait jouer sa vie quelques instants plus tard, il avait pris le temps de me poser cette question. C’est un moment qui, pour moi, symbolise l’homme pétri d’humanité qu’il était. Il avait un sourire qui bouleversait. Il était un grand artiste, sensible, généreux, d’une grande force et d’une grande fragilité à la fois. Quand j’en parle, je suis emplie d’émotion."
"J’ai pris l’alternative le 16 mai 1975 à Nîmes et je me suis retiré du toreo le soir même. Je suis rentré sur la grande scène pour en ressortir immédiatement. Ce même jour, en nocturne, Nimeño II débutait en novillada piquée dans un cartel avec Espla. Une anecdote symbolise tout. J’étais à l’Imperator où il y avait une porte d’entrée à tambours.
Au moment où je revenais à l’hôtel le soir, Christian est sorti au même moment en costume de lumières pour se rendre aux arènes. Il n’avait pas encore triomphé mais je savais qu’il y parviendrait. J’en avais l’intuition et j’ai pensé : “Dans cette porte à tambours, c’est le temps et le destin qui passent”.
Il a été le premier matador français à jouir d’une reconnaissance du public par son talent et son courage. La décennie auparavant, nous étions une génération, dont j’étais leader avec son frère Alain, qu’on appelait le mouvement des toreros français. Nous étions des gamins qui avaient pour passion la tauromachie mais on nous répétait que pour être torero, il fallait du sang espagnol et personne ne nous programmait."
"C’était un mouvement révolutionnaire car nous étions les héritiers d’une passion, d’une vocation et nous n’avions pas de place. Nimeño II a été le premier et il a sa statue devant les arènes de Nîmes. Depuis, nous avons eu de grands éleveurs, toreros et imprésarios car la force de la passion, personne ne l’arrête."
polishing with very fine diamond and polishing paste :This video illustrates how to polish a tooth color... http://t.co/K5OmSZB2O4
— dentilizer.dent Fri Mar 15 22:12:26 +0000 2013
"Avant d’entrer au centre français de tauromachie, j’ai fréquenté les arènes de Caissargues. C’est là que j’ai rencontré Christian mais aussi tous les autres toreros français. J’y suis allé sur la pointe des pieds et je les ai observés pendant au moins un an. C’était quand même LE torero français et je pouvais l’approcher. Parfois, quand on s’entraînait et qu’il n’était pas encore arrivé, il nous arrivait de discuter entre nous. Mais dès qu’on le voyait descendre de sa voiture, on reprenait tous capes et muletas."
"Avec lui, j’ai pu m’entraîner. Il m’a ouvert les portes de tentaderos chez André et Tardieu. Il avait accepté d’être mon parrain d’alternative (prise en juin 1990, NDLR). Je me souviens très bien quand je lui avais demandé de l’être. C’était dans les arènes de Caissargues. Il avait accepté de suite. On s’était pégué un abrazo. C’est finalement Emilio Muñoz qui a été mon parrain d’alternative, mais Nimeño était dans mon esprit ce jour-là."
"On était quelques amis à lui à assister aux corridas au premier rang, à la gauche de la porte du toril dans les arènes de Nîmes. Et lorsque Christian faisait une vuelta, on avait pour habitude de lui faire passer une bouteille de champagne ou une simple coupe à l’aide d’une canne à pêche. Pour une corrida, on avait voulu célébrer l’anniversaire de son alternative. On avait préparé une part de gâteau dans une glacière. Mais ce jour-là, Christian n’a pas fait de vuelta et son gâteau a fondu."
"Sur Canal 30, qui était une radio dont les studios étaient en face du lycée Daudet, j’animais Brindis, une émission taurine. Un jour, Christian a répondu à mon invitation. On avait essentiellement parlé du Mexique où il allait longuement en hiver puisqu’il ne se passait rien chez nous. L’émission avait duré plus d’une heure et j’ai gardé l’enregistrement. Il avait raconté qu’à chacun de ses séjours à Mexico, il logeait dans un quartier dont il connaissait quasiment tout le monde. Et puis une année, en 1985, ce quartier a été rayé de la carte après le terrible séisme qui a fait des milliers de morts. Pour venir en aide aux sinistrés, il avait alors organisé un festival où il avait partagé l’affiche avec le raseteur Christian Chomel. Il avait réuni les aficionados des deux tauromachies. Il avait surtout récolté ce jour-là une somme bien supérieure à celle que l’Europe avait donnée au Mexique."
"Gamin, sa statue m’a interpellé. Je n’ai pas eu la chance de le connaître mais le DVD “Le roman de la tauromachie française” a été ma bible. Pour tous les toreros français, il est notre patriarche, celui qui a montré la voie et notre source d’inspiration. On a essayé de me comparer à lui. Ça me flatte beaucoup mais ça me gène, car je n’ai même pas fait le dixième de ce qu’il a réalisé. C’est d’ailleurs en partie à cause de ça que j’ai arrêté de poser les banderilles. Je veux que l’on me juge pour ce que je fais avant tout. Et si j’arrive dans ma carrière à faire la moitié de ce qu’il a fait, alors ce sera bien."
"Chez moi, tous les jours, je passe devant une photo de lui. Il est avec Chinito, son compagnon de route. C’est sans doute lors de leur première capea dans les arènes de Caissargues. Ils sont si petits. J’avais alors entendu des gens dire que ces deux-là mangeraient des croûtes de gruyère pendant longtemps. Je leur avais répondu qu’ils feraient carrière."
"Une fois à Beaucaire, lors d’une capea, j’étais sortie pour me mesurer à un animal costaud. Lui n’était pas sorti. Avec son frère, Frédéric Pascal, Simon Casas, on était dans le rêve, dans l’illusion. On ouvrait le chemin. Après, les choses se sont inversées et c’est moi qui n’ai plus voulu me mettre devant les toros. Il m’écrivait chaque année pour me présenter ses vœux."
"Je suis née en février 1991. Nimeño, je ne l’ai vu qu’en vidéo. Je suis allée très jeune aux arènes, avec mon grand-père paternel qui m’a transmis son aficion. Quand j’ai été en âge de comprendre les subtilités de la tauromachie, j’ai lu “Recouvre-le de lumière”, d’Alain Montcouquiol, le frère de Christian. C’est un de mes livres préférés. À l’adolescence, à un âge où on faisait des blogs, j’en ai créé un pour parler traditions.
Je l’ai appelé la Nimeña. Lorsque j’étais en fac d’histoire à Nîmes, j’ai participé à l’écriture d’un livre, avec David Matais, mon prof d’histoire contemporaine dans lequel j’ai relaté l’histoire de la statue de Nimeño forcément. Tout me ramène à lui en fait. La preuve, mon grand-père, qui est décédé en 2005, est enterré au cimetière St-Baudile tout près de l’endroit où repose Christian."
"En 1985, le 25 mai précisément, j’étais le président d’une corrida où il était au paseo avec Niño de la Capea et Espartaco. À cette époque, j’étais très souvent au palco. J’avais la réputation d’être plutôt intransigeant. Il avait réalisé une très bonne faena mais il avait été moins bon à la mise à mort. J’avais donc estimé qu’il ne méritait pas l’oreille. Le public avait beaucoup insisté pour que je la lui donne mais, malgré une très grosse pression, j’avais tenu bon et n’avais pas sorti le mouchoir."
"J’avais subi une grosse bronca et quelques bouteilles d’eau vides avaient d’ailleurs été jetées des gradins sur le palco. Le lendemain, Midi Libre avait d’ailleurs titré un article “Il pleut sur le palco” avec une photo où l’on voyait très bien les bouteilles. J’avais dû quitter les arènes encadré par deux policiers municipaux pour faire face aux personnes mécontentes. Il y avait vraiment une grosse colère. D’autres m’avaient félicité d’avoir tenu bon. Après coup, j’ai un peu regretté mais je ne pense pas que Nimeño m’en ait voulu."
"Lorsque j’étais au lycée Daudet, on le voyait, revenant de son entraînement qu’il faisait alors au stade Marcel-Rouvière se garer sur le boulevard Victor-Hugo et sauter comme qui rigole les barrières qui étaient installées sur les trottoirs pour aller à la banque Chaix qui était juste en face. Il était le plus souvent en short et un tee-shirt. C’était pour moi un Dieu vivant."
"Ce qui m’impressionnait, c’était la cicatrice qu’il avait à l’intérieur de la cuisse, conséquence de la cornada qu’il avait subie à Barcelone au surlendemain de son alternative. On l’interpellait par son prénom ou simplement Nimeño pour qu’il nous fasse un autographe sur une simple feuille de papier ou sur notre cahier de texte. Les miens, je les ai souvent fait signer."
"En 1981, je toréais un peu et je cherchais un habit de lumière. Je suis allé voir Christian dans les arènes de Caissargues. Il m’a proposé de passer chez lui dans la soirée pour me proposer un costume qu’il avait porté à Madrid mais qu’il ne mettait plus."
"Pour moi, c’était quelque chose d’irréalisable. A l’intérieur de la chaquetilla, il y avait une paire de médias (des bas, NDLR) et une muleta qu’il m’offrait. L’habit de lumière, je ne l’ai jamais porté. Je l’ai vendu à Robert Pilès quand il est revenu en 1985. Mais le reste, je l’ai précieusement gardé."