• 27/10/2022
  • Par binternet
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Comiccon : dans l'univers d'une cosplayer<

Un texte de Laurence Niosi

Perruques, bombes aérosol, vernis, costumes jonchent les tablettes de son salon transformé en atelier de couture, dans son appartement de Verdun. Eugénelle amorce la dernière ligne droite avant l'ouverture de Comiccon, un rendez-vous qui aura nécessité des centaines d’heures de préparatifs.

« Eugénelle cosplay » (de son vrai nom Eugénelle Desrosiers) fabrique tous ses costumes à la main, que ce soit des armures, des accessoires ou des robes. Pendant les trois jours de Comiccon, elle portera trois costumes différents, dont celui du personnage Torbjörn (du jeu Overwatch), pour lequel elle mettait la touche finale lors de notre rencontre.

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Eugénelle se maquille avant de s'habiller en Torbjörn.

Photo : Radio-Canada / Laurence Niosi

À 25 ans, et seulement trois ans à être une cosplayer, Eugénelle a déjà plus de 11 000 « j’aime » sur sa page Facebook et plus de 3000 abonnés sur Instagram. Aux États-Unis, des cosplayers peuvent avoir des millions d’abonnés sur les réseaux sociaux et vendent des produits dérivés sur Patreon, la plateforme de financement participatif pour les artistes et les créateurs de contenu.

Eugénelle n’en est pas encore là. Elle vend des photos et des tapis de souris, mais son passe-temps favori lui coûte pour le moment plus cher - en fabrication de costumes, en participation à une dizaine de conventions par année - que ce que lui rapportent ses revenus. Elle espère néanmoins en faire un jour un gagne-pain après avoir pris des cours en couture. Pour l'instant, elle gagne sa vie comme vendeuse.

Le cosplay (la contraction de « costume » et de « play »), est un mouvement devenu populaire en Amérique du Nord et au Japon depuis les années 1980 et qui est relativement peu connu à l’extérieur des cercles d’initiés. Nous avons posé quelques questions à Eugénelle pour comprendre un peu plus cet univers.

Comment as-tu commencé à faire du cosplay?

C’est en voyant des photos de [la célèbre cosplayer américano-chinoise] Yaya Han il y a six ans. Je suis tombée sur une de ses photos en Felicia, une espèce de chat humain. Elle portait un top en minou et une perruque gaufrée et je suis allée sur son site. Je ne savais pas c’est quoi. Et j’ai vu qu’elle faisait ses costumes, j’étais comme "wow". Je lisais déjà des mangas à l’époque. Ma grand-mère m’a fabriqué mon premier costume, Satsuki, un personnage de Totoro. J’ai commencé avec des costumes d’animes [dessins animés japonais qui s’inspirent du manga], puis avec ceux de l’univers DC Comics, puis les jeux vidéo et émissions de télévision. Mais je suis plus une otaku à la base [fan d’anime et de manga].

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Eugénelle en Torbjörn

Comiccon : dans l'univers d'une cosplayer

Photo : Radio-Canada / Laurence Niosi

Comment choisis-tu tes personnages?

Ça varie. J’écoute beaucoup [les émissions] Adventure Time et Game of Thrones. Chaque saison, je regarde les costumes, et je veux tout faire. J’aime les personnages plus vieux, comme [ceux des séries manga] Yu-Gi-Oh! ou Sailor Moon. Et j’aime les personnages avec de l’attitude, ou des méchantes, des femmes avec beaucoup de pouvoir.

Combien de temps ça prend, de faire ton costume?

Ça dépend, si c’est un costume qui a de la couture à faire seulement, une semaine. S’il y a des épées, une masse, c’est plus long, car il faut compter le temps de séchage des peintures. Il faut alors prévoir une ou deux semaines au moins. Torbjörn, je l’ai fait en un mois, mais je me suis vraiment dépêchée. J’ai fait des 8 heures par jour dessus, en plus de mon travail. Il m’a coûté 700 $ en matériel.

Y a-t-il différents genres de cosplay?

Oui, il y a par exemple le genderbend [personnifier un personnage qui n’est pas du même sexe]. Des fois, tu n’aimes que les personnages garçons, ou tu es attiré par eux. En cosplay, il n’y a pas de sexe, ou de même de type de corps, tu peux t’habiller en qui tu veux en autant que ça n’offense personne... ce qui arrive souvent dans les derniers temps.

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Eugénelle en Torbjörn

Photo : Radio-Canada / Laurence Niosi

Qu’est-ce qui peut offenser par exemple?

Je dirais les couleurs de peau en raison de la polémique sur le blackface. Le moindrement qu’une fille blanche se fonce la peau, ça crée du drame sur Internet. Cette semaine, [le cosplayer italien, invité au Comiccon de Montréal cette année] Leon Chiro a cosplayé un Égyptien, il s’est foncé la peau, et ça n’a pas passé. Aussi, maintenant, c’est devenu difficile de faire des personnages plus foncés comme Pocahontas ou Moana. Je trouve cela dommage, car on cosplay pour honorer ces personnages.

Comment arrives-tu à avoir autant d'abonnés sur les réseaux sociaux?

Par les partages. On est une communauté très passionnée, impliquée. Les grosses pages de cosplay vont partager nos pages. Des cosplayers avec des millions d’abonnés, comme [la Néo-Zélandaise] Jessica Nigri, partagent les pages des cosplayers moins connus, et nous encouragent.

Y a-t-il beaucoup de cosplayers qui vivent de leur passion au Québec?

Non. J’imagine que [la modèle, cosplayer et costumière] Marie-Claude Bourbonnais, de Québec, vit de ça. Mais elle vend aussi beaucoup de photos glamour sexy sur Patreon. Il y a un bon marché pour ça. Il y a des cosplayers qui sortent des livres d’artisanat, que tu peux imprimer chez toi, sans maison d’édition. « Kamui cosplay », par exemple, a seulement 200 000 abonnés sur Facebook, et elle vit de ça. Elle est invitée aux conventions, et les gens achètent ses livres à la pelletée. D’autres cosplayers font du doublage pour des animes, monétisent leurs vidéos sur leur chaîne YouTube, etc. D’autres sont des partenaires [du site d'échange pour amateurs de jeux] Twitch, qui leur paient des voyages aux conventions.

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Eugénelle a fabriqué tous les accessoires du costume de Torbjörn.

Photo : Radio-Canada / Laurence Niosi

Que pensent tes parents ou les gens autour de toi?

Je n’ai pas une bonne relation avec ma mère, on ne se parle plus. Elle me critiquait par rapport à mon cosplay, en disant : « tu ne vas pas sortir comme ça, les gens vont te regarder ».

En général, les gens nous regardent bizarrement, ils pensent qu’on cherche l’attention, parce qu’il y a beaucoup de cosplay sexy.

Pourquoi tant de cosplayers sexy justement?

Je crois que ça donne de la confiance de faire du cosplay, à mieux se sentir dans leur peau. Mais le cosplay n’est pas seulement pour les filles minces. Il y a beaucoup de cosplayers qui sont taille plus, sont très fières de leur corps et le montrent.

Cest sûr qu’autant les hommes que les femmes sentent souvent qu’ils doivent faire des costumes sexy pour pogner. Il y a beaucoup d’hypersexualisation. Mais personnellement, quand je mets des photos sexy, je perds des « j’aime ». J’en gagne quand je mets des costumes. Mon public s’attend à ça. Dans la vie de tous les jours, je suis très discrète. Mais dans les conventions, je suis un personnage. J’aime pouvoir être n’importe quoi ou qui pendant une journée, peu importe ce que les autres pensent.

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Eugénelle en Torbjörn

Photo : Radio-Canada / Laurence Niosi

Y a-t-il des hommes qui tentent de t'accoster?

Oui, et il y a beaucoup de creeps, surtout du moment que tu joues un personnage qui est très populaire auprès des gars, eux voient le vrai personnage. Beaucoup d'hommes m'écrivent sur Internet et demandent de me rencontrer quand je vais dans une convention quelque part aux États-Unis, par exemple. Je dois leur dire que non. Je cosplay pour moi. J'assume que quelqu'un peut venir me parler pour ça, mais je ne veux pas être achalée.

Note linguistique : l’Office québécois de la langue française propose le terme « costumade » pour traduire cosplay. Le terme ne fait toutefois pas l’unanimité parmi les adeptes de cosplay.