• 16/02/2023
  • Par binternet
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Marc Beaugé «Le jean-baskets devient un nouvel uniforme»<

Couteau suisse médiatique, pilier du groupe So Press, rédacteur en chef des magazines Society, l'Etiquette et Holiday, pigiste pour M le Magazine du Monde, chroniqueur de l'émission Quotidien, Marc Beaugé est entre autres expert ès mode masculine. Et supporteur du costume.

Que vous inspire le déclin du costume masculin, certifié par les chiffres ?

Même chez Goldman Sachs, il n’est plus obligatoire… La culture start-up gagne du territoire, au-delà même des start-up. Il faut donner l’impression de s’amuser au boulot. On met une table de ping-pong dans l’open space, on vient travailler en hoodie et en jean. Et tout va bien… Enfin, en apparence.

Le phénomène est anecdotique ou important ?

Assez majeur, je crois. On peut en tout cas s'interroger sur son sens. Est-ce que l'affaiblissement du costume, souvent considéré comme le symbole du pouvoir et de l'argent (il n'y a qu'à voir le power suit de Gordon Gekko dans Wall Street), révèle une forme d'affaiblissement de la culture capitaliste ? Je ne suis pas sûr. Même en hoodie, on peut faire du business… En revanche, je note que l'affaiblissement du costume correspond précisément à celui du patriarcat. Or le costume n'a jamais été gender fluid. Il a été porté par tous les hommes, les riches, les prolos, les jeunes, les vieux, les dominants, les dominés (on parlait il y a quelques décennies de «gris» pour désigner le costume austère des travailleurs modestes), mais il n'a jamais été massivement récupéré par les femmes. On l'associe donc à la masculinité. Peut-être qu'il en pâtit aujourd'hui…

Vu son écho coercitif, peut-on parler de libération ?

C'est tentant. Mais d'où vient l'incitation à ne plus porter de costumes dans les entreprises ? Souvent d'en haut, des patrons. C'est du marketing : «Regardez comme ma boîte est cool, les gens sont en jean-baskets…» De façon perverse, le jean-baskets devient donc un nouvel uniforme. La vraie liberté serait que les salariés puissent s'habiller comme ils le veulent. Même en costume. Parce qu'on peut vraiment aimer le porter.

Qui le porte désormais ?

Marc Beaugé «Le jean-baskets devient un nouvel uniforme»

Chez les moins de 40 ans, il est devenu très rare. On le porte pour un entretien d'embauche, pour un mariage. Regardez Zuckerberg. Il ne met son costume que quand il passe devant des juges, ou quand il va négocier avec un président. Globalement, quand il est en position de faiblesse. En réaction à ce mouvement de fond, je vois des petits jeunes qui se plaisent à porter un costume, à le comprendre. Car il y a une culture derrière, comme derrière le ciné, le rock, le foot ou le vin. Un costume italien n'est pas un costume anglais. Une épaule napolitaine [sans rembourrage donc naturelle, tombante, ndlr] n'est pas une épaule à forme pagode [qui s'évase de l'aisselle au poignet]. Il y a un savoir passionnant derrière le costume. C'est pour ça, je pense, qu'il reviendra.

Que diriez-vous pour sa défense ?

Depuis son apparition autour de 1855, le costume, c’est-à-dire un complet composé d’un pantalon et d’une veste taillée dans le même tissu, a très peu évolué. Parce que c’est le vêtement masculin ultime. Il rend plus beau. Je dirais même que quand on l’enfile pour la première fois, on se révèle, on sort de l’«adulescence»… Et puis on rompt avec cette tyrannie puérile du logo, des marques, de la fashion. Il n’y a pas de logo sur un costume. C’est plus subtil. Un costume de qualité, ça ne saute pas aux yeux. Du coup, ça ne se démode pas…

Un bon costume, marine ou gris, dans des proportions raisonnables, tiendra très longtemps. Et il n’est pas nécessaire d’aller chez Cifonelli ou Arnys et de payer 7 000 euros pour le trouver… A partir de 400 euros - ce qui reste une somme, évidemment - il y a des choses qui tiennent la route, avec une veste semi-entoilée (1). Les costumes Jonas de Macron coûtent 380 euros et ils remplissent leur fonction. Ils lui donnent de l’aplomb, sans le faire passer pour un mec qui flambe. C’est malin. Même si, bon, peut-être qu’il vaudrait mieux que Macron porte un costume à 8 000 euros et fasse une politique de gauche, hein.

(1) La veste masculine classique est entoilée : une toile est piquée de façon souple entre la doublure et le tissu extérieur. Quand une veste est thermocollée, la toile est collée à la doublure et au tissu extérieur. Ce procédé est moins coûteux mais vieillit moins bien. La notion d’entoilage-thermocollage est le critère premier de la qualité d’une veste.

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