Par Julien Lagarde Publié leLe Pays d'AugeVoir mon actu
Atteint d’un double cancer de l’œsophage et de l’estomac, Bernard Tapie est mort dimanche 3 octobre 2021. Homme aux multiples vies, il n’aura pas laissé que des bons souvenirs en tant que patron d’industrie. C’est le cas notamment à Lisieux (Calvados).
En novembre 1984, Bernard Tapie débarque dans la capitale du pays d’Auge avec son costume de sauveur. À l’époque, l’homme d’affaires s’est fait une spécialité de reprendre des entreprises en difficulté, souvent pour un franc symbolique, pour mieux les revendre.
Pompier de l’impossible, celui que l’on surnomme Zorro dans les milieux économiques est venu rassurer les salariés de l’usine Wonder. Le fabricant de piles bat de l’aile depuis deux ans et le risque de voir fermer le site de Lisieux à plus ou moins brève échéance est réel. Grand communicant, Bernard Tapie se met tout le monde dans la poche, élus compris.
S’il confirme les licenciements de 125 personnes, le nouveau patron maintient 250 emplois et promet « un bel avenir » à l’unité lexovienne.
« Le bon sens aurait voulu, dans un contexte d’économie saine, que l’on ferme Lisieux pour concentrer les activités sur Louviers, déclare-t-il à l’issue d’un comité d’entreprise. Cette carte n’est pas jouable lorsque l’on connaît les problèmes de chômage de Lisieux. Je considère que l’on n’a pas donné à l’unité lexovienne les moyens de mener le combat industriel ».
Bernard Tapie veut changer l’image de l’entreprise pour que « les gens soient fiers d’en faire partie ». Il annonce vouloir faire de Lisieux un lieu de production moderne qui, deux ans plus tard, serait capable de produire la pile alcaline ++, le nec plus ultra sur le marché.
L’entreprise n’en fera pas. Bernard Tapie, en revanche, si.
Dix mois plus tard, en août 1985, l’usine ferme. 244 personnes se retrouvent sur le carreau. Les salariés multiplient les manifestations mais la messe est dite. Pendant ce temps, l’action Wonder bondit de… 560 % !
Dans les affaires depuis 1978, Bernard Tapie réalise un des plus gros coups de sa carrière. En 1989, il empoche une plus value de 480 millions de francs (72 millions d’euros) en revendant Wonder à un groupe américain.
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Lors de sa visite à Lisieux, il avait pourtant promis, la main sur le cœur, qu’il arrêterait rapidement « ce métier » d’acquéreur-revendeur. « À la fin de l’année, j’arrête, avait-il expliqué. Sur le plan humain, ce n’est plus supportable. C’est horrible d’arriver dans une entreprise pour y jouer le rôle du père Fouettard ».
Le « site Wonder » restera à l’état de friche pendant 36 ans, seule une partie de ce grand bâtiment en brique situé près de la gare sera occupée par la troupe du Tanit théâtre.
Depuis le 5 octobre 2020, il abrite le tribunal judiciaire de Lisieux. Ironie de l’histoire, cette cité judiciaire réunit trois juridictions que Bernard Tapie aura souvent fréquentées au cours de sa vie : le tribunal de grande instance, le conseil des prud’hommes et le tribunal de commerce.
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